Crash du Rio-Paris: «Je suis ici pour exprimer ma colère devant tout ce gâchis»

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Crash du Rio-Paris«Je suis ici pour exprimer ma colère devant tout ce gâchis»

Des proches des victimes du vol Rio-Paris, qui s’est abîmé en mer en juin 2009, ont témoigné à la barre jeudi.

Le crash avait coûté la vie à 228 personnes.

Le crash avait coûté la vie à 228 personnes.

AFP

«Pas de la haine, mais de la colère»: jeudi, au tribunal de Paris, des proches des victimes du crash en 2009 du Rio-Paris ont partagé leur douleur, adressant aussi des messages cinglants à Airbus et Air France. Sylvie Delerablée arrive, décidée, à la barre. «Je suis ici pour exprimer ma colère devant tout ce gâchis», débute-t-elle.

«Cette colère a commencé le 1er juin 2009», jour où l’AF447 s’est abîmé dans l’Atlantique, au large du Brésil, emportant avec lui 228 personnes, dont son mari, Pascal. «Il avait 51 ans, il était ingénieur, il avait une vie de famille, un travail qui lui prenait beaucoup de temps mais qui ne l’empêchait pas de s’occuper de ses enfants», décrit-elle prestement. «Cet homme avait trois fils», poursuit Sylvie Delerablée. «Ils ont réussi à finir leurs études, je suis très fière d’eux. (…) Mais combien vaut, en sondes Pitot, le fait de devenir adulte sans son père?»

«Cet homme aurait sept petits-enfants»

Le soir du crash, les sondes mesurant la pression subie par l’avion pour en calculer la vitesse, baptisées Pitot, ont givré. Désorientés, les pilotes ont perdu le contrôle de l’appareil en moins de 5 minutes. Airbus et Air France sont jugés depuis le 10 octobre pour homicides involontaires, soupçonnés d’avoir sous-estimé la gravité de cette panne. Ils se défendent de toute «faute» ayant mené au drame. La question du non-remplacement des sondes, par un autre modèle semblant moins givrer, a occupé de longues heures d’audience.

«Cet homme aurait maintenant sept petits-enfants. Ils ne connaîtront pas leur grand-père», poursuit Sylvie Delerablée. «Cet homme avait une femme, moi, et je peux vous garantir qu’après 27 ans de mariage, on continuait à s’aimer.»

«J’ai entendu le responsable d’Airbus comparer ces 228 personnes par rapport aux millions de personnes qui montent et descendent tous les jours d’un avion. Visiblement, c’était peu de choses», juge-t-elle. «Ma question est: quel est le prix des sondes Pitot par rapport aux millions que vous brassez tous les jours?»

«Votre machine a failli»

Nicolas Toulliou, 27 ans, faisait aussi partie des passagers. Sa mère décrit un fils «solaire», «toujours entouré de copains»; des résultats scolaires compliqués jusqu’à un «déclic», puis le bac, une école de commerce international. Le 1er juin 2009, ils devaient se retrouver pour fêter l’anniversaire de son mari. Elle se souvient, la voix frissonnante: «l’onde de choc» de l’annonce, la «cellule de crise» à Roissy.

Ce furent ensuite «deux ans de recherche, d’espoir, d’abattement», pour retrouver l’épave. «Le corps de Nicolas n’a jamais été repêché», reste une «stèle en Bretagne, pour nous recueillir» et faire face à «l’absence». «Messieurs, c’est à vous que je m’adresse, cela fait 13 ans que j’attends ce procès», prononce-t-elle à l’attention des prévenus. «Je n’ai pas de haine, mais de la colère». «Si les sondes n’avaient pas gelé, si on avait trouvé quelque chose pour l’empêcher, (…) nous ne serions ni vous, ni moi, devant ce tribunal», affirme-t-elle.

«Pas à la hauteur de l’image de vos entreprises»

Sa fille, Ophélie Toulliou, évoque ensuite la terrible perte d’un frère, salue notamment le «courage de ses parents» et sa «deuxième famille», l’association Entraide et Solidarité AF447. «Parfois c’est dur de garder foi en la vie, en l’humain, surtout quand on assiste à ces semaines de procès», souffle-t-elle.

Elle se tourne du côté d’Airbus et d’Air France. «Votre attitude et votre discours ne sont pas à la hauteur de l’image de vos entreprises. Vous êtes de grandes entreprises, vous avez de grandes responsabilités, c’est votre devoir aussi de les assumer, dans le bon comme le mauvais.»

Brocardant leur «assurance», elle appelle à «l’humilité». «Votre machine, à laquelle vous croyiez tant, a failli», lâche-t-elle. Elle déclare finalement: «Je voudrais que, quand je dis à mes enfants qu’il faut dire la vérité, croire en la justice, que les plus forts ne gagnent pas toujours, j’aimerais ne pas me tromper.»

(AFP)

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