Moyen métrageLes superhéros Marvel passent en mode horrifique
Afin de renouveler le MCU, le studio veut maintenant mettre les monstres de son catalogue en avant. Premier candidat? Le loup-garou de «Werewolf by Night», à voir sur Disney+.
- par
- Christophe Pinol
Mais qu’est-ce qui a bien pu pousser Marvel à accoucher de ce «Werewolf by Night», qui rejoint le catalogue Disney+ ce vendredi 7 octobre? Un drôle de film qui prend franchement la tangente des schémas jusqu’ici développés pour le MCU (Marvel Cinematic Universe).
On est d’abord surpris par sa durée: un unitaire de 52 minutes à peine. Puis par son traitement, en noir et blanc et exceptionnellement gore pour la Maison aux idées. Mais également par son choix d’introduire des personnages franchement inconnus du grand public (même si le studio n’en est, sur ce point, pas à son premier coup d’essai): ici le loup-garou Jack Russell, la créature Man-Thing et la chasseuse de monstres Bloodstone.
Enfin, c’est aussi par le choix de son réalisateur que le film étonne: Michael Giacchino, plus connu pour être l’un des compositeurs de musique de films les plus côtés et prolifiques du moment, signe son premier film de grande ampleur, après deux courts métrages… Et tout cela est d’autant plus étrange que «Werewolf by Night» est en fin de compte ce que le studio a produit de plus jouissif et de plus cohérent depuis belle lurette.
Lettre d’amour aux monstres d’antan
On y suit la réunion, au cours d’une nuit sans lune, d’une cabale de chasseurs de monstres convoqués pour reprendre le flambeau de l’organisation après le décès de leur chef, le comte de Bloodstone. Celui qui parviendra à terrasser une créature lâchée dans la propriété pourra se hisser sur le trône. Mais Jack Russell, un lycanthrope, s’est glissé incognito dans le groupe…
Voilà, le décor de cette belle lettre d’amour aux classiques du cinéma d’épouvante est planté. Un vibrant hommage aux films de monstres Universal des années 30-40, et à ceux de la Hammer, dans les années 60, qui ont tous bercé la jeunesse du cinéaste/compositeur. Celui-ci s’amuse à en reprendre les codes et gimmicks: des jeux d’ombres suggestifs, des effets spéciaux plus souvent mécaniques que numériques, ou encore ces «brûlures de cigarettes» sur la pellicule pour indiquer le changement de bobine de film. Le tout, en ponctuant son récit de savoureuses petites touches d’humour et d’une bande originale qui fait déjà office de classique du genre – bien entendu composée par ses soins. Sans oublier une savoureuse interprétation de Gael Garcia Bernal (Jack Russell), tout en finesse et en intériorisation.
Pas de caméo au programme
«Durant la préparation du film, il n’a jamais été question de fixer une durée, expliquait Michael Giacchino au site Gizmodo, pour justifier le choix du moyen métrage. On voulait juste qu’il ne dépasse pas une heure, que ça reste condensé. Je voyais ça comme un épisode de «La quatrième dimension»: une histoire à part entière que vous regardez tranquillement, avec un début, un milieu et une fin, et pour laquelle vous n’avez pas à vous poser de question sur ce qui s’est passé avant, après ou pendant. Vous pouvez bien sûr imaginer comment ces personnages s’intègrent dans l’univers Marvel, et c’est ce que feront les fans, mais rien ne vous y oblige». Voilà pourquoi le film ne fait étonnamment appel à aucun caméo. S’il avait été un temps question de convoquer Moon Knight et Blade (le chasseur de vampire doit faire l’objet d’un reboot pour bientôt intégrer officiellement le MCU), qui apparaissent dans le comic original, le cinéaste a finalement écarté cette idée.
