FranceEn Dordogne, des Britanniques naturalisés pour «rester européens»
Dans le département français de la Dordogne, parmi les personnes naturalisées françaises depuis deux ans, la moitié viennent du Royaume-Uni. Elles ont fait ce choix à cause du Brexit.
«Cudmore Mark, Hatwell Leigh, Monsieur et Madame Hunter…» Dans le salon d’honneur de la préfecture de Dordogne, la moitié de la quarantaine de personnes recevant solennellement leur décret de naturalisation sont des Britanniques. Poussés dans les bras de la France par le Brexit, ils jettent un œil navré sur la politique de Boris Johnson.
«J’ai honte du gouvernement britannique et du premier ministre», assène Catherine Kemp, professeure de piano installée dans l’Hexagone depuis 1989 et qui a chanté La Marseillaise sous son masque, mardi à Périgueux, avec d’autres nouveaux Franco-Britanniques pour la plupart résidents de longue date en Dordogne, dans le sud-ouest de la France.
Le Brexit, «une grosse erreur qui cause beaucoup de problèmes»
De nombreux Britanniques résident dans la région, au point que le coin est parfois surnommé «Dordogneshire». Ils seraient près de 10’000, même si aucun chiffre officiel n’existe. «Je me sens européenne, et je veux pouvoir voter», souligne cette septuagénaire demeurant à Saint-Aulaye. Pour cette femme «de gauche», le Brexit n’est qu’une «grosse erreur qui cause beaucoup de problèmes».
Non loin, Valerie et Martin Wilson, couple de retraités de La Tour Blanche - Cercles, se félicitent de leur choix, après 18 ans de résidence permanente en France: «Nos amis au Royaume-Uni nous envient, ils nous disent qu’on a bien fait de prendre la nationalité française et de rester en Europe!» «Boris Johnson et son gouvernement, c’est un désastre. Ils ne tiennent pas leur parole, ils signent des traités qui ne signifient rien pour eux, sur l’Irlande ou la pêche…», jugent-ils.
Échaudée par le Brexit, qui «a changé» sa vie sans qu’elle n’ait son «mot à dire», Vanessa Crompton, conseillère en gestion d’entreprise âgée de 51 ans, installée en France depuis 26 ans, veut maintenant «pouvoir voter si quelque chose de majeur» se produit de nouveau.
Une suite logique de son intégration
Un autre quinquagénaire, Mark Cudmore, explique: «Ma génération a appris que nous étions des Européens et, avec le Brexit, on nous a enlevé quelque chose qu’on croyait acquis. Sans parler de la manière, avec une campagne du référendum, en 2016, de très bas niveau.» Être naturalisé est «une suite logique» de sa vie et de son intégration, même s’il reconnaît que «c’est compliqué pour le Tournoi des Six Nations de rugby ou pour le foot». «Sans le Brexit, je l’aurais fait aussi. Mais ça a accéléré les choses…»
Si l’immense majorité des Britanniques vivant en Dordogne a opté pour une carte de séjour spéciale Brexit, valable dix ans (8736 délivrées à ce jour, selon la préfecture), nombre d’entre eux ont franchi le pas de la naturalisation, procédure plus lente et fastidieuse. D’après la préfecture du département, sur les 334 personnes (de 35 nationalités) naturalisées par décret en Dordogne depuis deux ans, 174 sont des Britanniques. Et en 2019, alors que le Brexit se précisait, 72% des naturalisés par décret en Dordogne étaient britanniques (125 sur 172), contre 4% à l’échelle nationale, selon des chiffres du ministère de l’Intérieur. En 2016, ce ratio était de seulement 7% en Dordogne et 0,4% en France.