Anouchka Delon: «Je suis venue à Genève pour me rapprocher de mon père»

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InterviewAnouchka Delon: «Je suis venue à Genève pour me rapprocher de mon père»

La comédienne, qui fête ses 32 ans aujourd’hui, a déménagé en Suisse il y a cinq ans. Elle se livre sur sa vie au bout du lac, ses projets d’actrice et donne des nouvelles d’Alain Delon.

Fabio Dell'Anna
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Fabio Dell'Anna

Anouchka Delon est «toujours à l’heure». «Mon père est pareil, il arrive même cinq minutes à l’avance lors des rendez-vous», nous dit-elle mardi au bar de l’hôtel Métropole à Genève. La ponctualité n’est pas sa seule qualité. La comédienne, qui fête ce 25 novembre ses 32 ans, est aussi positive, sensible et généreuse. Pendant une demi-heure, elle se livre sur son amour pour la Suisse où elle vit depuis cinq ans. Elle parle aussi de son père «qui va bien», de son rôle de mère et de sa carrière d’actrice.

«Je veux juste vivre de mon métier», sourit-elle, lorsqu’on lui demande ce qu’elle désire professionnellement. Elle avoue tout de même rêver de travailler avec Éric Toledano, Olivier Nakache ou encore Olivier Marchal. «Dans un tout autre registre, tourner avec Dany Boon serait incroyable. Je l’ai rencontré une fois brièvement et je l’ai trouvé si humble», confie-t-elle avant de préciser apprécier les gens dans ce métier qui gardent les pieds sur terre malgré leurs nombreux succès.

Des envies et des projets qu’elle détaille tout au long de l’entretien, dont un avec son mari Julien Dereims pour la télévision qu’elle évoque en exclusivité.

Cela fait cinq ans que vous habitez en Suisse. Comment vous y sentez-vous?

Super bien. J’en parlais encore à mon mari cette semaine. Je suis vraiment heureuse à Genève. J’ai grandi ici. Je suis allée à l’école internationale. Il y a cinq ans, on en a eu un peu marre de Paris. C’est une ville très sympa pour vivre sa jeunesse et sortir, mais j’avais envie d’autre chose. J’ai passé mon enfance entre les Pays-Bas et la Suisse et j’avais besoin de retrouver la nature.

Qu’est-ce qui vous raccroche à Genève aujourd’hui?

Car mon père est là. Je voulais me rapprocher de lui. C’était finalement la bonne chose à faire avec tout ce qu’il s’est passé ces trois dernières années. (Ndlr: il a été victime d’un AVC en juin 2019.) C’était une période vraiment compliquée. (Elle réfléchit.) Qu’est-ce qui fait que je reste ici? Je m’y sens juste trop bien. Vraiment. Quand je vais à Paris, je suis contente d’y travailler, mais je me sens encore mieux lorsque je suis de retour chez moi. Sans oublier que mon fils est né aussi ici. J’ai finalement énormément d’attaches avec ce pays.

Ce n’est pas trop compliqué de gérer votre carrière d’actrice depuis Genève?

Non, car je l’ai toujours fait. Et j’adore bouger. Avec le théâtre, j’étais habituée à faire des tournées et ma famille ne restait pas longtemps au même endroit. C’est sûr que c’est un peu plus d’organisation depuis que je suis maman. C’est toujours un peu la caravane qui se déplace. (Rires.) Entre le chien, les bagages, l’enfant…

J’étais sûre et certaine de devenir actrice à partir du moment où j’ai tourné dans le téléfilm «Le lion». J’avais 12 ans.

Anouchka Delon, comédienne

À partir de quand avez-vous su que vous vouliez devenir actrice?

J’en étais sûre et certaine à partir du moment où j’ai tourné dans le téléfilm «Le lion». J’avais 12 ans. J’ai appris récemment que ce n’était pas mon père qui aurait dû jouer le rôle principal, mais Jean-Paul Belmondo. Malheureusement, il a eu un AVC et le projet est resté en suspens. Jean-Luc Lagardère, qui a produit le long métrage, est un ami de mon père. Il lui a alors proposé le rôle. À la base, je ne devais donc pas du tout faire partie du casting. C’est terrible ce qui est arrivé à Jean-Paul Belmondo, mais grâce à lui j’ai eu ma première expérience en tant qu’actrice et je n’ai plus eu aucun doute sur ma carrière. Je n’ai absolument pas vécu ce tournage comme un travail, je m’amusais. Mes parents m’ont quand même demandé de passer d’abord mon bac. J’ai fini par hésiter à intégrer une école aux États-Unis pour devenir journaliste. Mais après avoir pris des cours de théâtre au lycée, il n’y a plus eu l’ombre d’un doute.

Vous vous êtes ensuite inscrite au cours Simon.

