États-UnisLa grève dans l’automobile semble inévitable
À moins d’un accord de dernière minute, le puissant syndicat UAW s’apprête à lancer, jeudi, une grève chez les trois grands constructeurs automobiles américains.
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Une grève pourrait déstabiliser le secteur et au-delà.
Getty Images via AFPEn deux mois de négociations, les représentants de l’United Auto Workers et les dirigeants des «Big Three», General Motors, Ford et Stellantis, n’ont pu s’entendre sur le contenu d’une nouvelle convention collective de quatre ans. «Nous avons dit aux entreprises, depuis le début, que le 14 septembre (à minuit) était une date butoir, pas un jalon», a déclaré le président de l’UAW, Shawn Fain, dans une communication sur YouTube, mercredi.
«Nous ne laisserons pas le «Big Three» continuer à faire traîner les discussions pendant des mois», a-t-il martelé. L’UAW réclame un relèvement des salaires de 36% sur 4 ans, alors que les trois constructeurs américains n’ont pas été plus loin que 20% (Ford), selon le leader syndical.
Les trois géants historiques de Detroit ont notamment aussi refusé d’accorder des jours de congés supplémentaires et d’augmenter les retraites, assurées par des caisses propres à chaque entreprise. «Ils veulent faire peur aux Américains en leur faisant croire que le problème vient des employés de l’automobile», a clamé Shawn Fain, alors qu’il tient à «la cupidité des dirigeants».
Un risque pour Biden
Pour Shawn Fain, le mouvement constitue un tournant, qu’il compare aux années 30. Mercredi soir, le directeur général de Ford, Jim Farley, a affirmé ne pas avoir reçu du syndicat «de vraie contre-proposition» aux dernières concessions offertes par le constructeur.
Le cabinet de conseil Anderson Economic Group (AEG) estime qu’une grève de dix jours pourrait représenter plus de cinq milliards de dollars de perte de revenus pour l’économie américaine. Un conflit social prolongé pourrait avoir des conséquences politiques pour Joe Biden, dont le bilan économique est critiqué, en particulier du fait de l’inflation tenace qui s’est installée aux États-Unis.
À un peu plus d’un an du scrutin présidentiel, le chef de l’État marche sur des œufs, entre son soutien affiché pour les syndicats et le spectre d’un coup porté à l’économie américaine par une grève. Mercredi, le président du Conseil des conseillers économiques de la Maison-Blanche, Jared Bernstein, a refusé d’énoncer la position de Joe Biden au sujet d’un possible arrêt de travail.
«Relativement protégés»
«Il pense que les travailleurs de l’automobile méritent une convention collective qui soutienne les emplois de classe moyenne et souhaite que les parties restent à la table des négociations sans interruption pour parvenir à un accord», a déclaré Jared Bernstein. «Consommateurs et concessionnaires sont, en général, relativement protégés des effets d’une grève courte», a expliqué le vice-président du cabinet AEG, Tyler Theile.
Mais avec des stocks qui représentent un cinquième de ceux que possédait l’industrie en 2019, lors de la dernière grève chez GM, ils «pourraient être touchés beaucoup plus rapidement» qu’il y a quatre ans, selon lui. «On arrive au quatrième trimestre, période durant laquelle on voit le plus de ventes de pick-ups et de gros SUV, qui sont très rentables pour ces trois constructeurs», rappelle Jessica Caldwell, du site spécialisé Edmunds.com.
«S’ils n’en ont pas suffisamment en stock, ils vont manquer des ventes», ajoute-t-elle. Les analystes de JPMorgan estiment qu’un fort relèvement des salaires se répercuterait sur les prix de vente des véhicules, poussant les automobilistes à «garder leur voiture plus longtemps» plutôt que d’acheter un nouveau modèle.