Ado prostituée en France«J’attendais que le calvaire se finisse, qu’on me retrouve, pour ne pas mourir»
Devant la cour à Nanterre, une jeune femme a raconté son calvaire il y a neuf ans, lorsque d’anciennes amies l’ont séquestrée et forcée à vendre son corps durant trois jours.

Les accusés comparaissent libres sous contrôle judiciaire.
AFPSa voix est fluette, ses souvenirs embués. Neuf ans après les faits, une jeune femme de 24 ans a raconté mercredi devant la cour d’assises à Nanterre les trois jours de «calvaire» lors desquels trois femmes sont accusées de l’avoir séquestrée et prostituée, et trois hommes de l’avoir violée.
«Une question que je me pose encore aujourd’hui»
Silhouette menue, en jean foncé et veste en cuir blanc, la jeune femme déroule son récit en perdant parfois le fil chronologique. L’histoire est ponctuée de sanglots, de «je ne me souviens pas» et de «je ne sais plus». En fugue au moment des faits, la victime, alors âgée de 15 ans, avait rejoint en région parisienne deux anciennes amies, Danaé K. et Wendy H., 21 et 22 ans, avec qui elle s’était disputée par le passé pour des «histoires de garçons». Toutes les trois sont hébergées par Christel W., 43 ans. «D’abord, l’ambiance était normale. Pourquoi les choses ont dégénéré ? C’est une question que je me pose encore aujourd’hui», explique la jeune femme, appuyée des deux mains à la barre.
Danaé K., Wendy H. et Christel W. sont accusées d’avoir retenu la victime dans un appartement de Meudon (Hauts-de-Seine), l’obligeant sous la menace de coups à avoir des relations sexuelles avec des hommes contactés à cet effet. Les trois femmes sont jugées pour séquestration «avec torture ou actes de barbarie», complicité de viol et proxénétisme, aux côtés de Mahfoudh M., Mouloud B. et Raymond A., jugés pour viol. Tous comparaissent libres sous contrôle judiciaire.
«Syndrome post-traumatique»
Face à la cour, la jeune femme raconte des coups, des insultes, des menaces au couteau, des rapports sexuels forcés, dont elle ne parvient pas à se souvenir en détail. D’après l’enquête, des relations sexuelles tarifées ont été initiées par les accusées dans l’optique de rembourser le coût d’un serrurier, appelé selon elles par la faute de la victime.
- «Elles m’ont offerte à des hommes pour rembourser une facture», murmure la jeune femme.
- «Vous avez vu de l’argent circuler ?» demande la présidente.
- «Je ne sais pas. Je gardais tout le temps la tête baissée.»
Un expert psychologue qui l’avait rencontrée quelques mois après les faits a décrit mercredi une jeune fille «tourmentée», souffrant d’un «syndrome post-traumatique» mais qui ne s’est «pas écroulée». Les «symptômes de stress» et les «réminiscences» sont «toujours intenses», a noté une seconde experte, qui a rencontré la victime quelques mois avant le procès.
«Je n’avais que 15 ans, j’étais jeune, perdue»
Lors de l’enquête, les accusées avaient souligné que la jeune fille n’avait pas cherché à quitter l’appartement alors que la porte n’était pas verrouillée. «A l’âge que j’ai maintenant, j’aurais pu m’enfuir. Sur le moment, je n’avais que 15 ans, j’étais jeune, perdue. J’attendais que le calvaire se finisse, qu’on me retrouve, pour ne pas mourir», raconte la jeune femme, aujourd’hui mère de trois enfants qu’elle dit «sur-protéger du monde extérieur».
Plusieurs photos de la victime prises après les faits au commissariat de police ont été projetées mercredi devant la cour: la jeune fille a le visage gonflé, les yeux cernés d’hématomes foncés. L’adolescente souffrait par ailleurs d’une plaie au tympan, d’hématomes sur les fesses et de lésions gynécologiques. En début de semaine, Wendy H. avait dit sa «honte» à la cour, face à des faits «horribles». Christel W. a dit vivre «dans le remord depuis dix ans». Danaé K. «regrette ce qu’il s’est passé» et «a conscience de la gravité des faits», avait affirmé à la barre un expert psychiatre l’ayant examinée. Le verdict est attendu vendredi.