ValaisPremière semaine sans manger pour Bernard Rappaz
À bientôt 69 ans, le chanvrier valaisan a recommencé une grève de la faim pour attirer l’attention sur une affaire qui empoisonne l’Administration cantonale. Un couple réclame depuis 5 mois qu’on leur rende leurs trois enfants placés.
- par
- Eric Felley
«Quand on entame une grève de la faim, c’est un point de non-retour, soit tu gagnes, soit tu meurs». À bientôt 69 ans, le chanvrier valaisan Bernard Rappaz a décidé d’entamer un jeûne d’une durée indéterminée pour attirer l’attention sur le sort des enfants de la famille Jordan à Sion. Au mois d’août de l’année dernière, leur fillette de 10 ans et leurs jumeaux de 19 mois étaient retirés à leurs parents sur ordre de services sociaux valaisans.
L’affaire est complexe, car les jumeaux sont nés au début 2020 à l’étranger à l’aide d’une gestation pour autrui (GPA), ce qui est interdit en Suisse. La mère a été condamnée pour une fausse déclaration à ce sujet. La procédure d’adoption était donc mal partie Valais et la famille a voulu se déplacer à Fribourg où les démarches leur semblaient moins difficiles. C’est là que les services sociaux valaisans ont fait saisir les enfants par la police fribourgeoise, le 13 août 2021.
Toujours pas rentré à la maison
Depuis, les parents ont constitué un comité d’action, ils ont manifesté dans les rues de Sion, fait beaucoup de bruit pour attirer l’attention des médias, mais sans grand succès. Les enfants ne sont toujours pas rentrés à la maison. À la suite de nouvelles tensions avec la mère lors d’un point rencontre, la fillette n’a pas pu voir ses parents durant les fêtes de fin d’année.
«Je veux être optimiste», déclare cependant Bernard Rappaz, qui est un proche des parents et qui a le titre de parrain des enfants: «Dans cette affaire, explique-t-il, le blocage administratif cache mal une vengeance que l’on veut faire subir à la mère pour ses réactions parfois excessives. Mais on ne peut pas lui jeter la pierre, si elle se bat pour ses enfants. Le conseiller d’État Frédéric Favre, dont dépendent des services impliqués dans cette affaire, doit prendre ses responsabilités et reconnaître qu’il y a un problème. Et le problème est simple à résoudre: ses enfants doivent retrouver leur foyer, où, tous les rapports l’attestent, ils n’ont jamais été maltraités.»
«Je mets ma vie en jeu»
Bernard Rappaz entame donc une énième grève de la faim et admet qu’il se lance cette fois dans l’inconnu: «C’est la première fois que j’en fais une en étant libre. La dernière en 2010, j’ai tenu 120 jours, mais dans des conditions très différentes, puisque j’étais hospitalisé aux HUG. Aujourd’hui, je sais qu’à partir de 40 jours, je mets ma vie en jeu».
Et qu’en pense-t-on à l’État du Valais?
Et qu’en dit-on à l’État du Valais de cette nouvelle grève de la faim du chanvrier? Ici, l’affaire concerne beaucoup de monde. Frédéric Favre est à la tête du Département de la sécurité et des institutions, qui dirige le Service de la population et des migrations et supervise l’Autorité de protection de l’enfant et de l’adulte (APEA), qui a pris la décision de placement. L’Office de protection de l’enfant (OPE), qui est intervenu à Fribourg, fait partie du Département de l’économie et de la formation de Christophe Darbellay. Enfin, le père des enfants est collaborateur au Service des contributions rattaché au Département des finances…
Interrogé sur cette situation et d’éventuelles options pour sortir de la crise, Frédéric Favre s’en remet à une autre institution: «Un jugement a été rendu par le Tribunal cantonal. Selon ce dernier, il partage l’appréciation de l’APEA selon laquelle la famille n’est pas un lieu de placement approprié pour des jumeaux âgés de moins de 2 ans». Ce sera tout.
Ni Bernard Rappaz, ni la mère ne sont étonnés par cette réponse: «Le Tribunal cantonal soutient systématiquement les décisions de l’APEA, observe la seconde. Frédéric Favre ne sait plus quoi trouver comme arguments pour fuir ses responsabilités dans notre dossier».