FootballLes 8 questions tactiques de la reprise de Super League
Plus de deux mois après s’être mis en pause, le championnat de Suisse fait son retour ce week-end. Et il y a plusieurs inconnues sur le plan du jeu.
- par
- Valentin Schnorhk
Jamais depuis 2004, la trêve hivernale n’avait été aussi longue en Super League. Près de 70 jours. Un monde. À titre de comparaison, 117 jours se sont écoulés entre le début de la saison et sa pause forcée, pour cause de Coupe du monde, le 13 novembre dernier. Le temps de changer d’entraîneur pour le FC Sion, de faire quelques recrues pour certains clubs malgré un mercato très calme, et surtout de peaufiner son jeu.
Le temps n’est plus une excuse: jamais sans doute les clubs de Super League n’avaient bénéficié d’autant de séances pour travailler les aspects tactiques. À la veille de la reprise, c’est peu dire que les attentes sont élevées et les questions nombreuses.
Comment Fabio Celestini va-t-il intégrer Mario Balotelli?
Nommé pour succéder à Paolo Tramezzani le 21 novembre dernier, quelques jours après le 7-2 encaissé à domicile contre Saint-Gall, Fabio Celestini est un privilégié: appelé à la rescousse, il a bénéficié de tout le temps nécessaire pour organiser au mieux sa nouvelle équipe. Comment son Sion s’articulera-t-il? Lors de sa dernière expérience à Lucerne (dont il a été évincé en novembre 2021), sa formation tendait à afficher une grande maîtrise des sorties de balle, et une approche plus attentiste sans ballon. Le tout en s’appuyant le plus souvent possible sur un 4-4-2.
La formule changera-t-elle à Sion? Les matches amicaux ont laissé entrevoir un système en 4-3-3 ou 4-1-4-1. Difficile, en effet, de toucher à ce qui a bien fonctionné durant l’automne: le milieu à trois, avec Anto Grgic, Musa Araz, Dennis-Will Poha et qui pourra être également alimenté par un Wylan Cyprien de retour en forme.
Même si l’enjeu suprême à Sion, qui a pu poser bien des problèmes à Tramezzani, reste de savoir comment intégrer Mario Balotelli dans cette approche globale. Avec ou sans Filip Stojilkovic, auteur d’un automne très satisfaisant lorsqu’il a fallu faire reculer les défenses adverses. Là où Balotelli s’est surtout distingué par des ballons touchés très bas.
Cela peut-il convenir à Celestini? En déviation et en orientation, sans doute que personne n’est aussi juste que l’Italien, surtout lorsqu’il s’agit de sortir de la pression adverse. Adepte des sorties de balle structurées et réfléchies, le technicien de 47 ans aurait tort de se priver des qualités techniques de Balotelli. À condition que celui-ci s’inscrive dans les schémas longuement pensés.
Demeure une question: peut-il adapter son système à Balotelli, pour passer dans un 3-5-2 qui lui permettrait de profiter à la fois de son milieu fourni techniquement, des décrochages du numéro 45 et de la menace incarnée par Stojilkovic? C’est dans ce système que Sion avait réalisé une de ses meilleures performances de l’automne, lors de son succès 2-0 contre Lucerne à Tourbillon.
De quoi donner des inspirations. Encore faut-il que Balotelli retrouve la forme, lui qui n’a participé qu’à une petite partie de la préparation.
Bo Henriksen peut-il transformer Zurich?
Lanterne rouge de Super League, avec seulement 12 points et 4 de retard sur Winterthour, le FC Zurich a sans doute été la formation à s’être posé le plus de questions durant la pause. Sauf qu’il n’est pas parti de nulle part: nommé courant octobre à la place de Franco Foda, Bo Henriksen a déjà bénéficié de 9 matches (dont trois d’Europa League) pour actionner un changement. Et c’est peu dire que les dernières sorties zurichoises avaient été encourageantes: le FCZ avait remporté ses deux premières victoires de championnat de la saison lors des trois derniers matches.
L’entraîneur danois est arrivé avec des idées claires et quelques principes sur lesquels il ne transige pas: le 3-5-2 ou 5-2-3 sans ballon s’est imposé et l’agressivité axiale orientée par un bloc qui peut être haut est érigée en loi. Cela trace une ligne.
