ÉclairageLa vieille théorie du sang juif de Hitler
Le chef de la diplomatie russe Sergueï Lavrov s’est fait l’écho de la théorie du sang juif de Hitler qui remonte aux années 1930 déjà. Selon l’historien Claude Quétel, elle n’a jamais été étayée.
- par
- Eric Felley
Le chef de la diplomatie russe Sergueï Lavrov a causé la réprobation quasi générale en parlant du sang juif d’Adolf Hitler, dimanche devant des médias italiens. Selon Moscou, l’opération militaire russe vise à «dénazifier» l’Ukraine. Mais son président Volodymyr Zelensky fait valoir qu’il est lui-même juif et ne peut tolérer le nazisme en Ukraine. «Je peux me tromper, a dit Lavrov, mais Hitler avait aussi du sang juif». Autrement dit, il n’y aurait pas de contradiction à être juif et se comporter comme un nazi.
Avant la prise de pouvoir de 1933
Le magazine «L’Express» a interrogé l’historien Claude Quétel, qui vient de publier un ouvrage intitulé «Hitler, Vérités et légendes» qui évoque cette théorie complotiste vieille de 90 ans. Les rumeurs sur le sang juif de Hitler sont apparues avant la prise de pouvoir de Hitler en 1933. Elles étaient propagées par certains de ses adversaires: «Ils suggéraient que le racialisme de Hitler exprimé dans «Mein Kampf» s’expliquait par le fait qu’il voulait exorciser une prétendue ascendance juive. Depuis, cette rumeur, reprise par Sergueï Lavrov, revient de manière sporadique. Les historiens ont démontré que rien ne permettait de l’étayer et qu’elle était fausse».
Un milieu de fermiers catholiques
Ces rumeurs se basaient sur le fait que l’ascendance d’Adolf Hitler comportait une inconnue au sujet de son grand-père, qui aurait pu être juif. Mais l’identité de ce grand-père n’a jamais pu être déterminée avec certitude. Pour Claude Quétel: «La théorie du grand-père de Hitler qui serait juif tient d’autant moins qu’Aloïs Hitler (son père) appartient à un milieu de fermiers et de serviteurs, où tout le monde est catholique».
Une instrumentalisation antisémite de l’Histoire
Après la guerre, certains ont ressorti cette théorie avec divers arguments. Selon les uns, le fait qu’Adolf Hitler avait une ascendance juive expliquait la défaite des nazis. Pour d’autres c’est la honte qu’il éprouvait de cette ascendance juive, qui l’a motivé à persécuter les Juifs. Pour Claude Quétel, l’utilisation de cette théorie par Sergueï Lavrov est une instrumentalisation de l’Histoire: «Il y a cette idée antisémite qu’il y aurait pire que le fait que Hitler soit nazi: qu’en plus il serait juif».