Hockey: Marc-André Berset: «Si tu joues un rôle, cela ne marche pas»

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HockeyMarc-André Berset: «Si tu joues un rôle, cela ne marche pas»

L’ancien journaliste s’est reconverti dans la communication au sein de «son» Fribourg Gottéron, avec les Mondiaux 2026 dans le viseur. Une affaire de passion.

Robin Carrel
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Robin Carrel

Des tribunes de St-Léonard aux bureaux de la BCF Arena en quelques années. La carrière de «Marco» Berset est celle d’un passionné. Il a écumé les patinoires comme un fan, puis un journaliste, avant de s’occuper de Fribourg Gottéron. Le quarantenaire fribourgeois est aussi dans la direction de l’«Association Events & Legacy, Fribourg–Switzerland» en vue du Mondial 2026 en Suisse. Interview avec des «tu» dedans, parce que ça se fait entre (ex-)collègues.

Comment es-tu passé dans la tête du rôle de journaliste à celui de «manager communication et marque du club» à Gottéron?

D’abord, je tiens à dire que j’ai vécu des années incroyables à la RTS! Douze ans de télévision publique, des grands événements, de la passion, des résultats sportifs qui étaient fous pour l’athlétisme suisse, pour le hockey suisse, avec deux finales de championnat du monde… Franchement, pour moi, c’était une période bénie. Et puis, à un moment donné, est arrivée cette proposition de rejoindre Fribourg Gottéron dans un rôle de manager de la communication et de la marque, un nouveau département. Le club m’a proposé d’en prendre la direction, tout en m’occupant aussi de diriger l’association autour du championnat du monde 2026 ici. Moi, j’ai toujours tout fait par passion et je me disais que si un jour je devais éventuellement arrêter la télé, il faudrait trouver un défi qui me ferait vibrer tout autant. Et bien pour moi, Gottéron, c’est l’étendard du canton de Fribourg… Il n’y a pas mieux pour fédérer les gens dans le coin. Et le Championnat du monde de hockey, c’est l’un des plus grands événements du monde. Du sport, des émotions, dans un domaine dans lequel j’étais déjà implanté, où je connais presque tout le monde. C’est devenu comme une évidence. Mais ça a quand même été long à venir. Je ne te cache pas que j’ai mal dormi pendant près de deux mois.

Tu as été formé pour ça ou c’est ta connaissance du milieu qui a fait que tu étais la bonne personne?

Alors je pense qu’il y a un peu des deux. À côté de ma fonction de journaliste, je travaillais déjà sur divers partenariats en termes de communication avec différentes entités depuis plus d’une dizaine d’années. Donc ça, c’était un atout supplémentaire. Et après il fallait surtout, je pense, avoir un réseau et de la crédibilité auprès des gens. Parce que quand il y a des projets comme le Mondial ou comme Fribourg Gottéron, quand tu viens travailler dans la communication et pour que les gens adhèrent à ce que tu leur proposes, il faut qu’ils se disent: «quand même ouais, c’est crédible, ça tient la route». J’ai aussi la chance de plutôt bien parler les langues et pour un événement comme des championnats du monde, c’est très important.

Et toi tu y croyais.

La première chose, c’est de croire en soi. Si tu joues un rôle, cela ne marche pas. Je l’ai vu la première fois que j’ai présenté les aspects liés à la communication aux joueurs du club. La plupart, je les connaissais déjà. Certains, je les ai critiqués, le club aussi d’ailleurs. Mais c’était toujours de manière argumentée et constructive. Donc j’avais probablement une crédibilité qui était déjà accordée. Et ça, c’était important. Et pour le championnat du monde, je pense que, très clairement, mon expérience et mon réseau au sein du monde de hockey ont pesé. La proximité est essentielle dans ce milieu. J’ai côtoyé les gens de l’IIHF en participant au championnat du monde depuis 10 ans. Je connais leurs standards, leur fonctionnement, les attentes envers une ville hôte. J’ai travaillé avec les gens de la Fédération suisse, avec les clubs, les joueurs… La confiance est déjà là et c’est la base de la réussite. J’ai aussi participé à des dizaines de grands événements sportifs comme les Jeux olympiques, les championnats du monde et d’Europe de plusieurs sports. Donc je pense que ça matchait pas mal.

Comment on switche d’un poste à l’autre? Il faut être très neutre à la RTS et là tu dois défendre la marque Fribourg.

Je pense que j’ai toujours été très objectif dans mon travail de journaliste. Aussi sévère avec Lausanne, que Genève, Fribourg, Ajoie ou autre. Et c’est encore plus difficile d’être sévère avec les choses que tu connais le mieux. C’est plus facile de se montrer critique avec un club qui est à l’autre bout de la Suisse, qu’avec une équipe où tu vas tout le temps et où tu connais les personnes. Défendre une marque cela ne veut pas dire être chauvin. Cela signifie mettre en avant ses points forts. Gottéron a tellement d’atours, idem pour le projet de championnat du monde. Quand tu es dans la communication, c’est là où on te demande de garder cette objectivité.

Avoir un œil externe pour se rendre compte des choses?

Avoir la tête froide et ne jamais réagir à chaud sous le coup des émotions. Et moi je ne suis pas comme ça.

Donc toi, tu ne t’énerves pas devant MySports quand tu entends des trucs sur ton équipe?

