Arc jurassienLes chiens de protection fâchent des randonneurs
L’éleveur Ronald Sommer protège ses moutons, mais ses bergers des Abruzzes ne font pas seulement peur au loup…
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Quand Ronald Sommer grimpe dans son pick-up, ses deux chiens de ferme courent dans son sillage en direction des pâturages. Des moutons, cet éleveur en possède 450 à Monible (BE), sur des terrains jouxtant la frontière jurassienne. Sur l’autre versant, à Undervelier (JU), un loup a décimé un troupeau de chèvres il y a bientôt trois semaines, laissant cinq dépouilles.
Dans son habit de secrétaire général de l’association suisse pour la protection des territoires contre les grands prédateurs, en grand fan du conseiller fédéral Albert Rösti avec qui il partage des réflexions, Ronald Sommer réclame des tirs de régulation. Mais dans son rôle d’éleveur, il s’agit de parer au plus pressé.
«Contrairement au lynx qui étouffe sa proie en trois minutes, le loup la mord sans l’achever, la bête attaquée crève à petit feu», indique cet éleveur devant la photo d’un veau à moitié dévoré par l’arrière-train. C’est cette souffrance qu’il invoque lorsqu’on lui demande la différence entre un mouton dépecé par un loup et celui conduit à l’abattoir.
L’attaque d’un loup lui pose un second problème… sentimental: «Le loup prélève indistinctement des bêtes que l’éleveur ne s’était pas préparé à sacrifier», dit-il avec philosophie. Pourquoi ne pas répandre des carcasses ici et là pour rassasier le prédateur? «Pour ne pas attirer des meutes de carnassiers… et de rapaces!» rétorque Ronald Sommer.
Quatre fils électriques
Pour protéger ses bêtes, Ronald Sommer a déployé une clôture de 2500 mètres composée de quatre fils électriques, mais surtout, il s’est adjoint trois chiens de protection. Tout est conforme pour tenir le loup à l’écart, mais son dispositif pose problème…
Des bergers des Abruzzes pour garder le troupeau, c’est bien, sauf pour les randonneurs en général et les cyclotouristes en particulier. Ronald Sommer en convient: ses chiens vont poursuivre ceux qui ne marchent pas tranquillement.
Interdit de caresser
La liste des précautions mentionnées sur des panneaux est longue: il n’est pas seulement interdit de caresser les chiens de protection, mais de traverser le champ clôturé avec son propre chien, en courant, à cheval ou sur un vélo.
Il s’agit de pousser sa bécane, de descendre de cheval, de marcher en tenant les enfants par la main et de parler fort pour signaler sa présence. «Moi, ça m’énerve de ne plus pouvoir me promener à vélo ou à pied sans avoir la boule au ventre de se faire attaquer par des chiens détachés devant les fermes et maintenant quand on se promène sur un chemin officiel», a écrit dans un texto une randonneuse qui avoue sa peur des chiens.
Au moindre geste
À cette campagnarde craignant d’être attaquée «au moindre geste» et qui envisage «de se munir de quelque chose pour pouvoir se défendre» contre les chiens qui protègent les troupeaux, Ronald Sommer a répondu que ses chiens ne mordent pas et qu’elle ne risquait «absolument rien» sur son pâturage, à condition de se comporter comme mentionné sur le panneau.
Une autre randonneuse a appelé Ronald Sommer pour lui demander de tracer sur ses panneaux un chemin de contournement balisé. Entre le marteau et l’enclume, l’éleveur lui a expliqué que ce n’était pas son problème. Son interlocutrice bernoise lui a alors indiqué vouloir contacter la commune de Petit-Val et l’association de tourisme pédestre Suisse Rando.
Côté jurassien, à la ferme de Pré de Joux, les quatre cabris et la chèvre tués n’étaient pas détenus dans des conditions de protection suffisantes: l’éleveur sera indemnisé, mais la perte ne figurera pas dans les quotas, contrairement aux trois chèvres attaquées il y a deux semaines à Roches (BE).
La présence du loup dans la région a occupé les députés jurassiens ce mercredi autour d’un constat: pour autoriser des tirs de régulation, un loup doit avoir attaqué au moins six animaux de rente dûment protégés en quatre mois, ovins ou caprins.
Les loups sont isolés
Or, le loup a fait officiellement trois victimes dans le Jura et le Jura bernois, dans l’attente des résultats d’analyses génétiques après l’attaque d’une chèvre lundi dernier à Courtelary (BE). Dans ce territoire, les loups sont isolés, tandis que quatre meutes sont présentes dans le Jura vaudois.
Comme l’a rapporté «Le Quotidien Jurassien», un programme de renforcement de la protection des troupeaux a été lancé pour aider les éleveurs jurassiens à installer des barrières à cinq fils électrifiés ou un treillis métallique renforcé en haut et en bas par un fil électrique.