Coronavirus – Record de cas, médecins débordés: la Serbie fait comme si de rien n’était

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CoronavirusRecord de cas, médecins débordés: la Serbie fait comme si de rien n’était

Les autorités serbes ne veulent plus prendre de mesures bien que le pays enregistre les taux d’incidence et de décès les plus élevés au monde.

Un passant dans les rues de Belgrade en Serbie le 11 octobre dernier.

Un passant dans les rues de Belgrade en Serbie le 11 octobre dernier.

AFP

En Serbie, on dirait que la pandémie est terminée. Les bars sont bondés, les masques rares et les restrictions quasi-inexistantes. Mais c’est une illusion, car le pays des Balkans est le leader mondial du taux de contaminations et les médecins s’y disent «en mode survie». Le pays dispose depuis longtemps d’une pléthore de vaccins mais la campagne se heurte au mur des hésitants. Le taux de vaccination plafonne légèrement au-dessus de 40% des sept millions d’habitants.

La Serbie est sur la première marche du podium mondial en termes de contaminations sur les deux dernières semaines, avec plus de 1’300 pour 100’000 habitants, selon les données de l’Agence France Presse (AFP). Le pays figure aussi parmi ceux qui déplorent le plus de morts rapportés à la population. Face à cette situation, les médecins serbes ont réclamé des mesures strictes aux autorités, comme la limitation des horaires des bars, restaurants, centres commerciaux ou un passe pour restreindre la vie sociale des non vaccinés.

Pass «Impossibles à contrôler»

Après des semaines d’atermoiements, la Première ministre Ana Brnabic a renoncé à cette mesure, soulignant la difficulté d’imposer de la discipline aux gens. «Les certificats (passes) seraient impossibles à contrôler tout comme il est impossible de contrôler le port du masque à l’intérieur», a-t-elle admis la semaine dernière. «Nous avons un remède, une solution, et c’est la vaccination».

En Serbie, il suffit d’aller dans les magasins, les transports publics voire les hôpitaux, pour constater que le port du masque est plus qu’aléatoire.

Predrag Kon, épidémiologiste de premier plan, a dénoncé «l’obstruction» des décideurs et dit avoir «supplié d’être remplacé» à la cellule de crise sanitaire du gouvernement.

«En mode survie»

Pour le chef du syndicat des médecins, Rade Panic, les réticences gouvernementales s’expliquent par les élections prévues au printemps et la virulence des vaccino-sceptiques qui ont organisé des manifestations anti-restrictions.

«Les antivax créent le problème mais le gouvernement ne veut pas l’affronter à cause des élections», dit-il. «Le message, c’est qu’on est tout seuls» face au coronavirus. «On est en mode survie». Le gouvernement serbe a refusé une demande d’interview de l’AFP.

La Serbie a également beaucoup de mal à vacciner les jeunes, avec selon la Première ministre un taux de 22% chez les 18-30 ans. Les passes sanitaires ont montré leur efficacité dans des pays comme la France pour inciter les réticents à retrousser leur manche, mais Ana Brnabic assure qu’en Serbie, les effets seraient pervers.

«Quand les gens apprendront que quelqu’un a falsifié un certificat pour rentrer dans une boîte de nuit, ça deviendra «cool» et tous les jeunes voudront prouver qu’ils peuvent le faire», a-t-elle dit. La Serbie recense depuis des semaines plus de 5000 contaminations par jour, avec un récent record à 8500, et une cinquantaine de morts. Au total, près de 9000 personnes sont mortes.

«Un champ de bataille»

Le secrétaire d’Etat à la Santé Mirsad Djerlek reconnaît que les hôpitaux atteignent les limites de leurs capacités mais juge qu’il y a «suffisamment» de lits pour l’instant. Ce n’est pas l’avis du Dr Panic, anesthésiste dans la «zone rouge Covid» d’un hôpital, qui dit que les médecins «sont débordés». «C’est un champ de bataille, à la fois pour les patients mourants et les médecins épuisés».

La Serbie avait pourtant démarré la vaccination sur les chapeaux de roues, jouant l’équilibre entre l’Est et l’Ouest pour obtenir des millions de doses, suffisamment même pour inviter les volontaires étrangers à venir se faire vacciner. Elle propose à tous une troisième dose.

Le mouvement antivax est mondial mais le terreau est fertile en Serbie, où la désinformation est alimentée par la méfiance envers des autorités et institutions entachées par la corruption et le manque de transparence. «Pourquoi devons nous suivre les ordres aveuglément», demande Milena Petrovic sur Facebook, qui ne s’est pas fait vacciner. «Pourquoi quelqu’un d’autre doit-il décider à notre place?»

La suspicion est aussi nourrie par des médecins réticents, suivis, pour certains, par des centaines de milliers de personnes sur les réseaux sociaux et auxquels des médias donnent régulièrement la parole. «L’Etat doit non seulement motiver les citoyens mais aussi tout faire pour arrêter les mensonges et les manipulations», dit le pneumologue serbe Srdjan Lukic sur Twitter. «La Serbie a lamentablement échoué».

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