Pas de quoi encore retrouver tout ce qui faisait le Zurich champion avec André Breitenreiter, mais il y a certaines idées qui se retrouvent et correspondent ans doute mieux à la construction de l’effectif. De quoi avoir des ambitions plus conformes au statut du FCZ, lequel s’est en plus renforcé avec deux attaquants cet hiver: le Croate de 19 ans Roko Simic prêté par Salzbourg et l’international ghanéen Daniel Afriyie.
Bâle peut-il trouver une stabilité?
Si l’on n’était pas au courant, on ne comprendrait pas grand-chose à la saison du FC Bâle. Mais l’instabilité chronique de l’automne, à l’origine de la 5e place provisoire des Rhénans, s’explique assez facilement par la politique de valorisation de talents recrutés très jeunes pour espérer réaliser de grosses ventes à l’avenir. Ainsi, la formation d’Alex Frei n’a fait ressortir aucune réelle tendance lors des 16 premières journées: les joueurs ont beaucoup bougé, les systèmes aussi, et les résultats se sont conformés à cette irrégularité.
L’enjeu pour Bâle lors des mois à venir sera de trouver au moins une équipe. Histoire d’avoir une base sur laquelle s’appuyer. Cela peut commencer par le système: et si Frei trouvait une formation qui fonctionne, qui puisse lui permettre de faire émerger des principes? Durant les matches amicaux de préparation, Bâle a alterné entre un 4-4-2 et une version à trois défenseurs.
Mais une paire d’attaquants pourrait finir par se dégager, sachant qu’Andi Zeqiri est en perte de considération aux yeux de son entraîneur. L’association entre Bradley Fink et Zeki Amdouni pourrait être celle privilégiée par Alex Frei. Celle qui pourrait au moins permettre de développer des automatismes. Parce que le FC Bâle est, selon les Expected Goals, l’équipe qui galvaude le plus ses occasions de but jusqu’ici. Il y a une marge de progression, au moins.
Servette retrouvera-t-il du jeu?
Et pourquoi ne pas rêver? Dauphin de Young Boys, le Servette FC a réalisé une première partie de saison intéressante, notamment d’un point de vue comptable. Il peut s’autoriser à penser à la Ligue des champions, pour laquelle la 2e place donnera accès aux qualifications. Même s’il ne faut pas non plus s’y méprendre: sa position au classement, le club genevois le doit notamment à la densité d’équipes incapables d’enchaîner des résultats avec régularité.
L’autre raison, c’est la solidité dont ont fait preuve les Grenat jusqu’ici, eux qui offrent très peu d’occasions de qualité à leurs adversaires. Personne ne réduit autant la qualité des occasions concédées que Servette. La formation d’Alain Geiger mise notamment sur sa capacité à rester compacte en bloc médian, voire bas.
Avec ballon, en revanche, sa stérilité lui a aussi coûté des points à l’automne. On pense aux deux 0-0 consécutifs à domicile contre Bâle et face à un YB réduit à 10 durant les trois quarts du match. Pas surprenant: excepté Winterthour, aucune équipe de Super League ne produit moins d’occasions que Servette. Signe qu’il y a un secteur à affiner.
C’est celui sur lequel les Grenat disent s’être concentrés durant leur stage de préparation au Portugal la semaine dernière. Le déplacement de dimanche à Winterthour doit permettre de le démontrer.
Où YB peut-il faire mieux?
Il n’y a pas de scandale à retrouver Young Boys en tête du classement. Les dix points d’avance que comptent les Bernois sont en revanche plus dus à l’absence de concurrence qu’à une maîtrise totale. Il y a certes une domination, mais également une part de réussite, notamment défensive. Les neuf buts qu’YB a encaissé jusque-là incarnent une certaine surperformance.
Reste que la progression de Young Boys dans le secteur défensif s’est révélée au cours de l’automne. Notamment parce que l’équipe de Raphaël Wicky a de plus en plus été capable de récupérer la balle haut dans le camp adverse, en mettant une grosse intensité sur à la perte de balle. De quoi protéger au mieux sa défense.
