ArgentineDix peines à perpétuité dans un procès-fleuve de la dictature
La justice argentine a prononcé mardi dix peines de prison à vie, dans le cadre d’un procès ouvert il y plus de trois ans sur des crimes de la dictature dans les années 1970.
Dix perpétuités, une peine de vingt-cinq ans et une relaxe ont été prononcées par le tribunal de La Plata, contre douze accusés (six autres sont décédés entretemps).
Mis à part un incarcéré, ils comparaissaient en mode virtuel, en assignation à domicile, pour certains déjà sous le coup de condamnations. Le tribunal a ordonné après le verdict des expertises médicales «urgentes» pour déterminer si la détention à domicile des condamnés est révocable.
Plus de 400 victimes
Le procès portait sur plus de 400 victimes, passées par trois «CCD», les tristement célèbres «Centres clandestins de détention» dont le pays compta des centaines: ceux-ci à Banfield, Quilmes et Lanus, dans un rayon de 25 km autour de Buenos Aires.
Parmi les accusés, des officiers, sous-officiers, policiers, des médecins militaires et policiers, un ex-ministre provincial. Tous ont clamé leur innocence, ou leur absence au moment des faits, et l’un a justifié un contexte de «guerre». Le principal accusé, Miguel Etchecolatz, est mort en 2022 à 93 ans en détention, déjà sous le coup de peines de perpétuité.
Selon l’association des Grands-Mères de la place de Mai, partie civile, 23 femmes enceintes figuraient parmi les détenues passées dans les CCD en question. Certaines furent avortées par leurs bourreaux, certaines ont disparu et dix bébés y furent «appropriés» et donnés à des familles amies du régime, sept de ces enfants récupérant leur identité des années plus tard.
Un héritage minimisé
Parmi les détenues à Banfield figurait Adriana Calvo, victime emblématique (décédée en 2010) dont le témoignage poignant, sur son accouchement mains liées et yeux bandés dans une voiture de police, marqua le «procès de la Junte» en 1985, et est longuement incarné dans le film à succès «Argentina, 1985» (2022).
Le verdict de La Plata intervient sur fond de résurgence du legs de la dictature dans le débat politique. Le président ultralibéral depuis décembre, Javier Milei, conteste à la fois la lecture de cette période – plutôt que de dictature, il évoque une «guerre» entre État et guérillas d’extrême gauche – et le bilan de 30’000 morts ou disparus, selon les ONG de droits humains.
Depuis la reprise en 2006 des procès de la dictature – après une parenthèse d’amnistie dans les années 1990 – la justice argentine recensait mi-mars 1176 personnes condamnées, dont 661 en détention, la plupart à domicile. Près de 80 procédures restent en cours, en procès ou à l’instruction.