À Berne, en finir avec le pétrole s’annonce très compliqué

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Crise climatiqueEn finir avec le pétrole s’annonce très compliqué

Entre les écologistes qui voudraient aller vite et l’UDC qui veut prendre son temps, le débat sur l’initiative pour les glaciers est encore loin d’un consensus. Le Parlement espère le trouver dans un nouveau projet.

Eric Felley
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Eric Felley
Simonetta Sommaruga affiche sa détermination pour arriver à «zéro émission» en 2050. Mais le chemin pour y parvenir est semé d’embûches.

Simonetta Sommaruga affiche sa détermination pour arriver à «zéro émission» en 2050. Mais le chemin pour y parvenir est semé d’embûches.

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Après l’épisode de la loi sur le CO₂ aux Chambres fédérales, les mentalités ont peu évolué sur la question climatique. Entre le discours de la climatologue verte Valentine Python (Vert.e.s/VD) et le paysan de l’UDC Pierre-André Page (UDC/FR), il y a un «gap» dans les réponses apportées. La première dresse un constat apocalyptique du réchauffement dû aux gaz à effets de serre, sur le point d’anéantir l’humanité. Cependant, en agissant vite, on pourrait encore assurer «la survie de la plupart des sociétés humaines».

Le second oppose une vision réaliste: «Vous ne pouvez pas décider tout simplement d’interdire les énergies fossiles sans réfléchir à leur remplacement, à notre autoapprovisionnement. Obliger nos concitoyens à utiliser uniquement des véhicules électriques nous précipiterait vers un manque d’énergie. (…) Et nous voyons, autour de nous, nos entreprises, nos exploitations paysannes comme nos concitoyens travailler à protéger toute notre nature, à lutter contre le réchauffement climatique…»

Interdiction absolue ou réduction réaliste

L’initiative pour les glaciers, débattue ce jeudi au Conseil national, exige la fin de l’utilisation des énergies fossiles en 2050 selon les accords de Paris adoptés par la Suisse. C’est une révolution énergétique, même si des exceptions sont prévues en cas d’impossibilité technique. Le Conseil fédéral estime que ce texte est trop contraignant. Son contre-projet propose une réduction linéaire jusqu’en 2050, ainsi que des exceptions en cas de problème économique majeur ou de sécurité de la population. La conseillère fédérale Simonetta Sommaruga a résumé la différence entre les deux textes: «L’initiative vise à l’interdiction absolue des énergies fossiles. Le contre-projet propose une obligation de réduction tant que possible en fonction des aspects techniques, économiques et sécuritaires pour la population».

Des Verts au moins verts…

Mercredi et jeudi, le débat du Conseil national a montré un spectre de positions sur ces deux textes. Les Verts et les Verts libéraux sont pour l’initiative, les socialistes pour les deux, le PLR et le PDC pour le contre-projet et l’UDC contre les deux. Au vu des rapports de force, c’est la solution du contre-projet tout seul qui a été voté par la Chambre du peuple par 104 voix (PS, PLR et C) contre 67 contre (UDC et Vert.e.s) et 21 abstentions d’origines diverses.

L’affaire se complique pour l’observateur lambda, car la Commission de l’environnement, de l’aménagement du territoire et de l’énergie du National (CEATE) a décidé de proposer un autre projet (dit contre-projet indirect), qui vise à modifier la loi, plutôt que la Constitution. Cela permettrait d’aller plus vite. Mais selon le contenu final de projet qui sera fixé en juin, l’initiative pourrait être maintenue, si les Verts ne sont pas satisfaits, ou un référendum lancé par l’UDC, si ce projet est jugé trop «vert». Le passage devant le peuple semble difficilement évitable sur ces questions.

Le contre-projet indirect

Jacqueline de Quattro (PLR/VD) a finalement défendu la solution qui a été retenue par le Conseil national, c’est-à-dire le rejet de l’initiative et le soutien au contre-projet: «Son adoption par les deux chambres permet une prolongation du délai pour l’élaboration d’un contre-projet indirect susceptible de réunir une majorité. Le texte du contre-projet indirect, tel qu’il ressort actuellement des discussions au sein de notre commission reprend dans les grandes lignes le contre-projet direct du Conseil fédéral, à savoir ramener à zéro les émissions nettes de gaz à effet de serre de la Suisse d’ici 2050».

Trois propositions individuelles

Durant ce premier round sur l’initiative des glaciers, trois propositions individuelles ont été mises sur la table. Celles de Marco Romano (C/TI), Jon Pult (PS/GR) et Roger Nordmann (PS/VD). La première veut sectoriser la réduction linéaire des énergies fossiles en fonction de la spécificité des branches économiques, la deuxième demande un soutien important pour les régions périphériques ou rurales (dont le vote a fait couler la loi sur le CO₂) et la troisième veut lancer un programme d’incitation massif pour changer les chauffages individuels. Les deux premières ont été acceptées, mais la troisième a été rejetée de justesse, après une confusion lors d’un premier vote par 95 à 92.

«Lenteur et indécision»

Le dossier passe au Conseil des États. Le Conseil national a décidé tacitement de prolonger le traitement de cette initiative jusqu’en août 2023. Comme l’a prévenu Baptiste Hurni mercredi: «Les deux écueils de ce projet sont donc la lenteur et l’indécision. D’aucuns ont peur d’un principe constitutionnel qu’ils jugent trop contraignant et d’un chemin de réduction à emprunter immédiatement. Ils désireraient donc temporiser. D’autres jugent que le contre-projet pourrait être amélioré et rêvent d’un texte lumineux qui nous mettrait tous d’accord tout en étant plus concret. Nous mettons ces deux courants de pensée en garde: ne rien faire et attendre n’est plus une option».

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