Humeur: Le temps d’une petite compilation de doigts d’honneur

Ce sont les Grecs qui ont inventé le doigt d’honneur. Le majeur représentant un sexe d’homme paré pour une pénétration anale. C’est le nec plus ultra des gestes vulgaires, le plus puissant aussi, car il est sans nuance et sans appel. Le 13 mai dernier, au concours de l’Eurovision, la chanteuse La Zara pour la France a fait un petit doigt d’honneur au moment de l’annonce des résultats décevants pour elle. Évidemment (c’était le titre de sa chanson) cela a fait un tollé et elle a été traitée de mauvaise perdante.

«Ce n’est pas un geste négatif, s’était-elle justifiée, c’est un geste de déception que l’on utilise entre amis». Voilà qui peut jeter un éclairage positif sur un autre doigt d’honneur, celui de la jeune socialiste valaisanne, Mathilde Mottet, qui s’est fait un nom le 1er août avec son geste visant le drapeau suisse au sommet d’un mât. Cela nous a rappelé aussitôt l’histoire de Guillaume Tell. Son refus de saluer le chapeau du bailli Gessler au sommet d’un mât à l’époque équivalait aussi à un puissant doigt d’honneur envers l’occupant. Et il en paya le prix.

En politique, le doigt d’honneur est toujours un peu risqué. En novembre 2021, juste avant l’annonce de sa candidature à l’élection présidentielle 2022, Eric Zemmour avait répondu depuis sa voiture par un doigt d’honneur à une femme qui lui avait fait le même geste dans la rue. Il avait rajouté «…et bien profond!» Cela avait été le plus court dialogue de toute sa campagne.

Parfois le doigt d’honneur est payant sur la longueur. En 2017, Juli Briskman, une jeune femme circulant à vélo, avait fait un doigt d’honneur au passage du cortège présidentiel de Donald Trump. Son geste avait été immortalisé par une photo diffusée par l’AFP et lui avait coûté son job. Mais deux ans plus tard, elle avait remporté une élection locale en Virginie, en battant le candidat républicain.

En 2018, Emmanuel Macron, lors de sa visite à Saint-Martin, avait été photographié avec deux ressortissants de l’île Sur la photo, l’un faisait un doigt d’honneur. «La France ne mérite certainement pas cela. C’est impardonnable», avait réagi Marine Le Pen, cheffe du Rassemblement national. Mais Emmanuel Macron avait répondu qu’il était tolérant avec «les enfants» de la République. Par contre cette année, les trois personnes, qui lui ont fait un doigt d’honneur et l’ont insulté lors d’une vite à Sélestat en Alsace, devront répondre devant la justice «d’outrage à personne dépositaire de l’autorité publique».

Mais revenons à Mathilde Mottet et son geste défiant le drapeau suisse. L’image est bien faite, la casquette vissée sur la tête, les lunettes rondes qui font penser à Trotski et la moue déterminée, celle de la déception vis-à-vis d’une Suisse qu’elle ne juge pas assez solidaire. Bien entendu, ce doigt d’honneur au drapeau n’allait pas passer inaperçu chez les patriotes de l’UDC qui en ont fait une affaire d’État. Si un doigt d’honneur n’est jamais élégant, il vaut toujours par les réactions qu’il suscite. En Suisse, heureusement, la liberté d’expression tolère ce geste, même s’il vise le drapeau suisse.