Rapt d’enfantLa mère de Camille reste en prison: «La justice continue de la criminaliser»
Les avocates de la maman de la jeune fille, enlevée à l’âge de 5 ans en 2011 dans le Var, ont tenté de la faire libérer. C’est l’échec. Un nouvel appel est annoncé.
- par
- Evelyne Emeri
Dans quelques jours, la «petite» Camille aura 18 ans. Elle sera majeure. Depuis l’arrestation de sa mère fin février 2022 au détour d’un contrôle policier de routine à Préverenges (VD), elle est restée vivre là où elle a grandi: dans la région de Morges. Séparée de sa maman extradée vers la France et qui purge la fin de sa peine de prison aux Baumettes à Marseille (ndlr. il lui reste environ un an sur les 33 mois écopés), la jeune Française – qui a vécu dans la clandestinité durant onze ans – est scolarisée ici et n’a pas l’intention de quitter sa nouvelle patrie. Son père – le couple était séparé – a déménagé dans la région parisienne et a remué ciel et terre pour retrouver sa fillette. En vain. En mars 2022, juste après que Camille et sa mère soient localisées en Suisse, la justice de paix de Morges a refusé de la lui confier.
Calomnie écartée
En janvier 2023, la Cour d’appel d’Aix-en-Provence avait donné un signal fort. Elle avait condamné l’ex-fugitive à 33 mois de prison ferme pour soustraction d’enfant. En revanche, les juges français de deuxième instance avaient écarté les trois autres infractions: la non-représentation d’enfant, mais surtout la dénonciation mensongère et la dénonciation calomnieuse. Une victoire pour Me Sophie Benayoun et sa consœur Me Myriam Guedj Benayoun, avocates de la maman de Camille. Le jugement stipule en réalité que toutes les deux sont crédibles s’agissant des allégations d’abus sexuels à l’encontre du père et de l’ex-mari puisque la calomnie en lien avec lesdits abus avait été abandonnée.
Alain Chauvet n’a plus vu sa fille depuis Noël 2010. Elle avait 5 ans. Au prononcé du verdict de janvier 2023, il avait bondi: «Relaxer mon ex-femme de la dénonciation calomnieuse, cela revient à dire que j’ai violé ma fille, alors que tout est basé sur des mensonges perpétuels. C’est ainsi que je l’interprète. Cela veut dire qu’aux yeux de la justice, je suis un violeur». Pour la défense, la condamnation d’Aix fut une aubaine. Les deux femmes de robe n’ont pas hésité à (re)demander la libération conditionnelle de leur cliente et tenter, dans l’absolu, l’annulation du jugement aixois. Début septembre à Marseille, une audience s’est tenue à huis clos. La décision du juge d’application des peines (JAP) vient de tomber: la mère de Camille reste en prison.
Appel annoncé
Pour Me Sophie Benayoun, le refus de la remise en liberté de la ravisseuse qui a voulu protéger son enfant est dramatique pour toutes les femmes et toutes les mères qui tentent de faire entendre leurs voix. «La libération est rejetée même si notre requête est jugée recevable contrairement à ce que soulevait le parquet. Le juge estime que la maman de Camille revendiquant toujours avoir voulu protéger sa fille, restant sur sa position malgré sa condamnation et ayant disparu durant onze ans, «il n’est pas possible d’exclure le risque de soustraction à la justice». La défense n’en restera pas là et va interjeter appel pour contester cette dernière décision.
«Cette décision démontre que la justice est dans le déni de la parole des victimes et de celle de Camille qui a réitéré encore une fois ses accusations et sa plainte contre son père en novembre 2022. La justice ne veut pas et ne sait pas reconnaître ses erreurs, ajoute Me Benayoun, Plutôt que de réouvrir l’enquête contre le père de Camille à la lumière des nouveaux éléments recueillis, la justice continue de criminaliser sa mère. Nous sommes déçues et tristes pour elle et pour la justice de notre pays et l’image qu’elle donne, mais également pour tous les parents protecteurs qui mènent ce combat. Nous ne lâcherons rien. Nous avions raison de dire que le parquet avait tort dans des analyses juridiques ineptes.»