Football - Pourquoi la Super League accorde autant de place aux jeunes

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FootballPourquoi la Super League accorde autant de place aux jeunes

Selon une récente étude de l’Observatoire du football, la première division suisse est l’un des championnats où les jeunes joueurs possèdent le plus de temps de jeu. Explication.

Brice Cheneval
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Brice Cheneval
Becir Omeragic (à gauche, 20 ans) et Zeki Amdouni (à droite, 21 ans) sont deux des jeunes les plus prometteurs de Super League.

Becir Omeragic (à gauche, 20 ans) et Zeki Amdouni (à droite, 21 ans) sont deux des jeunes les plus prometteurs de Super League.

Pascal Muller/freshfocus

Les louanges, déjà nombreuses à son égard, se sont soudainement intensifiées. Auteur d’un triplé face à Servette dimanche dernier, Zeki Amdouni (21 ans) a éclaboussé le derby lémanique de son talent. Celui-ci paraît aujourd’hui indéniable, mais l’attaquant du Lausanne-Sport l’aurait-il aussi bien exploité hors de nos frontières? La question mérite d’être posée, car la Super League se révèle être un terreau particulièrement fertile pour les jeunes.

C’est ce qui ressort d’une récente étude de l’Observatoire du football (CIES), qui classe 60 championnats à travers le monde selon le pourcentage de minutes disputées depuis le 1er janvier 2021 par les joueurs de moins de 21 ans. La première division suisse figure au 5e rang (11,8%), derrière la Primera División vénézuélienne (18,8%), la Superliga danoise (16,5%), la Bundesliga autrichienne (13,3%) et la Super Liga serbe (12%). Par ailleurs, elle affiche la 9e moyenne d’âge la plus précoce parmi les compétitions étudiées, avec 26,1 ans.

Ces deux statistiques n'illustrent pas une situation isolée. Elles traduisent une tendance forgée par une addition de facteurs. Le premier est d’ordre économique. Si les clubs de Super League offrent autant de visibilité à leurs jeunes, c’est d’abord par nécessité. «On ne peut pas rivaliser financièrement avec la majorité des ligues européennes, donc on est obligé de miser sur la formation et la post-formation», expose Marc Hottiger, responsable de la promotion de la relève à l’ASF.

«On ne peut pas rivaliser financièrement avec la majorité des ligues européennes, donc on est obligé de miser sur la formation et la post-formation»

Marc Hottiger, responsable de la promotion de la relève à l’ASF

Cette réalité ne cesse de s’accentuer. Le paradigme du football moderne pousse à une convergence toujours plus marquée des stars et des gros budgets vers une minorité de clubs. L’écart financier avec les autres s’est tellement creusé que s’est formée une catégorie intermédiaire, où l’enjeu consiste à dénicher des talents méconnus, les développer et opérer une belle bascule à la revente.

Comme la concurrence se densifie sur ce terrain-là, les recruteurs élargissent de plus en plus leur rayon de recrutement et c’est là qu'intervient le championnat helvétique, devenu un terrain de chasse prisé. Pour preuve, un rapport du CIES publié le mois dernier indique que depuis juillet 2017, la Suisse présente une balance excédentaire de 216 millions d’euros en matière de transferts, le 10e meilleur bilan sur la période parmi les 40 pays les plus actifs du point de vue du volume des transactions. «Par essence, la Super League est une ligue de formation», résume Marc Hottiger.

Une formation qualitative

Toutefois, l’impératif économique ne suffit pas à expliquer ce jeunisme. Les entraîneurs n’accorderaient pas autant de confiance à des éléments inexpérimentés si ces derniers ne possédaient pas le niveau requis. Cette réussite, c’est en grande partie celle de la formation suisse. Passé par l’Allemagne, l’Autriche et la France, trois références dans ce domaine, Peter Zeidler la juge «très bonne». «Ici, les joueurs disposent de solides bases techniques et tactiques», remarque le coach de Saint-Gall qui, depuis son arrivée sur le banc à l’été 2018, dirige systématiquement l’équipe la plus jeune de l’élite (23 ans de moyenne cette saison). «Je remarque également qu’ils ont une faculté à être disciplinés et attentifs pendant les entraînements, poursuit-il. C’est une grande qualité.»

«Ici, les joueurs disposent de solides bases techniques et tactiques»

Peter Zeidler, entraîneur de Saint-Gall

Le football helvétique récolte les fruits de l’excellent travail réalisé par Hansruedi Hasler, directeur technique de l’ASF de 1995 à 2009, notamment autour du système de détection. «On ne peut pas se permettre de rater un joueur», tonne Marc Hottiger. Il n’a pas échappé au «Monsieur formation» de la Fédération que lors du dernier rassemblement des M21, en mars à l’occasion des qualifications pour l’Euro 2023, 10 des 11 titulaires alignés contre le Pays de Galles puis les Pays-Bas évoluent en Super League et dans un rôle de titulaire pour la quasi-totalité.

Au vu de la dynamique actuelle, tout indique que la jeunesse est amenée à poursuivre sa prise de pouvoir. Chef de la formation à Young Boys, Gérard Castella abonde: «Le passage aux 5 changements donne encore davantage de possibilités. La période Covid n’a pas eu que des effets négatifs. Avec les huis clos généralisés, cela a aussi permis à certains de s’exprimer plus facilement.» Marc Hottiger, lui, l’espère fortement. «Les chiffres établis par le CIES me surprennent agréablement mais il ne faut pas s’en satisfaire, dit-il. On peut se montrer encore plus exigeant et précis. On ne peut pas se permettre de régresser.»

La survie de notre football en dépend.

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