FootballLa Suisse de Murat Yakin se dessine une identité
Les deux victoires contre l’Irlande du Nord (2-0) et en Lituanie (4-0) ont révélé un sélectionneur forcément concerné par l’aspect défensif. Mais son souci de l’intensité et de la domination lui confère une certaine ambition.
- par
- Valentin Schnorhk Vilnius (Lit)
Le fait est trop saillant pour être ignoré. On peut bien sûr le relativiser, mais dans le contexte dans lequel il est survenu, constater que Murat Yakin n’a encaissé aucun but après quatre matches officiels en tant que sélectionneur de l’équipe de Suisse a quelque chose de remarquable. Et ce même si l’adversité a à chaque fois présenté des dangers variables: l’Italie à Bâle (0-0, avec un penalty stoppé par Yann Sommer), l’Irlande du Nord à Belfast (piètre 0-0), l’Irlande du Nord à Genève (encourageant 2-0) et donc la Lituanie à Vilnius mardi, avec un 4-0 sans vraiment trembler. Pris un par un, ces résultats n’ont rien de fondamentalement extraordinaires. Mais leur répétition les rend notables.
D’une certaine façon, cela raconte et perpétue la légende de Murat Yakin. L’homme qui pense à la prudence défensive avant les schémas offensifs. Le toujours nouveau sélectionneur en joue. Lundi à Vilnius, veille de match contre la Lituanie, il a même voulu faire croire à la presse locale que son équipe était désormais plus offensive que celle de Vladimir Petkovic. Avant d’éclater de rire. Difficile de faire plus révélateur.
L’ancien joueur en est conscient: il lui faudra du temps et beaucoup de choix pour faire croire qu’il n’est pas obsédé que par la stabilité et l’équilibre. En a-t-il seulement envie? Pas sûr. Même s’il ne se prive jamais de brouiller les pistes, assurant par exemple qu’il mettra «l’accent sur l’offensive» en vue du déplacement en Italie du 12 novembre prochain.
Le désir d’être dominant
Mais au-delà des discours et des réputations, il y a aussi des principes qui s’observent. Ce rassemblement du mois d’octobre a permis d’avancer quelque peu dans la réflexion. «Muri» l’a aussi reconnu: «C’était important d’avoir pu bien s’entraîner, d’avoir pu bien se préparer pour les deux matches. Nous avons pu essayer de mettre en pratique beaucoup d’éléments tactiques.»
À dire vrai, cela s’est vu. Contre des sélections a priori moins fortes, Yakin a le désir d’être dominant, de s’installer dans le camp adverse. C’est la stratégie de l’étouffement et cela suggère d’être au moins aussi actif avec le ballon que sans. Et de considérer que l’on peut défendre aussi à 80 mètres de ses propres buts. Avec Petkovic, cela n’était pas l’idée la plus prégnante, et encore moins lors du dernier Euro.
Il y a peut-être là un élément identitaire dont l’équipe de Suisse est en train de s’imprégner. Depuis le début de la semaine dernière à Lausanne, Yakin et son staff ont transmis un discours: il se basait sur l’idée de mettre sous pression l’adversaire, de lui renvoyer une certaine intensité. Tant le match contre l’Irlande du Nord que celui en Lituanie l’ont témoigné.
«L’équipe a un état d’esprit et une cohésion énorme, saluait le sélectionneur mardi. Elle a eu une réelle capacité à travailler sur les détails pour passer d’une défense à trois à une défense à quatre. Aussi pour s’imprégner du travail défensif à faire vers l’avant de la part des deux lignes, que ce soit en termes de pressing ou de contre-pressing. Tout cela, elle l’a très bien intégré. Et cette équipe vit à travers la dynamique, l’intensité. Nous ne devons pas défendre en étant attentistes mais en étant proactifs, en allant de l’avant. En cela, l’équipe a très bien évolué.»
Courageux, malgré tout?
Cela se fait au service de l’élan offensif initié et éprouvé par Petkovic jusqu’à cet été. Il ne s’agit pas d’y renoncer, mais au contraire de continuer à l’exploiter. Et en récupérant la balle plus haut, en épargnant les Xherdan Shaqiri ou Breel Embolo de longues courses de repli, il y a peut-être un moyen de profiter d’une fraîcheur supplémentaire dans les derniers mètres.
C’est une idée ambitieuse. Qui n’est pas toujours commune dans le football des nations. Mais c’est un axe de progression pour cette équipe de Suisse qui a déjà réalisé de grandes choses. Et c’est le signe que Murat Yakin peut être un sélectionneur courageux, même en pensant au travail sans ballon. Du moins, on peut le croire jusqu’au 12 novembre, et ce déplacement décisif en Italie. La prudence reprendra-t-elle le dessus?
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