Inde: L’air toxique accentue les inégalités à Delhi

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IndeL’air toxique accentue les inégalités à Delhi

Alors que les personnes précaires contribuent peu à la pollution, elles n'ont pas les mêmes moyens de protection que les hauts revenus. 

À Delhi, la toxicité de l’air atteint parfois 30 fois plus que le maximum indiqué par l’OMS.

À Delhi, la toxicité de l’air atteint parfois 30 fois plus que le maximum indiqué par l’OMS.

AFP

Les changements environnementaux affectent plus durement les plus pauvres, selon les experts, et dans la capitale indienne étouffée par la pollution, les inégalités commencent par l’air que respirent les habitants.

Delhi est l’une des pires capitales du monde en termes de qualité de l’air. Chaque hiver, un épais brouillard toxique, alimenté par les brûlis agricoles et les émissions industrielles et du transport routier, stagne dans la mégapole de 30 millions d’habitants.

«J’ai les yeux qui brûlent», se plaint Rizwan, encore haletant après une course sur son pousse-pousse à braver les embouteillages et les gaz d’échappement. Dans des rues bondées du vieux Delhi, l’homme âgé de 39 ans transporte des passagers et des marchandises sur son triporteur à pédales. Quand il gagne sept dollars dans une journée, il s’estime heureux.

Rizman travaille comme chauffeur de pousse-pousse au milieu du trafic de la mégapole Delhi.

Rizman travaille comme chauffeur de pousse-pousse au milieu du trafic de la mégapole Delhi. 

AFP

L’hiver à Delhi, le niveau de PM 2,5 – microparticules cancérigènes qui pénètrent les poumons et le sang – est souvent plus de 30 fois supérieur au niveau maximum fixé par l’Organisation mondiale de la santé (OMS). Les autorités de Delhi ont conseillé le mois dernier à la population de travailler à domicile pour limiter le temps passé en extérieur dans l’air toxique.

«Je suis conscient des risques pour ma santé, mais que puis-je faire?», s’interroge Rizwan.  «J’ai quitté mon village pour venir ici, je dois travailler dur, c’est une nécessité. Je ne suis pas assez instruit pour travailler dans un bureau ou avoir une autre activité. Je ne sais que pédaler sur mon pousse-pousse, ou tirer une charrette». 

«J’ai arrêté de courir»

Jouxtant le vieux Delhi, la ville moderne et riche de New Delhi s’est développée depuis le début du siècle dernier. Le quartier aisé de Gulmohar Park se trouve à seulement 10 kilomètres au sud de la vieille ville, mais la population s’y protège de la pollution atmosphérique d’une toute autre manière. 

Là, le directeur de la photographie Madhav Mathur commence sa journée en vérifiant les niveaux de pollution sur un groupe WhatsApp créé par des habitants, avec le bourdonnement rassurant d’un purificateur en fond sonore. Cet homme de 31 ans, qui est né et a grandi à Delhi, est passionné de course de fond mais en hiver, quand la pollution atteint son paroxysme, hors de question pour lui de pratiquer son sport favori. «J’ai arrêté de courir dehors à cause de la pollution», dit-il, «j’ai réalisé que cela me faisait plus de mal que de bien».

Il travaille généralement à domicile, mais quand sa présence est requise sur des tournages de film en extérieur, il porte un masque bien ajusté, pour atténuer les risques pour sa santé. 

Inégalités accentuées

Ceux qui souffrent le plus de la pollution sont non seulement ceux qui en sont les moins responsables mais ceux qui sont les moins capables de s’en protéger.

«Il y a une disparité dans l’impact de la pollution atmosphérique selon les différentes catégories socio-économiques», affirme Sagnik Dey, professeur au Centre des sciences atmosphériques de l’Institut indien de technologie de Delhi. «Les pauvres n’ont pas les moyens de prendre des mesures pour atténuer» les effets de la pollution, fait-il valoir, «ils ne peuvent pas se permettre de porter des masques, un purificateur est totalement hors de leur portée.»

«Réduire les émissions» 

Selon l’OMS, une exposition prolongée peut déclencher des accidents vasculaires cérébraux, des maladies cardiaques, un cancer du poumon ou des maladies respiratoires. La pollution réduit l’espérance de vie d’un habitant de Delhi de 11,9 ans en moyenne et de cinq ans pour les Indiens en général, selon un rapport publié en août par l’Energy Policy Institute de l’Université de Chicago.

Sans pression réelle pour s’attaquer aux causes profondes de cette pollution, les autorités ne déploient que des mesures à court terme. Selon M. Dey, le «seul moyen» est d’agir pour garantir que durant toute l’année tous puissent respirer un air non toxique. «Ceux qui peuvent se permettre un purificateur s’en servent», dit-il, «mais en fin de compte, si nous devons vraiment penser à toute la population, il faut réduire les émissions».

(AFP)

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