JaponLe pape de la J-pop était un prédateur sexuel, selon une enquête
Des dizaines de témoignages de victimes présumées et de responsables accablent le fondateur de l’agence Johnny and Associates, décédé en 2019 à 87 ans.
Johnny Kitagawa, fondateur d’une agence qui a géré depuis le début des années 1960 les carrières des stars de la J-pop, a pendant des décennies agressé sexuellement les jeunes recrues de la scène musicale japonaise, selon des témoignages de victimes recueillis par des enquêteurs dont le rapport a été publié mardi.
Commission d’enquête
L’agence Johnny and Associates, qui depuis sa fondation au début des années 1960 par Kitagawa a dominé l’industrie du divertissement au Japon, a à son actif l’émergence de groupes célèbres de la J-pop dont SMAP, TOKIO et Arashi, qui sont devenus immensément populaires dans toute l’Asie. Kitagawa, décédé à l’âge de 87 ans en 2019, a fait l’objet pendant des décennies de rumeurs concernant des abus sexuels sur des jeunes espérant faire carrière dans la J-pop.
Une commission, composée d’un avocat, d’un psychiatre et d’un psychologue, a été chargée par Johnny and Associates d’enquêter sur les allégations d’abus sexuels. Elle a recommandé que l’actuelle présidente de l’agence, la nièce de Kitagawa, Julie Fujishima, démissionne, car elle a été pendant longtemps au courant des allégations mais a «omis de mener une enquête». Le rapport de la commission cite des descriptions précises d’abus sexuels recueillies au cours d’entretiens avec 41 victimes présumées d’agressions et des témoignages de responsables de l’agence.
«Mon corps est devenu rigide»
Selon l’enquête, les agressions sexuelles commises à l’encontre de jeunes talents pourraient remonter jusqu’aux années 1950, avant même la fondation de l’agence. La controverse a ressurgi après la diffusion, en 2023, d’un documentaire de la chaîne de télévision publique britannique BBC.
De nombreuses victimes ont décrit les actes sexuels auxquels elles ont dû se soumettre et évoqué les traumatismes psychologiques consécutifs aux agressions, dont l’impression de se sentir «souillé». «Je n’avais pas d’expérience sexuelle auparavant, et mon corps est devenu rigide», a raconté une victime aux enquêteurs. «Mais j’ai pensé que pour moi c’était un baptême du feu» en tant que jeune recrue, a-t-il ajouté. Un autre a évoqué les avances de Kitagawa et dit avoir reçu de lui le lendemain 10’000 yens (actuellement 70 dollars). «Ca m’a donné l’impression que c’était de la prostitution», a confié cette victime.
Remplacement réclamé
Les allégations d’abus sont apparues dans la presse japonaise en 1999, et Kitagawa a engagé avec succès des poursuites pour diffamation, bien que le verdict ait été en partie annulé en appel. Il n’a jamais été inculpé. Selon les enquêteurs, l’attitude de l’actuelle présidente de l’agence, Julie Fujishima, a favorisé un état d’esprit donnant aux responsables de l’entreprise l’impression qu’ils «peuvent très bien gérer les abus sexuels de Kitagawa comme si ce n’est jamais arrivé». «Le remplacement de l’actuelle présidente est indispensable pour que l’agence se réforme et redémarre à zéro», a estimé le panel.
Dans une vidéo en mai, Mme Fujishima avait présenté ses excuses, après le témoignage du chanteur nippo-brésilien, Kauan Okamoto, qui avait affirmé avoir subi des agressions sexuelles répétées de la part de Kitagawa.