Une BD pour sceller une amitié après la mort

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François Schuiten, auteur des «Cités obscures» a dessiné les 12 dernières pages d‘«Aquarica» que Benoît Sokal, le père de Canardo n’avait pu terminer, emporté par un cancer.

Michel Pralong
par
Michel Pralong

Il y a des albums qui ont une histoire particulière. Celle d’«Aquarica» est particulièrement émouvante. Cette série en deux volumes est née de l’amitié de deux des plus grands auteurs de BD belge, Benoît Sokal et François Schuiten. Les deux ont explosé au début des années 1980 dans le magazine «À Suivre», le premier avec son détective canard Canardo et le deuxième avec «Les cités obscures», scénarisées par Benoît Peeters.

Les deux hommes étaient amis, ayant fréquenté ensemble les bancs de l’atelier de Claude Renard. Schuiten et Sokal avaient l’habitude de passer une partie de leurs vacances ensemble, dessinant alors l’un en face de l’autre en conversant. Mais ils n’avaient jamais travaillé sur une œuvre commune.

Jusqu’au début des années 2000, où Sokal propose à Schuiten de plancher ensemble sur le scénario d’un dessin animé. Une histoire de baleines géantes, de la taille d’une île, qui abritent des habitants sur leur dos. Le film ne se fera jamais, l’industrie cinématographique demeurant bien compliquée. Sokal se propose alors d’en faire une BD, le nom de Schuiten restant sur la couverture pour sa participation au scénario.

Il lui lègue sa boîte de couleurs

Le premier tome est sorti en 2017. Mais Benoît Sokal avait déjà été diagnostiqué d’un cancer. Il a dû se battre contre la maladie et, progressivement, demander à Schuiten de l’aider pour des crayonnés. Il finira par lui demander de lui préparer la couverture du deuxième tome et l’esquisse des 12 dernières pages. Jusqu’au jour où il lui transmettra sa boîte de couleurs, sachant qu’il ne pourrait pas terminer l’album.

Benoît Sokal s’est éteint le 28 mai 2021, à 66 ans. François Schuiten a donc terminé «Aquarica» à sa place, mais cela n’a pas été facile. Il lui a fallu presque un an pour trouver la force de le faire. La couverture est de sa main et c’est le plus poignant des hommages et la marque d’une profonde amitié. On ne peut que lire «Aquarica» en pensant à ces deux grands artistes. Fable poétique et écologique, cette série avait déjà de quoi émouvoir par elle-même. Ce passage de témoins tragique ne la rend que plus forte.

«Aquarica, La baleine géante», Tome 2, par Benoît Sokal et François Schuiten, Éd. Rue de Sèvres, 80 pages

«Aquarica, La baleine géante», Tome 2, par Benoît Sokal et François Schuiten, Éd. Rue de Sèvres, 80 pages

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