Qatar 2022La Croatie est-elle invincible aux tirs au but?
Entre la Coupe du monde 2018 en Russie et celle du Qatar, les Croates se sont montrés infaillibles quatre fois de suite dans cet exercice si particulier. Les Argentins sont prévenus.
- par
- André Boschetti
La première demi-finale de la Coupe du monde 2022 mettra aux prises la Croatie à l’Argentine, ce mardi (20h). Deux équipes qui ont en commun d’avoir arraché leur billet pour le dernier carré grâce à une séance de tirs au but brillamment gagnée contre, respectivement, le Brésil et les Pays-Bas.
Un exercice très particulier que nombre d’observateurs comparent souvent à une loterie. Sauf si l’on est Croate ou, peut-être, que l’on se retrouve face à eux lors d’une séance de tirs au but. Pour résumer l’extraordinaire taux de réussite de Luka Modric et Cie, il suffit de faire parler les chiffres. Entre le Mondial 2018 et cette édition, au Qatar, la Croatie s’est déjà retrouvée à quatre reprises dans cette situation si stressante avec comme enjeu une qualification pour le tour suivant. Et à chaque fois elle en est ressortie avec le sourire.
Un série historique commencée en huitième de finale, face au Danemark, le 1er juillet 2018. En partie à cause, il est cocasse de le souligner, d’un penalty raté par Luka Modric en deuxième mi-temps. Malgré deux nouveaux penalties manqués, les Croates l’emportent 3-2 face aux Danois. Six jours plus tard, rebelote contre la Russie avec un seul penalty manqué par les tireurs croates, cette fois. Avant de s’incliner (2-4) face à la France en finale, les Vatreni avaient quand même eu recours aux prolongations pour éliminer l’Angleterre (2-1).
A Doha, les joueurs de Zlatko Dalic empruntent le même parcours tortueux pour progresser dans le tableau puisqu’ils ont d’abord franchi l’écueil japonais aux tirs au but (une frappe ratée sur quatre) avant de renvoyer les Brésiliens chez eux de la même façon. Mais, cette fois, en réussissant leurs quatre tentatives. Comme quoi la Croatie est encore parvenue à s’améliorer au fil des séries jusqu’à atteindre la perfection face à la Seleçao.
Entraîneur de gardiens renommé en Suisse et ailleurs – il distille depuis quelques années ses précieux conseils au Belge Thibaut Courtois – Thierry Barnerat apporte son éclairage sur cet exercice souvent redouté. «En ce qui me concerne, je n’ai jamais utilisé le terme de loterie pour évoquer les tirs au but. Je pense qu’il s’agit plutôt d’un duel psychologique entre deux personnes où il n’y a pas de recette magique pour l’emporter. Il suffit de regarder les comportements opposés de l’Argentin Martinez et du Croate Livakovic pour s’en convaincre. Autant le premier est un gardien énergique, qui bouge avant la frappe, autant le second reste impassible sur sa ligne de but. Deux attitudes qui ont comme objectif de perturber le tireur.»
Cette petite guerre des nerfs concerne naturellement aussi les tireurs avant qu’ils ne s’élancent. «Certains joueurs, continue le Genevois, défient du regard le gardien en le fixant droit dans les yeux, alors que d’autres préfèrent ne regarder que le but après avoir placé le ballon sur le point de penalty. Ils se concentrent exclusivement sur l’endroit où il vont tirer, sans tenir compte du gardien. Ce dernier pourrait presque céder sa place à un autre sans que cela ne les perturbe.»
Gérer les émotions
Comme le rappelait encore Didier Deschamps récemment, tirer un penalty sans pression à l’entraînement ou dans un stade plein avec la fatigue en plus et un énorme enjeu à la clé, ce sont deux exercices incomparables. Les émotions, et la capacité de chacun à les gérer au mieux, comptent bien sûr énormément, confirme Thierry Barnerat. «Il n’y a qu’à voir le deuxième penalty frappé par Harry Kane contre la France en quarts de finale pour s’en convaincre. Cela dit, je pense que l’une des forces de la Croatie est de beaucoup travailler ses tirs au but à l’entraînement. Lors de cette dernière séance contre le Brésil, trois des quatre frappes étaient à ras-de-terre et très proches du poteau. Soit les tirs les plus difficiles à arrêter pour un gardien.»
Fortes de ses quatre séances réussies de suite, la Croatie partirait-elle avec un petit avantage psychologique sur les Argentins en cas d’épilogue similaire, mardi soir? «Avant la rencontre certainement, estime l’instructeur FIFA. Parce que les Croates n’auront pas peur du tout d’affronter cet exercice. Mais si on devait arriver à cette issue mardi, le seul avantage des tireurs croates serait alors la confiance accumulée individuellement par ceux qui ont marqué contre le Japon et le Brésil dans cet exercice. C’est tout. Sinon, ce sera à nouveau un duel psychologique entre deux personnes, avec l’énorme pression d’avoir une partie de la qualification pour une finale de Coupe du monde entre ses pieds. L’aptitude de chaque tireur à gérer ses émotions sera la clé du succès.»
Toujours menée au score
Avant d’en arriver à cet extrême que peu d’amateurs de football souhaitent, les deux équipes auront 90, voire 120 minutes de jeu pour faire la différence. Un genre de match à haut enjeu où, dit-on, prendre l’avantage est souvent synonyme d’option importante sur la victoire finale. Sauf pour la Croatie bien sûr. Finale 2018 contre la France exceptée, les Vatreni ont en effet toujours été menés à un moment ou à un autre de leurs matches avant d’obtenir, à quatre reprises, le droit de déterminer leur destin aux tirs ou but. Voire de le retourner en leur faveur comme contre l’Angleterre en Russie. Tout simplement hallucinant.