FootballDe Petkovic à Yakin, la brutalité d’un nouveau départ
L’ombre de Vladimir Petkovic a plané sur Belfast mercredi. L’équipe de Suisse de Murat Yakin a manqué d’idées comme rarement avant, la rendant impuissante dans le jeu.
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C’est une habitude à prendre, peut-être. L’équipe de Suisse est entrée dans une autre ère, dans un autre schéma de pensée. Avec Murat Yakin, son football ne sera plus tout à fait le même. C’est le propre d’un entraîneur que d’imposer ses idées. Mais après le 0-0 en Irlande du Nord, le passage d’une époque à une autre se révèle brutal. Vladimir Petkovic n’est plus le sélectionneur de l’équipe de Suisse, et cela suggère d’assister à des matches différents.
L’heure est encore à la comparaison. Le passage de témoin est trop frais pour que la mémoire collective tourne la page. Alors forcément, voir la Suisse ne pas trouver de solutions pour avancer dans le terrain ressemble à un petit choc. La sélection nationale a été impuissante mercredi, alors qu’elle finissait toujours par imposer son jeu et ses idées aux adversaires moins bien dotés auparavant. Mais surtout, elle n’a semblé avoir aucune réflexion pour débloquer un match qui a été conforme aux attentes.
Que l’Irlande du Nord oppose un bloc bas et attentiste était largement envisageable. Qu’elle cherche à se projeter rapidement à la récupération et qu’elle ne néglige aucun coup de pied arrêté, aussi. On pourrait dessiner le projet de jeu nord-irlandais sur les murs du terminal d’arrivée de l’aéroport de Belfast que cela ne servirait à rien. La Suisse a eu à disputer le match qu’elle s’attendait à jouer.
Des bribes d’idées
Et pourtant, elle a toujours semblé empruntée. Alors même qu’elle avait le ballon pendant trois quarts du temps. C’est sans doute ce qui a inspiré l’analyse de Murat Yakin, sélectionneur déjà confronté à certaines difficultés: «Nous avons joué au football, et c’est le plus important», a-t-il répété à maintes reprises en conférence de presse d’après-match. Lunaire ou lunatique, c’est selon, mais ce n’est pas faire preuve d’exigence que supposer que le jeu demande un peu plus que la simple possession.
«Les possibilités de marquer ont existé. Alors, je ne suis pas déçu, mais pas satisfait non plus»
L’honnêteté impose cependant de relever les points qui traduisaient une certaine réflexion. En phase de construction, par exemple, on a vu Ricardo Rodriguez former une base de trois aux côtés de Nico Elvedi et Manuel Akanji. D’une certaine façon, cela ressemblait à la Suisse de Petkovic, même si les côtés ont aussi manqué d’animation. Mais c’est surtout le jeu intérieur qui faisait défaut. On a vite compris que Christian Fassnacht devait être le premier soutien de Haris Seferovic, ou que Remo Freuler, Denis Zakaria ou Ruben Vargas devaient offrir des solutions entre les lignes ou en profondeur. Mais combien de fois ont-ils été touchés dans des zones dangereuses?
Dans l’attente des retours
Seferovic, esseulé, est forcément un symbole. Au-delà de son penalty raté. Il n’a touché que deux ballons dans la surface nord-irlandaise: son penalty et l’action de la 59e minute terminée par une frappe excentrée. Deux tirs au but donc. Le problème ne vient ainsi pas forcément de lui, mais de ceux qui avaient pour mission de le trouver. «Nous avons été très dominants, nous avons bien combiné, mais il nous a manqué de la précision, ajoutait aussi Murat Yakin. Les possibilités de marquer ont existé. Alors, je ne suis pas déçu, mais pas satisfait non plus.»
Cette forme de méthode Coué a sans doute pour but d’éviter de déjà s’alarmer. Peut-être aussi que Murat Yakin a la lucidité de penser qu’il n’avait pas son meilleur onze à disposition, et que c’est là une circonstance atténuante dans la comparaison avec Petkovic. Ce n’est pas tout faux. Il faut se garder de tirer des conclusions tant que les Granit Xhaka, Xherdan Shaqiri, Breel Embolo ou Kevin Mbabu ne seront pas là. Ils ont chacun un versant offensif qui les place devant ceux qui étaient sur la pelouse du Windsor Park mercredi. En attendant leur retour le mois prochain, il y a la crainte légitime qu’avec Yakin, la Suisse ne soit plus jamais aussi inspirée qu’avec Petkovic.