AfriqueScrutin tendu annoncé au Zimbabwe
Les électeurs du Zimbabwe se rendent aux urnes ce mercredi. Le président sortant Emmerson Mnangagwa veut s’accrocher au pouvoir mais l’opposition compte sur le vote contestataire.
Les bureaux de vote ouvrent mercredi matin au Zimbabwe pour élire le président et le Parlement, à l’issue d’une campagne marquée par une répression sans nuance de l’opposition et d’importantes irrégularités dans les listes électorales.
L’opposition, historiquement forte dans les villes, espère engranger un vote protestataire ancré dans une grogne croissante liée à une économie sinistrée, marquée par un chômage record et une hyperinflation constante. «Nous sommes fatigués de vivre au jour le jour, nous ne mettons pas un dollar de côté», souffle Paddington, 27 ans, qui vend des oranges à l’arrière de sa camionnette rouillée en périphérie de la capitale Harare.
Le président sortant Emmerson Mnangagwa, 80 ans, peut-il redresser la situation? Le commerçant éclate d’un rire nerveux. S’il a placé une affiche de la Zanu-PF au pouvoir sur son camion, c’est pour «avoir la paix», dit-il en allusion aux menaces de représailles à l’encontre de ceux qui critiquent ouvertement le gouvernement. La Zanu-PF, au pouvoir depuis l’indépendance du pays enclavé d’Afrique australe en 1980, semble déterminée à s’accrocher au pouvoir.
Son principal rival Nelson Chamisa, avocat et pasteur de 45 ans, s’est cassé la voix lors de son dernier meeting à Harare lundi, devant une foule parée de jaune, la couleur de sa Coalition des citoyens pour le changement (CCC). «J’ai mené 75 rassemblements» partout dans le pays, a hurlé cet homme svelte, moustache fine et chemise dorée. «Plus de cent (autres) ont été interdits mais Dieu dit que c’est le moment pour moi d’être président». «Nous allons gagner cette élection», et même «largement», a-t-il pronostiqué, promettant de remplacer «un souverain par un dirigeant».
Selon le porte-parole du gouvernement, Nick Mangwana, le scrutin sera paisible. En 2018, l’armée avait tiré à balles réelles contre des manifestants contestant l’élection de Mnangagwa, tuant six personnes. «Le pays est calme… La paix règne déjà», a-t-il déclaré mardi à l’AFP. «Je voudrais simplement que chaque Zimbabwéen accepte le choix du peuple», a-t-il ajouté. Comme si les jeux étaient faits.
Fraudes redoutées
Le président a promis inlassablement un scrutin équitable. Mais «la Zanu-PF est inarrêtable. La victoire est certaine», a-t-il lancé samedi lors de son dernier meeting. «Personne ne nous empêchera de diriger ce pays», avait-il affirmé au début du mois.
Les Zimbabwéens sont plongés depuis des années dans une crise économique dont ils ne voient pas le bout. «Les routes ne sont pas bonnes, les écoles ne sont pas bonnes, notre économie n’est pas bonne», a énuméré auprès de l’AFP Tendai Kativhu, charpentier de 37 ans.
Mais à l’issue d’une campagne marquée par l’intimidation et des arrestations d’opposants, dans un pays accablé par une longue histoire d’élections entachées d’irrégularités, peu croient que Nelson Chamisa, surnommé «le jeune homme» par contraste au président octogénaire, sortira vainqueur.
Human Rights Watch a prédit un «processus électoral gravement défectueux». Et d’importantes irrégularités ont été constatées sur les listes électorales, par l’opposition comme par des organisations de la société civile, suscitant aussi des craintes de fraude électorale lors du décompte des bulletins. Ces inquiétudes sont «le fruit d’une imagination débordante», a affirmé à l’AFP Rodney Kiwa, vice-président de la Commission électorale (ZEC). «Nous sommes prêts. S’il y a des problèmes, nous les réglerons».
L’économie au cœur des préoccupations
L’économie est au cœur des préoccupations des 6,6 millions d’électeurs. L’inflation était de 101% en juillet, selon les chiffres officiels. Pour le politologue zimbabwéen Brian Kagoro, si la campagne n’avait pas été si biaisée à l’encontre de l’opposition, c’était «l’élection la plus gagnable» pour elle depuis 15 ans.
Chamisa promet de bâtir un nouveau Zimbabwe «pour tous»: s’attaquer à la corruption, relancer l’économie. Pour redorer son image, le président Mnangagwa, surnommé le «Crocodile» pour son caractère impitoyable, a coupé ces dernières semaines une multitude de rubans, inaugurant centrales électriques et cliniques.
Le président est élu à la majorité absolue. Si aucun candidat ne remporte 50% des voix plus une, un second tour est organisé.