Pourtant j’étais très timide. Je jouais complètement repliée sur moi-même. J’y ai appris tellement de choses… À mon arrivée, je me souviens avoir présenté une scène que je n’aurais pas dû faire. Je pensais qu’au théâtre on pouvait tout jouer. Mais il faut savoir que lorsque William Shakespeare écrivait ses pièces, des hommes jouaient le rôle des femmes. J’ai alors présenté «Don Juan» de Molière et on m’a dit: «Tu as joué un homme et tu n’as pas le droit.» J’ai simplement répondu que j’avais fait ce choix car le personnage me plaisait.

Vous préférez le théâtre ou le cinéma?

C’est impossible de choisir. Être au contact du public tous les soirs et avoir l’impression de faire quelque chose de différent à chaque fois, c’est super. Comme un chef étoilé, on va essayer d’atteindre la perfection et de continuer à proposer de nouvelles choses. J’adore aussi le cinéma. Je l’ai découvert il n’y a pas si longtemps. J’ai aimé me retrouver dans des endroits incroyables, d’être dans l’instant de tourner une scène et de passer à la suivante… Finalement, j’apprécie les deux mondes qui se complètent beaucoup. Je viens de terminer le tournage d’un film et mon expérience théâtrale m’a beaucoup servi pour la concentration.

Le film dont vous parlez est «Encore quelques instants de bonheur» de Pascal Thomas dont la sortie est prévue en 2023. Pouvez-vous nous en dire plus?

C’est une comédie dramatique d’auteur. L’histoire parle d’un homme de 50 ans qui fait le bilan de sa vie. Ce cinquantenaire n’a pas été très tendre avec les femmes tout au long de sa vie. Je joue d’ailleurs l’une d’elles. Et même si c’est un rustre, on finit tout de même par avoir de la tendresse pour ce personnage et on lui pardonne tout.

Pourquoi avoir accepté ce rôle?

Pour l’histoire déjà et mon rôle est intéressant. Il s’agit d’une femme trahie qui décide ensuite de faire un pèlerinage à vélo vers Saint-Jacques-de-Compostelle. Je l’ai trouvée très résiliente et positive malgré ce qui lui arrivait. Dans la vie, ce n’est pas facile de se dire: «Il faut avancer!»

Vous avez ce genre de caractère?

Oui, je suis toujours un peu comme ça. Par exemple, pendant la pandémie je n’ai pas beaucoup travaillé, comme beaucoup de monde. Il y avait le Covid, mais j’ai eu aussi un enfant. Lorsque l’on devient mère, on ne vous appelle plus forcément dans le métier. Les gens pensent que l’on n’est que maman. Ce qui est difficile car en tant que femme, on est heureuse d’avoir un enfant, mais nous sommes bien plus que ça. J’ai eu mes doutes, mais je me suis relevée et j’ai avancé.

Avez-vous déjà songé à un plan B?

Non.

Peut-être devenir productrice ou réalisatrice?

Oui, mais je ne vois pas ça comme un plan B. C’est plus une continuité dans ma carrière. Je ne me sens pas encore assez mûre pour passer ce cap. J’écris déjà des bribes de scénarios. J’ai un carnet où je note toutes mes idées et j’espère un jour me sentir prête pour sauter le pas. Le chef Thierry Marx, qui m’a souvent accueilli dans ses cuisines avec mon mari, m’a répété: «Je n’ai jamais eu de plan B. Quand on en a un, on finit toujours par se reposer sur ce dernier au lieu de se concentrer sur son but.»

Avez-vous d’autres projets en cours?

J’ai un projet d’écriture avec Julien, mon mari. Nous avons créé une pièce de théâtre avant le Covid et nous essayons de la monter. Nous sommes aussi en train de nous pencher sur la création d’une série pour la télévision. C’est en discussion et ça à l’air bien parti. Je ne peux pas vous en dire plus, de peur de nous porter la poisse.

Vous aviez déjà travaillé avec votre mari à plusieurs reprises, notamment dans les pièces «Une journée ordinaire», en 2011, et «Libres sont les papillons», en 2017. Vous aimez cela?

Oui et on aime bien également travailler chacun de notre côté. On apprécie surtout écrire ensemble. C’est parfois un challenge aussi. (Rires). J’adore collaborer avec les gens que j’aime. Que ce soit mon père ou mon mari. Il y a beaucoup de choses à raconter en couple. Il y a deux acteurs que j’admire, c’est Charlotte Gainsbourg et Yvan Attal. Chacun a ses projets, mais ils se retrouvent de temps en temps sur les mêmes tournages. Leur fils aussi d’ailleurs. Ce sont des choses qui me touchent.

Vous êtes maman depuis bientôt 3 ans. Qu’est-ce qui a changé depuis?

Tout. En commençant par mes nuits. (Rires.) Ma mère (ndlr: Rosalie van Breemen) m’a expliqué que je vais désormais m’inquiéter toute ma vie… Je suis hyperconfiante d’être maman et bizarrement, en même temps, je remets tout en question. Par exemple, la guerre en Ukraine me fait vraiment flipper et je me dis: «Mon Dieu. J’ai eu un enfant pendant cette terrible période…»

«Maintenant, mon fils a une affiche de «Zorro» dans sa chambre et son grand-père c’est Zorro»

Anouchka Delon, actrice

Comment décririez-vous votre fils? C’est un enfant calme?

