Polémique Uber: Le lobby pro Uber n’est de loin pas mort en Suisse

Depuis cet été, les «Uber Files» ont connu de nombreux rebondissements en montrant quelles ont été les méthodes de la société californienne Uber pour s’installer dans de nombreux pays au mépris des réglementations nationales. La Suisse a connu le même sort avec un intense lobbyisme dans les institutions fédérales. Prise dans la tourmente de ces révélations, la société Uber répète qu’elle a fondamentalement changé sa culture d’entreprise. Mais son lobbyisme se poursuit inlassablement.

Le 3 juin dernier, le Tribunal fédéral a donné raison au canton de Genève contre la société Uber concernant le statut des collaborateurs de l’entreprise, qui doivent être au bénéfice d’un contrat de travail en bonne et due forme, avec des vacances, un salaire minimal, des cotisations sociales et la prévoyance professionnelle. Cette décision concernant Genève n’a pas pour autant sonné la fin des ambitions d’Uber et d’autres de changer les conditions de travail pour les personnes employées par des «plateformes».

Ainsi deux semaines après l’arrêt du Tribunal fédéral, le conseiller national Philippe Nantermod (PLR/VS), pour le groupe PLR, déposait une nouvelle motion intitulée: «Créer un nouveau statut pour les travailleurs de plateforme indépendants et garantir leur protection sociale». Pour le PLR, le Conseil fédéral est chargé de créer un nouveau statut pour «les travailleurs de plateforme indépendants». Il s’agit d’un contrat de travail «light», qui pourrait être «inscrit dans le Code des obligations en tant que forme alternative au contrat de travail».

Selon le PLR, l’économie numérique a besoin de plus de flexibilité. Pour le conseiller national valaisan, cette économie couvre une large palette de professions: «Des prestataires de différentes branches (jardiniers, personnel de nettoyage, coursiers, comptables ou encore consultants) proposent depuis plusieurs années leurs services via des plateformes. Cette évolution est de plus en plus remise en question par les autorités d’exécution et les tribunaux, comme on l’a vu récemment avec l’arrêt du Tribunal fédéral concernant l’entreprise Uber à Genève».

Il serait donc souhaitable pour le PLR que «les prestataires suisses puissent eux aussi profiter de la flexibilisation du monde du travail, sans que cela se fasse au prix d’une couverture sociale insuffisante». Mais selon sa proposition, cette couverture serait limitée aux cotisations pour la retraite: «Les garanties attachées à ce nouveau statut seront réduites au minimum et consisteront principalement en une couverture sociale appropriée en matière de prévoyance vieillesse».

Mais le Conseil fédéral est opposé à l’idée d’une troisième voie flexible et a répondu à fin août dernier: «Le système dual, qui opère une distinction entre salarié et indépendant, est présent dans tout l’ordre juridique suisse. L’introduction d’un troisième statut serait en contradiction fondamentale avec le droit des assurances sociales, et de nombreuses adaptations s’imposeraient». Selon lui, il faudrait même modifier la Constitution. Cette troisième voie supprimerait certaines prestations sociales fournies par les employeurs comme l’assurance chômage, l’assurance-accidents obligatoire et la prévoyance professionnelle.

Selon le Conseil fédéral «l’économie de plateforme» peut très bien fonctionner avec la législation actuelle.