Jusqu’ici, en dehors de Morbius, Marvel s’était concentré sur les superhéros de son catalogue en faisant soigneusement l’impasse sur les monstres, pourtant bien présents dans les pages de ses BDs (Simon Garth le Zombie, Frankenstein, Hannibal King…). Mais les temps changent et le studio avait visiblement besoin d’une bonne bouffée d’oxygène. «Nous introduisons avec ce film un monde qui sera très important dans l’avenir du MCU, déclarait il y a peu le patron de Marvel, Kevin Feige, au magazine IGN. En nous tournant désormais vers le surnaturel, nous voulons explorer des personnages et des univers complètement nouveaux». Bonne nouvelle: d’autres petits modules unitaires de ce type sont d’ores et déjà à l’étude.
Du sang, encore plus de sang!
Surferont-ils tous sur le thème de l’horreur? Pas sûr. Toujours est-il que le cinéaste expliquait à ce propos au magazine IGN que personne ne l’avait jamais freiné quand il avait voulu explorer cette piste: «Je savais qu’on allait contrebalancer l’aspect horrifique avec un peu d’humour, du cœur et de l’empathie. Du coup, je poussais le curseur gore aussi loin que possible… Après tout, on parle de monstres, non? Sur le plateau, quand on me demandait si la préparation de la scène me convenait, c’était même devenu un gag récurrent. Avant même que je donne mon avis, on me disait: «Laisse-moi deviner: tu veux plus de sang, c’est ça?». Et moi: «C’est possible? On peut vraiment pousser le bouchon encore un peu plus loin?». Et personne ne m’a jamais dit non!»
Alors calmons tout de suite les ardeurs des fans de «Saw». Non, «Werewolf by Night» ne s’aventure pas dans ces extrêmes mais la violence des combats détonne tout de même franchement du traitement apporté jusqu’ici dans le MCU, même si le noir et blanc – outre le fait de nous plonger dans l’atmosphère de ces films d’antan – a bien entendu aussi pour mission d’atténuer la violence graphique des effusions de sang.
Mais le plus étonnant dans l’histoire, c’est peut-être cet homme, qui passe des sessions d’enregistrement de la bande originale au fauteuil de réalisateur. Car en dehors de compositeurs comme John Ottman ou Michel Legrand, ils ne doivent pas être nombreux, dans l’histoire du cinéma, à avoir également réalisé ce parcours. «En tant que compositeur, expliquait Michael Giacchino pour Gizmodo, j’ai travaillé avec les plus grands réalisateurs et souvent, je me rendais sur le plateau de tournage juste pour les regarder à l’œuvre, tout simplement parce que je suis un fan absolu de cinéma depuis mes 9 ans. Et même quand je ne fais que composer la bande originale, je participe à toutes sortes de discussions au sein de la production, qui sortent largement du cadre de la musique du film. Et tout ça m’a en fait à la fois préparé et gentiment mené au rôle de réalisateur que je tiens aujourd’hui».
Un duo appelé à revenir
Reste maintenant à savoir où et quand on reverra les personnages principaux, et notamment le duo formé par Jack Russell et Man-Thing, gros coup de cœur de ce petit film. Brian Gay, l’un des producteurs exécutifs de Marvel se montrait rassurant à ce propos dans les colonnes de «The Direct»: «Oui, bien sûr qu’ils vont réapparaître. Mais pas qu’eux. Dans la scène d’introduction, où l’on voit toutes ces têtes de monstres accrochées aux murs, tel des trophées, on a voulu montrer que pendant des siècles, les monstres existaient dans l’univers Marvel et qu’ils ont été traqués, tués ou tenus à distance par ces chasseurs. L’idée, maintenant, c’est d’en faire réapparaître certains. Il ne reste plus qu’à déterminer où et comment».
Dans les comics apparus dans les années 70, où Jack Russell finit par exercer un contrôle sur la fréquence de ses transformations, le personnage est donc apparu aux côtés de Moon Knight mais a aussi parfois fait équipe avec les Avengers. Et on le sait aussi lié au Darkhole, ce grimoire maléfique au cœur du final de la série «WandaVision» et du récent «Doctor Strange in the Multiverse of Madness». Autant d’éléments qui pourraient constituer le point de départ d’une nouvelle évolution du MCU.