Sauf que celle-ci est soumise à certaines interrogations après la blessure pour plusieurs mois de Mohamed Ali Camara. Par qui le remplacer? Fabian Lustenberger, qui a affiché certaines difficultés pour défendre de grands espaces? Ou Wicky fera-t-il de la place pour permettre au jeune (19 ans) Aurèle Amenda de s’imposer?
Comment Saint-Gall remplacera-t-il Daouda Guindo?
C’est le lot des équipes de Super League, et notamment du FC Saint-Gall: être à la merci de clubs plus importants. Par défaut autant que par affinité tactique, le RB Salzbourg aime se tourner vers les Brodeurs et Peter Zeidler pour faire grandir leurs joueurs. Ashimeru, Adamu, Diakité ont fait l’aller-retour ces dernières années. Cette saison, c’est le latéral gauche Daouda Guindo qui a été prêté.
Hyper actif sur son aile, capable de créer des relations techniques avec pas mal de partenaires (à commencer par Isaac Schmidt) et impliqué constamment dans la surface adverse, le Malien de 20 ans a été l’une des menaces les plus récurrentes de la formation saint-galloise. Rappelé plus tôt que prévu par le club autrichien, il laisse Saint-Gall orphelin.
Guindo n’a d’ailleurs pas encore été remplacé numériquement. Le sera-t-il? Pas si sûr. Comme l’année dernière, c’est probablement à Isaac Schmidt que sera délégué le poste. Extrêmement performant offensivement dans une approche qui lui correspond bien (très haut, dans un rôle orienté vers l’intérieur), le Vaudois devrait régulièrement être reconduit par Zeidler. Et puis, Saint-Gall enregistre également le retour de blessure de Michael Kempter, lequel était le titulaire au poste avant l’avènement de Schmidt.
Winterthour trouvera-t-il de nouveaux arguments?
L’adaptation à la Super League du néo-promu n’a pas été simple. L’équipe de Bruno Berner s’est peut-être vue trop petite. Winterthour est, de très loin, l’équipe qui a le moins pressé du championnat, se repliant très souvent en bloc bas. Elle a aussi laissé le ballon à l’adversaire plus souvent que n’importe qui.
Un plan clair, mais stéréotypé: les Zurichois ont joué la carte de l’attentisme, avec des lignes très resserrées afin de récupérer la balle et pouvoir partir en transition rapide. Cela ne leur a permis d’engranger que 16 points, soit un par match. Correct, mais qui ne peut pas suffire à s’en satisfaire.
Bruno Berner envisagera-t-il d’étayer le jeu de son équipe pour espérer résister au mieux à la possible remontée de Zurich? Il a des arguments qui peuvent lui permettre de penser à d’autres schémas: le profil de Matteo Di Giusto, très fin techniquement et à la conduite de balle pleine de vivacité, en est un. Le retour au club de l’ailier Sayfallah Ltaief, prêté par Bâle, ajoute une solution offensive de qualité. De quoi imaginer d’autres choses.
Quel jeune bénéficiera d’un contexte favorable pour émerger?
Il y a un an, Ardon Jashari n’avait jamais commencé un match de Super League. Il est aujourd’hui le capitaine du FC Lucerne. Il y a peu de chances de retrouver pareille explosion en ce début d’année. Mais le championnat de Suisse ayant vocation à être une terre de formation, il faut espérer d’autres révélations durant le printemps à venir.
Qui seront les jeunes joueurs à se faire une place? Du côté des étrangers, prêtés en Suisse, quelques noms ressortent: Zurich pourra miser sur l’attaquant Roko Simic, alors que Lucerne s’est vu offrir les services du milieu malien Mamady Diambou, deux joueurs venus de Salzbourg. À Bâle, le Français Andy Diouf a déjà attiré la lumière durant l’automne, avant de séduire les observateurs du dernier match amical contre Dortmund.
Et du côté des Suisses? Bradley Fink (19 ans) pourra-t-il confirmer toutes les promesses entendues avec le FC Bâle et incarner l’attaquant du futur pour l’équipe nationale? C’est un candidat, comme le défenseur Amenda à YB. Christian Witzig (21 ans) pourrait obtenir encore plus de temps de jeu à Saint-Gall. Enfin, s’il trouve une certaine régularité avec Lucerne, Nicky Beloko (22 ans) sera à suivre.