Non, je ne m’énerve pas et je n’ai pas de raisons de m’énerver. Et je connais le métier et ses ficelles. J’apprécie les médias engagés, qui suscitent le débat. On m’a aussi engagé pour cela à Gottéron, la connaissance des médias et de leurs codes. Il faut être capable de prendre toujours de la hauteur et de rester objectif.

Il y a ce truc quand tu es journaliste, tu finis à Davos, à Rapperswil un mardi soir et t’enchaînes le vendredi, le samedi, voire le dimanche. Est-ce que maintenant tu as plus de temps pour «vivre» malgré toutes ces casquettes?

C’est intéressant. C’est vrai que quand tu bosses dans les médias, tu sais que tu devras bosser le week-end et tard les jours de semaine aussi. Mais si tu n’es pas prêt à ça, il ne faut pas faire ce métier. C’est que tu t’es trompé de chemin. Ici, à Gottéron, on reste sur des horaires qui ne sont pas la norme comme terminer à 23 heures un mardi soir. Mais dans le fond, parler d’horaires est utopique. Je vois une grande similitude entre le métier de journaliste sportif et le fait de travailler dans un club. Dans les deux cas, tu as la chance de réaliser une passion, qui fait vibrer les gens, suscite des émotions… Par conséquent, tu représentes toujours cette entité. Cela vient systématiquement dans la discussion. À 7 heures du matin à la boulangerie comme en soirée avec des potes. Mais j’ai toujours vécu comme ça.

Si on avait dit au jeune Marc-André qui était en tribunes il y a plus de vingt ans que tu ferais un jour ce job…

Ça aurait été (il hésite)… C’est peut-être assez logique en fait. Parce que tout ce que j’ai entrepris, je l’ai fait par passion. Quand tu es journaliste, quand tu es commentateur, c’est la passion du sport, du direct qui t’anime aussi. Parce que gamin, tu t’es surpris à commenter seul devant ta télé ou dans ton jardin en jouant au foot. Dans le fond, on est tous tombé dans la marmite de la même façon. Petit, on a découvert les stades et les patinoires avec nos parents ou nos amis, on a vibré pour un club… Avoir été dans les gradins, n’empêche pas l’objectivité. Aujourd’hui, ce sont les projets sportifs et dans les coulisses qui m’intéressent. En l’occurrence, ceux de Gottéron et ceux liés au championnat du monde faisaient sens.

Une pression supplémentaire?

Moi je pense que je me la mets tout seul.

Ça donne encore plus envie de bien faire de venir de la région?

Dans n’importe quelle fonction, je me mets la pression tout seul. Je n’attends pas qu’elle vienne d’ailleurs. Quand tu es commentateur, si tu te mets la pression par rapport à l’extérieur, si tu commences à lire les réseaux sociaux et tenir compte des choses comme ça, ça ne peut pas marcher. Donc ton exigence, elle est envers toi.

Mais là, les réseaux sociaux, les remarques des gens à la patinoire, c’est presque ton «contrôle qualité».

Oui. Avec le retour des joueurs, avec le retour de mon directeur général John Gobbi ou du conseiller d’État Romain Collaud. Ce sont eux aussi, le feedback. Mais ce ne sont pas des attentes supplémentaires. Moi, je veux faire au mieux, que ça marche pour tout le monde. Je veux réussir par moi-même et avoir du plaisir. Il ne faut pas vivre par procuration, à travers ce que te disent les autres. Il faut prendre certaines remarques pour progresser, mais il ne faut pas s’y arrêter. On connaît des échecs, on fait plein d’erreurs, mais on ne s’arrête pas pour autant. C’est ça qui détermine la façon dont tu travailles.

Pas de syndrome de l’imposteur, donc.

Je n’ai jamais réfléchi comme ça. Je pense que tout ce qui arrive, à l’inverse, tu le provoques. Je me rappellerai toujours quand Philippe Ducarroz m’a engagé pour TeleClub. C’était parce qu’à l’été, j’étais allé présenter dans sa cuisine un magazine en français et en allemand que j’avais créé. Moi, je ne savais même pas qu’il avait quitté la RTS pour TeleClub. Et là, chez lui, il me dit que mon idée est super, mais que ça va se crasher. Mais par contre, je devais lui redire en 24 heures, parce qu’il voulait m’embaucher à TeleClub! Ça a bien marché et tout à coup, il y a eu l’opportunité d’aller à la RTS. Les événements de communication que je faisais, c’est venu en assistant à un autre événement, quelqu’un m’a dit: «ah, mais toi tu pourrais peut-être y participer avec nous!» Ça, c’est provoqué. Là, pour le Mondial et Gottéron… Je n’avais jamais construit ma carrière en me disant ça! Déjà, parce qu’à l’époque on ne savait pas que le Championnat du monde allait venir ici avant mai 2022. Mais parce qu’en travaillant bien sur le hockey, en étant considéré comme crédible et professionnel, j’ai provoqué cette réaction des gens. Je me dis que ce que tu fais, très souvent, ça engendre d’autres choses et tu ne peux pas toujours les maîtriser. Sinon, ce serait trop simple. Chaque étape en a amené une autre et on verra jusqu’où ça me mènera.

Urs Lindt/freshfocus

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