FootballLes trains le samedi en Angleterre, c’est génial
Les 99% des matches anglais, toutes divisions confondues, sont programmés à 15 heures locales. De quoi bien s’amuser dans les transports publics.
- par
- Robin Carrel
C’est une décision qui rend fou pas mal de fans de Premier League qui ont perdu le goût du déplacement ou qui veulent rentabiliser leur abonnement à un «network» payant. Ici, en Angleterre, il n’est pas possible de voir tous les matches de la 1re division en direct à la TV, le samedi à 15 heures, à 16 heures en Suisse, à moins d’aller se perdre sur des sites russes ou chinois bizarres. Il y a «black-out» sur tout le territoire et c’est une bonne nouvelle pour les caisses de tous les clubs du coin, qui jouent en même temps. C’est aussi un joli petit coup de pouce à une des plus belles devises du monde du sport: «Support your local club», soit «sois fan de l’équipe de chez toi».
Du coup, tous les supporters doivent se précipiter dans les stades, pour être sûrs de voir les leurs jouer, quel que soit le niveau dans lequel ils évoluent. Même le pub local ne vous sera d’aucun secours. Ça peut paraître absurde quand en Suisse, en France, en Chine, au Pakistan ou à la Terre de Feu ces matches sont visibles. Mais si les Anglais faisaient tout comme tout le monde, ça se saurait depuis longtemps. Et les fans des formations de divisions inférieures n’ont ainsi pas de scrupules à aller supporter les leurs par collines - il n’y a pas tant de montagne en Grande-Bretagne… - et par vaux, car pas de risque de manquer les directs de Manchester United, Chelsea ou Liverpool, qui ne seront de toute façon pas sur leur télé.
Cette tradition du déplacement est observable dans les trains anglais qui, malgré leur vilaine réputation à l’international depuis que le réseau public a été ouvert à la concurrence, restent pas mal fiables, finalement. Foi de celui qui passera près de deux mois cumulés dans la Perfide Albion en tout et pour tout en 2023. J’ajoute qu’en faisant l’aller-retour entre Manchester et Burnley samedi, pour aller vainement tenter d’interviewer Zeki Amdouni au terme de la rencontre contre Crystal Palace (0-2), j’ai pris un bon petit pied à voir des supporters d’un tas de clubs cohabiter dans les transports publics.
Dans le train, il y avait forcément des fans de la troupe de Roy Hodgson, venus de Londres. Il y avait aussi les «expatriés» de Burnley qui faisaient leur pèlerinage à Turf Moor pour l’occasion. J’ai aussi croisé à la gare un thuriféraire de Halifax Town, mais je ne sais pas si son équipe jouait vraiment ce samedi, comme d’ailleurs pour cette dame d’un certain âge affublée d’un bonnet et d’une écharpe du Bury FC, équipe de North West Counties Premier Division.
À la gare de Manchester Victoria, à l’aller, j’ai également vu un grand-père sur le départ pour un match de Coupe d’Angleterre à Valley Parade et y voir son club être éliminé par Wycombe (1-2) sur un autobut. Dans les transports publics mancuniens, sur le retour en direction de la ville où Éric Cantona est érigé au rang de Dieu vivant – le joueur, pas le chanteur –, les suiveurs de Manchester United commençaient à arriver au compte-gouttes de Londres, où les Red Devils avaient vaincu in extremis Fulham (0-1). Mais il y avait aussi les fans de City, qui fêtaient encore leur victoire habituelle, ainsi qu’une petite flopée de gens de Bournemouth, aux joues rougies par la gifle prise à l’Etihad Stadium (6-1).
Sérieux, là où en Suisse il faut faire des trains spéciaux pour les fans, fermer la moitié d’une ville pour faire passer un cortège de supporters, inventer des itinéraires de bus pour aller poser les ultras devant la bonne porte avant de scanner leurs têtes, grillager les stades pour éviter les affrontements, je vous promets que c’est du bonheur. Et là encore, j’ai évité les sujets qui fâchent, comme ces trains de telle ou telle équipe qui ne doit pas passer par telle ou telle ville pour pas que les gars bourrés ne lancent des trucs par la fenêtre sur un parcours quand il a eu l’outrecuidance de traverser une ville «rivale» ou encore comme ces rencontres fortuites sur des aires d’autoroutes…
Après, en Angleterre, le retour n’est pas toujours simple, hein. J’ai quand même croisé des gars à près de 600 km de chez eux, avec encore trois connexions à assurer, qui se versaient des topettes de whisky dans leur canette de bière, alors qu’ils avaient laissé les consonnes sur le quai de la gare à l’aller déjà. Mais il y a clairement un «vivre ensemble» au niveau des fans de football qui détonne avec ce qu’on peut voir chez nous, où des acharnés du SLO et du LS avaient quand même réussi un jour à se mettre dessus. C’est dire.