VenezuelaL’opposition met fin au gouvernement et à la présidence «intérimaires»
L’opposition a voté jeudi la disparition de la présidence et du gouvernement «intérimaires» de Juan Guaido, sans pouvoir réel mais qui contrôlaient les actifs vénézuéliens à l’étranger.
L’échec étant consommé, l’opposition vénézuélienne a mis fin vendredi au «gouvernement intérimaire» de Juan Guaido, qui s’était autoproclamé président en janvier 2019 dans le but d’évincer Nicolas Maduro après un scrutin présidentiel 2018, boycotté et non reconnu par une partie de la communauté internationale.
Les députés de l’ancien Parlement, élu en 2015 et contrôlé par l’opposition, ont voté à 72 voix pour (29 contre, 8 abstentions) la disparition de la présidence et du gouvernement «intérimaires», qui n’avaient pas de pouvoir réel mais contrôlaient toutefois les actifs vénézuéliens à l’étranger, estimés à 24 milliards de dollars par Nicolas Maduro. Cet ancien parlement défend sa continuité en considérant comme frauduleuses les élections législatives remportées par le pouvoir en 2020.
Le soutien international à ces gouvernements et présidence «intérimaires», reconnus par les États-Unis et la France notamment, s’était étiolé au fil des mois. Le président Maduro raillait régulièrement la «présidence» Guaido la qualifiant de «Monde de Narnia» ou d«'imaginaire».
La crise pétrolière provoquée par la guerre en Ukraine a entraîné un réchauffement des relations entre Nicolas Maduro et Washington, qui avait envoyé des émissaires discuter directement avec lui. La Maison-Blanche a aussi assoupli en novembre les sanctions contre le Venezuela après une avancée dans les négociations entre pouvoir et opposition, permettant notamment au pétrolier Chevron d’opérer au Venezuela pendant les six prochains mois.
Officiellement, les positions américaine ou française n’ont pas changé mais dans la réalité les chancelleries discutent depuis longtemps déjà avec le pouvoir de Nicolas Maduro. Preuve en est la rencontre filmée dans les couloirs de la COP27 à Charm el-Cheikh, en Égypte, entre Nicolas Maduro et Emmanuel Macron. Le chef d’État français s’était adressé à Nicolas Maduro en l’appelant «président» et indiqué qu’il allait lui téléphoner.
D’un autre côté, les pays sud-américains comme la Colombie ou le Brésil qui étaient gouvernés par des droites dures très hostiles à Nicolas Maduro ont basculé à gauche ces derniers mois, faisant perdre des alliés de poids à Juan Guaido.
«Suicide» et «honte»
Au Venezuela, trois des quatre grands partis d’opposition vénézuéliens (Primero Justicia, Accion Democratica et Un Nuevo Tiempo) estimaient que le «gouvernement intérimaire» a «cessé d’être utile (…) et ne présente aucun intérêt pour les citoyens» dans un communiqué commun mardi.
«Le gouvernement intérimaire était une émanation, une urgence de l’Assemblée nationale. Ce qui était provisoire est devenu perpétuel», a assuré vendredi lors de la séance Juan Miguel Matheus, favorable à la disparition du gouvernement intérimaire. Cet avocat constitutionnaliste a précisé: «Les actifs ne sont pas en danger. La plus grande partie du soutien (international) est un soutien à l’Assemblée nationale plus qu’à la présidence intérimaire… La loi fournit des outils suffisants pour protéger les actifs au Portugal, aux États-Unis et en Angleterre».
«C’est un saut dans le vide. Aujourd’hui on capitule. 72 députés ont capitulé», a réagi Juan Guaido après le vote. Il a toutefois assuré sur un ton plus consensuel: «Les différends que nous avons aujourd’hui, nous les dissiperons sans aucun doute».
L’opposant de premier plan Freddy Guevara, qui soutenait le maintien de la présidence, s’est insurgé contre sa disparition au moment de voter: «Je ne peux pas comprendre comment nous commettons ce suicide. Cela devrait nous faire honte à tous (…) Nous ne pouvons pas garantir qu’avec cette réforme (suppression de la présidence) les actifs seront protégés. Je veux me tromper, je veux que l’or ne tombe pas dans les mains de Maduro à l’avenir. Si demain Maduro sort plus fort, sachez que c’est votre responsabilité».
Le vote de l’Assemblée élue en 2015 survient dans un contexte de division de l’opposition qui n’a pas su s’unir lors des régionales de 2021 remportées par le pouvoir et alors que la présidentielle de 2024 aiguise les appétits. «Il y a des leaders de l’opposition qui estiment que le gouvernement intérimaire était un avantage pour une éventuelle candidature de Guaido», a commenté à l’AFP le consultant Pablo Andres Quintero.
L’opposition a annoncé récemment qu’elle organiserait des primaires l’année prochaine afin de choisir un candidat unique pour affronter Nicolas Maduro lors de la présidentielle. Juan Guaido fait partie des possibles candidats.