Moyen-OrientTensions en Iran avant la fin du deuil de 40 jours pour Mahsa Amini
Des étudiants ont manifesté mardi dans plusieurs universités en Iran, où les tensions restent vives à la veille de cérémonies attendues pour le 40e jour suivant la mort de Mahsa Amini.
«Les étudiants sont prêts à mourir mais pas à vivre dans l’humiliation», ont scandé des manifestants à l’université Shahid Chamran à Ahvaz, dans le sud-ouest de l’Iran, selon une vidéo diffusée en ligne et vérifiée par l’AFP.
Jeunes femmes et écolières, beaucoup tête nue, ont été à l’avant-garde de la contestation déclenchée par la mort de Mahsa Amini le 16 septembre. Cette Iranienne de 22 ans était décédée trois jours après son arrestation à Téhéran par la police des mœurs qui lui reprochait d’avoir enfreint le code vestimentaire strict de la République islamique, imposant notamment le port du voile pour les femmes.
La répression des protestations a fait au moins 141 morts, dont des enfants, selon un nouveau bilan révélé mardi par l’Iran Human Rights (IHR), une ONG basée à Oslo.
Par ailleurs, la ville de Zahedan, dans la province du Sistan-Baloutchistan (sud-est), l’une des plus pauvres d’Iran, a été touchée par plusieurs jours de violences déclenchées le 30 septembre lors de manifestations contre le viol d’une jeune fille imputé à un policier, qui ont fait au moins 93 morts selon l’IHR.
Mardi, deux membres des Gardiens de la Révolution, l’armée idéologique de l’Iran, ont été tués par balle par des inconnus à Zahedan, selon l’agence de presse Tasnim. Ces décès portent à huit le nombre de membres des forces de sécurité tués au Sistan-Baloutchistan.
Menaces
De nouvelles manifestations ont eu lieu mardi dans plusieurs villes iraniennes, pour dénoncer la répression exercée par les forces de sécurité, accusées d’avoir battu la veille des écolières. Des images partagées sur les réseaux sociaux montraient des étudiants manifestant à Téhéran, notamment à l’université Beheshti et l’Université de technologie Khaje Nasir Toosi.
Dans des images publiées mardi par l’ONG Hengaw, des patrouilles des forces de l’ordre étaient déployées sur des rues menant vers Saqqez au Kurdistan.
Selon la même source, deux figures du foot iranien, le légendaire buteur Ali Daei et le gardien Hamed Lak, se trouvent actuellement dans la ville, «souhaitant être présents au 40e jour du deuil» après la mort de Mahsa Amini. Ce jour aura lieu mercredi, et marquera la fin de la période de deuil traditionnelle en Iran.
Selon des militants, les forces de sécurité ont mis en garde les parents de la jeune femme contre l’organisation de toute cérémonie de commémoration, notamment sur sa tombe au Kurdistan, sa province d’origine, allant jusqu’à menacer «la vie de leur fils».
L’agence de presse officielle Irna a publié mardi soir un communiqué citant la famille de Mahsa Amini et affirmant: «Compte tenu des circonstances et afin d’éviter tout problème malheureux, il n’y aura pas de cérémonie marquant le 40e jour (après la mort) de notre bien-aimée». Une déclaration faite sous pression, selon des militants des droits humains qui s’attendent mercredi à des hommages sur la tombe de la jeune femme.
Des étudiantes «battues»
Lundi, des vidéos circulant en ligne ont montré les forces de sécurité réprimant violemment un rassemblement de jeunes Iraniennes à l’extérieur d’une école pour filles à Téhéran. «Des étudiantes de l’école Shahid Sadr à Téhéran ont été attaquées, fouillées et battues», a rapporté le média en ligne 1500tasvir.
Au moins une étudiante de 16 ans, Sana Soleimani, a été hospitalisée, selon ce média qui recense les violations des droits humains imputées aux forces de sécurité. «Les parents ont manifesté plus tard devant l’école. Les forces de sécurité ont attaqué le quartier et tiré sur les maisons des riverains», a ajouté 1500tasvir.
Selon le ministère de l’Éducation, un différend a éclaté entre les écolières, leurs parents et le personnel de l’école, après que le principal les a sommées de remettre leurs téléphones portables pour les contrôler. «Nous nions fermement la mort d’une étudiante dans cet affrontement», a déclaré un porte-parole du ministère, cité par l’agence de presse Isna.
Inculpations
Lundi soir, des manifestants sont descendus dans les rues du quartier de Salsabil où ont eu lieu ces incidents, brûlant des poubelles, selon des vidéos que l’AFP n’est pas parvenue à authentifier. «Mort au dictateur», «Mort aux Gardiens de la Révolution», criaient des femmes qui manifestaient dans des stations de métro de Téhéran, selon des vidéos partagées sur Twitter.
Toujours dans la capitale, des étudiants ont hué le porte-parole du gouvernement Ali Bahadori Jahromi alors qu’il prononçait un discours à l’université Khaje Nasir, dans une vidéo publiée par le média réformateur Hammihan.
L’Autorité judiciaire a comptabilisé plus de 300 manifestants inculpés à Téhéran depuis le début de la contestation et quatre ont été accusés d’une infraction passible de la peine de mort. Les médias d’Etat ont par ailleurs annoncé mardi que plus de 210 autres manifestants ont été inculpés au Kurdistan (ouest), à Qazvin et à Ispahan (centre), accusés d’«atteinte à la sécurité», de «propagande» et d’«agression contre les forces de l’ordre». 105 personnes ont également été inculpées dans la province du Khouzestan, dans le sud-ouest de l’Iran, selon l’agence Irna, citant l’autorité judiciaire locale.