Session parlementaireChalets et rustici illégaux: le National veut la prescription après 30 ans
Le Chambre du peuple a accepté une motion de sa commission demandant que les bâtiments construits illégalement hors zones à bâtir ne doivent plus être démolis après ce délai.
- par
- Christine Talos
Les chalets, rustici, granges et autres dépôts construits illégalement en dehors des zones à bâtir ne doivent pas être démolis après un délai de 30 ans. C’est ce qu’a décidé jeudi le National, emmené par sa majorité de droite. Il a accepté par 92 voix contre 84 une motion en ce sens de la commission. Celle-ci demandait l’introduction d’une prescription, comme c’est déjà le cas aujourd’hui pour les constructions illégales situées dans les zones à bâtir.
Cette demande faisait suite à une décision du Tribunal fédéral d’avril dernier. Le TF avait confirmé, dans le cas d’un dépôt illégal situé dans une zone agricole lucernoise, que certains bâtiments illégaux datant d’avant 1983 devaient être rasés. «Ce jugement, très sévère, a donné lieu à une discussion sur les constructions anciennes, érigées sans permis de construire», a expliqué Christine Bulliard-Marbach (Centre/FR) au nom de la commission. Elle a précisé que le plus souvent il s’agissait de petites constructions en zone agricole, comme des greniers à foin, ou de petits abris de pâturage. Il y en aurait 600’000 dans toute la Suisse.
Égalité de traitement
Pour la commission, une même prescription de 30 ans pour les deux zones permet une égalité de traitement. En outre, «si les cantons ou les communes ne sont pas en mesure de contester une construction illégale hors zone à bâtir dans un délai de 30 ans, c’est que les autorités n’ont tout simplement pas assumé leurs responsabilités», a ajouté Mike Egger (UDC/SG), également au nom de la commission. Celle-ci estime aussi que les autorités seront déchargées de questions juridiques et de procédures fastidieuses et que la sécurité juridique y gagnerait. En outre, «il serait difficile de clarifier les circonstances effectives de la construction après une durée de plus de 30 ans pour les greniers à foin ou autres constructions similaires», a ajouté Christine Bulliard-Marbach.
«Dans l’arrêt du TF, il s’agissait de différentes constructions d’une entreprise de construction, comme un atelier, qui devaient être éliminées. Il ne s’agit donc pas de petites constructions érigées un jour sans autorisation», a rétorqué Ursula Schneider Schüttel (PS/FR) au nom de la minorité. En outre, la séparation des zones constructibles et non constructibles est un principe fondamental de l’aménagement du territoire, a-t-elle rappelé. L’élimination des constructions illégales sert à faire respecter ce principe de séparation.
«Pourquoi ce besoin de protéger un acte illégal?»
«La lutte contre les constructions est une tâche exigeante, c’est un travail de longue haleine, très désagréable pour les autorités, qui se heurtent parfois à l’hostilité, voire aux menaces», a reconnu la conseillère fédérale Simonetta Sommaruga. «Pourtant c’est leur tâche de veiller à ce que les citoyens construisent de manière légale et que ceux qui construisent sans autorisation ne soient pas privilégiés». Selon la ministre, introduire une prescription augmentera massivement la charge de travail des autorités qui devront vérifier non seulement si la construction est illégale mais si en plus c’est prescrit. «Vous n’y gagnerez rien si ce n’est que vous finirez par récompenser ceux qui ont construit illégalement. Ce n’est pas acceptable dans un État de droit», a-t-elle plaidé.
La Bernoise a essuyé un feu nourri de questions, parfois émotionnelles, de la droite. L’UDC lui a ainsi demandé pourquoi il pouvait y avoir prescription pour un assassinat mais pas pour une construction illégale. Incrédule, Simonetta Sommaruga lui a retourné la question: «pourquoi éprouvez-vous un tel besoin de protéger un acte illégal? Protégeons ceux qui respectent le droit!» En vain.
Le Conseil des États doit encore se prononcer.