Conflit Israël-GazaL’Égypte s’oppose à un déplacement des Palestiniens au Sinaï
Le président égyptien, Abdel Fattah al-Sissi, voit dans un possible déplacement massif de Palestiniens vers son pays «la fin de la cause palestinienne» et un risque «sécuritaire» vis-à-vis d’Israël.
En recevant le chancelier allemand Olaf Scholz au Caire, le président égyptien, Abdel Fattah al-Sissi, a tenu son discours le plus virulent depuis le début de la guerre entre Israël et le Hamas, déclenchée après une attaque surprise du mouvement islamiste, le 7 octobre.
Le conflit a fait des milliers de morts des deux côtés et un million de déplacés dans le petit territoire palestinien, pilonné par Israël depuis douze jours. Une majorité d’entre eux sont réfugiés dans le Sud, près de l’Égypte.
«En finir avec la cause palestinienne aux dépens des pays voisins»
Pousser les Palestiniens à quitter leur terre est «une façon d’en finir avec la cause palestinienne aux dépens des pays voisins», a lancé Abdel Fattah al-Sissi. «L’idée de forcer les Gazaouis à se déplacer vers l’Égypte mènera à un déplacement similaire des Palestiniens de Cisjordanie», territoire occupé par Israël, «et cela rendra impossible l’établissement d’un État de Palestine».
«Si je demande au peuple égyptien de sortir dans les rues, ils seront des millions pour soutenir la position de l’Égypte», qui a décrété trois jours de deuil pour les victimes de la frappe qui a tué, dans la nuit, des centaines de personnes dans un hôpital de Gaza.
Aide bloquée par «les bombardements israéliens»
Par ailleurs, alors que le monde réclame l’ouverture du terminal de Rafah entre l’Égypte et Gaza, il a redit que son pays ne l’avait «pas fermé». L’aide est bloquée par «les bombardements israéliens». Son chef de la diplomatie, Sameh Choukri, a affirmé, mardi, que quatre frappes israéliennes en une semaine avaient blessé «quatre employés égyptiens qui participaient à des réparations».
Depuis des jours, des centaines de camions sont bloqués dans le désert égyptien du Sinaï, alors que l’Organisation mondiale de la santé affirme désormais qu’à «chaque seconde où nous attendons l’aide médicale, nous perdons des vies» parmi les 2,4 millions de Gazaouis.
L’Égypte est face à un dilemme: laisser sortir les Palestiniens, avec le risque qu’Israël interdise tout retour, ou fermer leur unique ouverture sur le monde non tenue par Israël et les laisser sous les frappes incessantes.
«C’est à Israël de garantir la sécurité des civils à Gaza»
Le Caire accepte de «recevoir les Gazaouis les plus vulnérables, ceux qui ont besoin de soins», comme c’était le cas jusqu’avant la guerre, «mais on ne transférera pas la responsabilité d’Israël à l’Égypte». «En tant que force occupante, c’est à Israël de garantir la sécurité des civils» de Gaza, a expliqué Sameh Choukri.
À la question de créer de nouveaux réfugiés palestiniens – 760’000 ont fui ou ont été expulsés lors de la création d’Israël, en 1948 –, s’ajoute pour l’Égypte la question sécuritaire. «En déplaçant les Palestiniens dans le Sinaï, on déplace la résistance et le combat en Égypte», a dit Abdel Fattah al-Sissi. Et si des attaques des groupes armés palestiniens sont lancées depuis l’Égypte, «Israël aura alors le droit de se défendre et frappera le sol égyptien».
Alors, la paix signée entre Israël et Égypte en 1979 – faisant du Caire le premier pays arabe à reconnaître l’État hébreu et donc l’un des plus grands bénéficiaires de l’aide militaire américaine – «va fondre entre nos mains».
Dans un désert israélien plutôt que dans le Sinaï
Récemment, un ex-responsable israélien avait appelé l’Égypte à «jouer le jeu» en montant des camps de tentes «temporaires» pour les Palestiniens dans «l’espace presque infini» du Sinaï. «Si l’idée, c’est le déplacement forcé, il y a le Negev», un désert du sud d’Israël, a rétorqué, mercredi, Abdel Fattah al-Sissi. «Et Israël pourra les renvoyer ensuite à Gaza s’il le veut.»