HumeurIgnazio Cassis ou le mal-aimé du Conseil fédéral
Malgré son année de présidence, le Tessinois ne parvient pas à quitter la dernière place du classement des conseillers fédéraux.
- par
- Eric Felley
Seulement 27% des personnes ayant participé au dernier sondage Tamedia/20 minutes estiment qu’Ignazio Cassis devrait se représenter en tant que conseiller fédéral, contre 55% pour sa collègue du PLR Karin Keller-Sutter. Du simple au double. Les sondages sont ce qu’ils sont, cependant le Tessinois ne parvient pas à quitter la dernière place des classements du Conseil fédéral. Sauf en 2019, où Guy Parmelin était derrière lui.
Un mantra un peu creux
Après deux années de pandémie, où il s’est fait très discret, le Tessinois a placé sa présidence sur le thème de la cohésion nationale et du vivre ensemble helvétique. Mais il a de la peine à incarner ce message, à l’illustrer ou à le transcender. Son habileté polyglotte ne parvient pas à cacher un mantra un peu creux. Pendant ce temps, la scène politique s’est durcie à Berne et les intrigues délétères se sont multipliées autour du Conseil fédéral.
Le cavalier seul
La guerre en Ukraine, le 24 février dernier, a chamboulé le programme du président et chef des Affaires étrangères. On lui a reproché une première conférence de presse ratée, puis un manque de réactivité avec les sanctions. Ignazio Cassis semble avoir le talent de décevoir tout le monde. En tergiversant au début de la guerre sur les sanctions, il a fâché le Centre et la gauche. Ensuite, en se mettant en scène avec le président Zelensky en vidéo conférence à Berne, il a fâché l’UDC sur la neutralité. Il est apparu alors comme un cavalier seul, improvisant un rôle inédit pour un conseiller fédéral.
Les sympathisants de l’UDC (qui l’a porté au pouvoir en novembre 2017 à la place de Pierre Maudet), sont ceux qui lui donnent aujourd’hui la moins bonne note dans le sondage du jour avec 3,21.
L’ombre de Lavrov
Certes, il a organisé cette conférence en juillet en vue de la reconstruction de l’Ukraine, un grand moment, un festival de serrages de mains et de déclarations solennelles. Mais ce soufflé est vite retombé et la guerre a continué comme si de rien n’était. Ignazio Cassis aurait voulu être le Suisse de bon conseil capable d’arrêter la guerre grâce à un ingénieux travail de coulisses. Mais, en se montrant si proche de Zelensky, il a perdu toute oreille du côté de Moscou avec son implacable homologue Sergueï Lavrov.
Le crève-cœur russe
On se souvient, au début de son mandat en 2018, il s’était fait remettre à l’ordre par l’éminence grise de Moscou sur la scène internationale pour avoir osé parler «d’espions russes». Pour Ignazio Cassis, ce fut un baptême du feu un peu brutal, qui l’a rendu encore un peu plus taciturne. Certes, il y a eu ensuite des rapprochements et l’inauguration de la nouvelle ambassade de Suisse en Russie (2019). Ignazio Cassis relevait alors «la solidité des relations bilatérales que la Suisse entretient avec la Russie, ainsi que la qualité de leurs échanges». Qu’en reste-t-il? Un crève-cœur.
Une question de personnalité
C’est peut-être une question de personnalité. Contrairement à Alain Berset, qui dégage une aura quasi solaire, il émane du Tessinois une forme de grisaille obscure. Sa position du corps révèle un caractère introverti, réservé. Elle contraste avec la dynamique souriante de son visage, qui apparaît souvent comme de pure convenance. Ainsi ne parvient-il pas, au fil des années et des sondages, à créer cette étincelle d’empathie avec la population suisse, que même son prédécesseur Guy Parmelin avait su trouver durant sa présidence.