Un outil pour connaître l’impact carbone d’une fondue ou du chauffage

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RéchauffementUn outil pour connaître l’impact carbone d’une fondue ou du chauffage

Des chercheurs de l’EPFL ont mis au point un site qui, par un jeu de comparaison, vous apprend quels sont les gestes du quotidien qui produisent le plus ou le moins de CO₂.

Michel Pralong/Comm
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Préparer 4 portions de fondue libère 38 fois moins de CO₂ que boire de l’eau en bouteille de PET recyclé pendant un an, mais deux fois plus qu’acheter pendant un an de bananes cultivées en Colombie et expédiées par bateau en Suisse.

Préparer 4 portions de fondue libère 38 fois moins de CO₂ que boire de l’eau en bouteille de PET recyclé pendant un an, mais deux fois plus qu’acheter pendant un an de bananes cultivées en Colombie et expédiées par bateau en Suisse.

Getty Images/iStockphoto

De nombreuses idées fausses circulent sur les solutions les plus efficaces pour diminuer notre impact sur le réchauffement climatique. Afin de mieux comprendre comment les gens perçoivent la portée de leurs actions quotidiennes, deux chercheurs de l’EPFL, Victor Kristof et Lucas Maystre, du Laboratoire de la dynamique de l’information et des réseaux de la Faculté informatique et communications (IC), ont lancé Climpact, un outil interactif.

«Nous voulions appliquer des modèles statistiques pour étudier comment les gens perçoivent l’empreinte carbone de leurs actions, par exemple boire de l’eau en bouteille plastique représente quelle quantité d’émissions? C’est une question très difficile. La plupart des gens n’en ont sans doute aucune idée. Le modèle que nous avons développé convertit les comparaisons de l’empreinte carbone de différentes actions en une échelle absolue. Nous pouvons ainsi comparer la perception à celle de l’empreinte carbone réelle», explique Victor Kristof.

En se rendant sur la page de Climpact, l’utilisateur est invité à répondre à une cinquantaine de questions. Pas besoin d’aller jusqu’au bout, il peut arrêter à tout instant et aller voir les résultats et les données. Plus il y a de réponses, plus la perception des gens sur telle ou telle action est affinée.

Une mauvaise perception du chauffage

On apprend par exemple que préparer 4 portions de fondue libère 38 fois moins de CO₂ que boire de l’eau en bouteille de PET recyclé pendant un an ou que laver sa vaisselle à la main en utilisant la méthode des deux éviers pendant un an libère 24 fois moins de CO₂ que d’aller faire du ski en hélicoptère. Ou encore que faire un aller-retour en train de Zurich à Prague libère 2 fois plus de CO₂ que regarder une saison entière de «Game of Thrones» sur Netflix en HD. Le nombre de réponses possibles est très (trop?) vaste, mais une description de chaque action donne une première idée et, ce qui est intéressant à la fin, c’est d’imaginer une proportion approximative qui peut s’avérer très éloignée de la réalité.

Par exemple, chauffer sa maison au mazout à 21 °C dégagerait 128 kilos de CO₂ par an, selon la perception des gens. Mais en réalité, c’est 2977 kilos, soit près de 3 tonnes. Les bâtiments sont responsables d’environ un tiers des émissions de CO2 en Suisse par le chauffage et la consommation générale d’énergie. Cet outil Climpact est présenté alors que le 18 juin, les Suisses voteront sur la loi sur le climat. Elle vise à réduire la consommation nationale de pétrole et de gaz, à produire davantage d’énergie localement et à faire en sorte que la Suisse atteigne la neutralité carbone d’ici 2050. La loi prévoit une aide financière à celles et ceux qui remplacent leur ancienne chaudière au fioul, au gaz ou à l’électricité.

Sensibiliser le grand public

«Nous espérons montrer aux pouvoirs publics que nombreuses sont les personnes à sous-estimer l’impact de certaines de leurs actions qui ont une empreinte carbone importante», comme le chauffage des logements, explique Victor Kristof. «Nous pensons que c’est très important de sensibiliser le grand public à ce sujet.»

Le duo de chercheurs a commencé en 2019 à créer un jeu de données d’actions comme prendre l’avion, manger de la viande ou chauffer son logement. La tâche la plus difficile a été de trouver les informations sur la quantité d’émissions de carbone produites par des actions spécifiques. «Ce que l’on trouve très souvent, c’est une approche descendante, fait remarquer Victor Kristof. Les 45 millions de tonnes de CO₂ produites chaque année par la Suisse sont divisées par ses 8 millions d’habitants pour obtenir un nombre de tonnes de carbone par habitant, mais cela ne révèle pas grand-chose sur les détails de la vie quotidienne des gens et sur la manière dont ils peuvent réduire leur impact», poursuit-il.

Les chercheurs ont alors commencé à travailler avec Jérôme Payet et une équipe d’étudiants de Master de la Faculté de l’Environnement Naturel, Architectural et Construit (ENAC) de l’EPFL pour créer un jeu de données plus complet de l’empreinte carbone de 52 actions selon une méthodologie solide d’analyse du cycle de vie, avec une approche action par action. «Par exemple, plutôt qu’un nombre général par habitant, pour un trajet en train, nous avons pris en considération la source d’énergie, les wagons, les voies ferrées, la gare, tout.» Ce jeu de données, compilé par Blanche Dalimier, Alexis Barrou et Edouard Cattin, a obtenu le Prix Durabilis 2021.

Ils ont ainsi calculé que l’empreinte carbone moyenne d’un citoyen ou d’une citoyenne suisse est de 11,6 tonnes de CO₂, par an ce qui confirme les résultats d’autres sources faisant appel à des méthodologies différentes.

Aucune emprise dans beaucoup de domaines

Les résultats peuvent sensibiliser le public à leurs actions, mais les chercheurs rappellent qu’il y a beaucoup d’éléments sur lesquels les gens n’ont tout simplement pas les moyens d’agir. «Les gouvernements et les entreprises ont une grande responsabilité pour faire avancer les choses dans la bonne direction grâce à leurs politiques et à leurs pratiques. Pour certains secteurs comme l’éducation, les soins de santé et les loisirs, c’était très difficile d’obtenir des données précises. Si vous allez au restaurant ou dormez une nuit à l’hôtel, vous n’aurez pas la moindre idée des émissions carbone produites. Ce n’est pas du tout transparent et cela indique que nous avons besoin de faire davantage de recherches dans ces secteurs pour obtenir des données précises.»

D’autres éléments ont potentiellement un impact important sur la façon dont nous gérons la crise climatique. Victor Kristof a invité les gens à y réfléchir: «Où placez-vous votre argent, quelle banque avez-vous choisie, quelle est sa politique en matière de climat? Votez-vous et, si oui, pour qui? Participez-vous à des initiatives locales ou faites-vous partie d’associations? Il s’agit d’actions douces dont l’empreinte carbone est pratiquement impossible à mesurer, mais qui ont potentiellement le plus grand impact sur sa diminution.»


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