SénégalSages-femmes condamnées après la mort d’une jeune femme enceinte
Les trois accusées ont écopé, mercredi à Louga, de 6 mois de prison avec sursis pour avoir refusé une césarienne à une future mère en train d’accoucher. Celle-ci a agonisé durant vingt heures.
Trois sages-femmes ont été condamnées mercredi par un tribunal sénégalais à six mois de prison avec sursis pour «non-assistance à personne en danger», après le décès dans un hôpital public d’une femme enceinte. Celle-ci avait vainement attendu une césarienne dans de très grandes souffrances. Son sort tragique a bouleversé le pays. Trois autres sages-femmes, également jugées par ce tribunal de Louga (nord), ont été relaxées. Ce drame avait suscité sur les réseaux sociaux une vague d’indignation et provoqué des réactions au plus haut niveau de l’État.
Selon la presse sénégalaise, Astou Sokhna, mariée et enceinte de neuf mois, est décédée à l’hôpital de Louga le 1er avril après ce que la presse locale a présenté comme une longue agonie et un déni de soins. La jeune femme, âgée de 34 ans selon un avocat de la partie civile, avait attendu pendant une vingtaine d’heures la césarienne qu’elle réclamait. Le personnel aurait refusé sa demande, arguant que son opération n’était pas prévue, et aurait menacé de la chasser si elle insistait.
Les trois femmes condamnées avec sursis étaient de garde la nuit où Astou Sokhna a été admise à l’hôpital, a indiqué un de leurs avocats, Me Abou Abdou Daff. Les trois autres étaient de garde pendant la journée, a déclaré Me Daff, sans plus de précision. «Nous ne connaissons pas la motivation du tribunal (pour condamner les trois sages-femmes). Nous allons apprécier pour faire éventuellement un recours», a ajouté Me Daff.
«C’est une victoire»
«Nous avons mis en exergue ce que tous les Sénégalais déplorent dans les hôpitaux», a déclaré le mari de la victime, Moudou Mboup. «C’est une victoire. Si nous restons les bras croisés, il pourrait y avoir d’autres Astou Sokhna», a-t-il ajouté, en allusion aux accusations de «négligence» visant le personnel médical au Sénégal. Il a précisé que sa défunte épouse «respectait ses rendez-vous, l’échographie, les analyses». La nuit du drame, «je l’ai amenée à 9 h 30 à l’hôpital. À part la perfusion, je n’ai pas vu autre chose qu’on lui ait administré jusqu’à son décès à 5 heures. Si elles (les sages-femmes) avaient fait ce qu’elles devaient faire, peut-être que ça ne se serait pas passé comme ça», a-t-il témoigné.
Un avocat de la partie civile, Ameth Moussa Sall, a indiqué ne pas être «déçu». «L’objectif de la partie civile n’était pas de faire condamner à de la prison ferme. Ce que nous voulions, et le tribunal nous a suivis, c’est une déclaration de culpabilité». Il a indiqué avoir déposé mercredi une nouvelle plainte visant les six sages-femmes, une gynécologue de l’hôpital de Louga et la direction de ce même hôpital, ainsi que l’État du Sénégal pour «homicide et faux et usage de faux». «Nous avons demandé que l’État soit tenu civilement responsable», a-t-il ajouté.
Face au tollé provoqué par la mort d’Astou Sokhna, le président sénégalais Macky Sall avait publié un message de condoléances et donné pour instruction de déterminer les responsabilités. Le ministre de la Santé, Abdoulaye Diouf Sarr, avait reconnu le 14 avril que la mort de cette jeune femme aurait pu être évitée avec plus de vigilance. Le directeur de l’hôpital a été révoqué et remplacé depuis.