Non, il n’est pas calme. (Elle éclate de rires.) Il est plein de vie. Je crois qu’il est hypersensible comme ses parents et il fait déjà bien son cinéma aussi. Il a du caractère et est hypervif, mais il est toujours mignon. Parfois, on a l’impression qu’il y a quinze enfants à la maison. (Rires.) Vous savez, j’ai adoré la période où il était nouveau-né parce qu’on était vraiment dans une bulle. Parfois, je regarde des vidéos et je suis un peu nostalgique, mais maintenant il commence à parler et à nous raconter sa vie… C’est encore plus fascinant de le voir évoluer.

Vous avez songé à agrandir la famille?

Non, un enfant ça va. Nous avons eu des soucis pour l’avoir. Un an avant sa naissance, j’ai perdu un bébé. Il était malade et j’ai dû faire une interruption de grossesse, car j’étais sur le point de faire une fausse couche. C’était une période difficile. Puis je suis tombée enceinte au moment où mon père a failli mourir. Je me suis dit: «Pourvu qu’il s’accroche.» Malgré ça, la grossesse a été super et l’accouchement s’est bien déroulé. Dans ma tête j’ai un peu cassé le moule. Il est parfait. Je voulais juste être maman et avoir un enfant en bonne santé.

Comment est votre père, Alain Delon, avec son petit-fils?

Il est fasciné par le petit. Il le trouve beau et répète qu’il grandit trop vite. Je pense que ça lui donne beaucoup de vitalité et d’énergie. Je me dis parfois aussi qu’il s’est accroché pour ça il y a trois ans. Ils se transmettent mutuellement beaucoup de choses. J’essaie de créer un maximum de souvenirs pour mon fils avec son grand-père parce qu’il a l’âge qu’il a. Et il est toujours trop content de le voir. Il n’a pas peur de lui, bizarrement. Parfois, les enfants sont effrayés par les personnes âgées. Il est en admiration par son grand-père. Je lui ai montré un petit extrait de «Zorro» dans lequel a joué mon père. Maintenant, il a une affiche de «Zorro» dans sa chambre et son grand-père c’est Zorro. C’est mignon de les voir tous les deux.

Votre père a fêté ses 87 ans le 8 novembre. Avez-vous célébré?

Il les a fêtés en Suisse, oui. Nous étions présents car je trouve important d’avoir des moments tous ensemble. On va d’ailleurs fêter mon anniversaire aujourd’hui en famille à Genève. Je suis heureuse d’être entourée par les hommes de ma vie pour cette occasion.

Comment se porte votre père aujourd’hui?

Il va bien. Franchement, il est revenu de loin. J’ai en tête cette image du dessin animé «Hercule», lorsqu’il va chercher Mégara dans la rivière. J’ai l’impression que mon père est un peu revenu de ça. Il a quand même eu trois pépins… C’est un peu un surhomme, mon père est un peu Hercule! On se dit: «C’est fou qu’il soit revenu d’un truc comme ça alors qu’il n’aurait dû pas revenir.» Il n’a pas de séquelles. II est juste fatigué parce qu’il a 87 ans et il est un peu moins longtemps concentré… Quand je lui amène mon fils, cela le fatigue vite car il a beaucoup d’énergie. Mais ça lui fait du bien et il va bien. C’est le même, mais juste avec trois ans de plus. Il a eu beaucoup de chance. Il aurait pu se retrouver comme Jean-Paul Belmondo et ce n’est pas le cas. Chaque jour je me dis: «Comment c’est possible?» Je ne sais pas. Je pense qu’il a vraiment une très bonne étoile.

Est-ce qu’il voudra peut-être revenir sur le devant de la scène pour des projets?

Non, il n’a plus envie de ça. Il est fatigué. Peut-être pour un projet qui va vraiment le marquer, mais je vous avoue qu’il ne veut plus. Il fait des choses qui lui tiennent à cœur, comme cette interview avec Volodymyr Zelensky pour l’Ukraine. Cela a permis aux gens de voir qu’il était toujours là et en forme. C’est pour ça aussi que je me permets de poster de temps en temps des photos sur Instagram. Cela fait plaisir aux gens. Il est toujours d’ailleurs au courant. On pense que je poste sans lui dire, mais je lui demande toujours l’autorisation avant. Les réseaux sociaux, ça le dépasse un peu. Je lui dis: «Est-ce que je peux publier une photo de toi avec le petit ou de nous deux? Cela fait plaisir aux internautes de voir que tu es en forme. Ils me posent des questions, mais tu es le mieux placé pour y répondre.» Je tiens à rassurer les gens qui doutent encore, il a toute sa tête. Nous ne cachons absolument rien.

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