Affaire Mike Ben Peter«Je n'ai jamais été confronté à d'autres cas où la personne arrêtait de respirer»
Six policiers font face au tribunal, accusés d’homicide par négligence après la mort d’un homme suspecté d’être un dealer, en 2018 à Lausanne.
- par
- Xavier Fernandez
Les policiers sont-ils responsables de la mort de Mike Ben Peter, décédé en 2018 après une interpellation musclée dans les rues de Lausanne? C’est la question à laquelle doit répondre le tribunal. Lundi s’est ouvert à Renens (VD) le procès des six agents qui l’ont plaqué au sol sur le ventre, et maintenu dans cette position jusqu’à son arrêt cardiaque, provoquant son décès.
À maintes reprises, il leur a été demandé pourquoi l’homme n’a pas été placé en position latérale ou assise, voire relevé, une fois menotté, comme le préconise le manuel de référence pour la formation des policiers. Et, à chaque fois, les policiers ont répondu la même chose. «On n'a jamais réussi à maîtriser monsieur Ben Peter. Ce n'était pas possible de le mettre sur le côté. Il était trop agressif avec ses jambes», a dit l’un des agents, ajoutant que, «en huit ans d'expérience, c'est la première et la dernière fois que j'ai eu affaire à une personne qui fait un malaise. D'ordinaire, les personnes cessent de résister avant.»
Confrontés à certaines contradictions, les policiers ont souvent préféré garder le silence plutôt que risquer de compromettre l’un des leurs. D’ailleurs, ils n’ont pas exprimé de remords, estimant avoir agi dans les règles de l’art.
«Des cris qui fendent le cœur»
L’avocat des proches de Mike Ben Peter est revenu sur la scène, cherchant à mettre à mal la version des policiers. «Ils n'auraient jamais entendu le moindre gémissement ou signe de détresse alors que des témoins décrivent l'horreur de la scène, des violences inouïes, des cris qui fendent le cœur. Comment les policiers auraient-ils pu ne pas entendre l'agonie alors que des gens, chez eux, fenêtres fermées, l'ont entendue?»
Entre ces deux camps, le Ministère public, qui poursuit les policiers sous le chef d’accusation d’homicide par négligence. Le procureur retient que les policiers qui ont placé ou maintenu la victime dans la position ventrale étaient tous formés et conscients du risque vital de celle-ci. Le procès se poursuit mardi avec de nouvelles auditions, en particulier de la partie plaignante.
Le rappel des faits
Le soir du 28 février 2018, un policier patrouillait dans le quartier de la Gare. Il a aperçu Mike Ben Peter dont l'attitude lui a paru suspecte. Ce dernier aurait résisté à son interpellation. Le policier lui a alors asséné des coups à l'entrejambe et giclé du spray au poivre sur le visage. Plusieurs autres policiers sont arrivés en renfort et ont plaqué la victime au sol, sur le ventre, avant de parvenir à menotter le Nigérian de 39 ans. Après quelques minutes, la victime a cessé de se débattre, inconsciente. Constatant que son cœur ne battait plus, les policiers ont commencé un massage cardiaque. Pour finir, l'homme a été transporté au CHUV en ambulance, où il est décédé le matin suivant.