AfghanistanLes talibans accusent Washington de s’approprier les actifs afghans
Washington refuse toujours de débloquer les milliards de dollars gelés depuis la prise de pouvoir des talibans en Afghanistan, en août 2021.
Les talibans ont accusé jeudi les États-Unis de s’approprier indûment les actifs afghans et demandé qu’ils soient débloqués «sans conditions», au lendemain du refus de Washington de débloquer des milliards de dollars gelés depuis qu’ils ont pris le pouvoir.
«Les États-Unis se sont appropriés les actifs du peuple afghan», a déclaré jeudi le porte-parole du gouvernement afghan, Zabihullah Mujahid, contacté par l’AFP. «Les États-Unis ne sont pas les propriétaires» de ces fonds, a-t-il insisté, demandant qu’ils soient débloqués «sans conditions».
Un fonds en Suisse
Washington a annoncé mercredi la création d’un fonds en Suisse pour gérer la moitié des avoirs afghans, soit 3,5 milliards de dollars, gelés lors de l’accession au pouvoir des talibans en août 2021. Ce fonds sera chargé des fonctions essentielles de la banque centrale, comme le paiement des arriérés internationaux de l’Afghanistan et de ses importations d’électricité.
Dans une lettre à la Banque centrale d’Afghanistan, le secrétaire adjoint au Trésor américain, Wally Adeyemo, a regretté que l’institution afghane n’ait pas démontré son indépendance à l’égard des talibans et qu’elle n’ait pas respecté son engagement à financer la lutte contre le terrorisme, pris avant leur arrivée au pouvoir. Il a aussi déploré qu’elle n’ait pas nommé un observateur externe fiable.
«Il n’y a actuellement aucune institution en Afghanistan capable de garantir que ces fonds ne seront utilisés qu’au bénéfice du peuple afghan, pas même la DAB», la Banque centrale, a souligné M. Adeyemo, actant l’échec des pourparlers entamés entre les deux pays sur ce sujet.
11 septembre
La Banque centrale d’Afghanistan a également critiqué la décision de Washington, affirmant qu’elle allait à l’encontre des objectifs pour lesquels les actifs avaient été accumulés pendant des décennies, comme la stabilisation du marché monétaire et la facilitation du commerce.
«Il est inacceptable que la DAB affecte, utilise et transfère les réserves pour tout autre objectif», a assuré la Banque centrale. Lors du départ des forces américaines en août 2021, après 20 ans d’intervention militaire en Afghanistan, Washington a gelé 7 milliards de dollars de réserves.
En février, le président américain Joe Biden avait souhaité que la moitié des 7 milliards soit réservée à l’indemnisation des victimes des attentats du 11 septembre 2001, à l’origine de l’invasion américaine en Afghanistan et du renversement du premier régime taliban. Cette décision avait indigné les talibans qui avaient toutefois entamé des discussions avec les États-Unis pour trouver une solution.
Crise économique
Le gel des avoirs a aggravé la crise économique de l’Afghanistan, dont plus de la moitié des 38 millions d’habitants sont confrontés à la faim. Jeudi soir, le ministère afghan des Affaires étrangères a mis en garde contre l’utilisation des réserves à des fins autres que la stabilité économique.
«L’Émirat islamique sera contraint d’imposer des amendes et d’interdire les activités de tous les individus, institutions et sociétés qui facilitent cette entreprise illégale et cherchent à détourner les réserves de la banque centrale à des fins humanitaires et autres», a-t-il déclaré.
La DAB a également critiqué le projet de transfert de ses réserves en Suisse. Elle a déclaré qu’il serait «inacceptable» que l’institution les utilise pour autre chose qu’une activité économique légitime, telle que la stabilisation du marché monétaire et la facilitation du commerce.