Hockey sur glaceÉmotions aux Vernets: c’était la fête à «Gogo»
Goran Bezina, qui aura porté le No 57 durant quinze saisons avec GE Servette, a été retiré pour l’éternité. Le défenseur a été touché. Si Berne a gâché la fête en s’imposant 3-1, l’essentiel était ailleurs.
- par
- Christian Maillard Genève
«On a toujours été honnêtes vous et moi, je vous aime de tout mon cœur!» Et le Parterre Nord de lui réserver un tonnerre d’applaudissements avec des fans de GE Servette, qui lui ont chaleureusement retourné le compliment, de scander son prénom et des tifos à son effigie, avec ce numéro inoubliable. «Merci Goran pour tout ce que tu as fait!»
Séquence émotions vendredi soir aux Vernets. 19 h 30 et des poussières, les lumières s’éteignent. Le match contre Berne attendra. C’est l’heure pour toute la patinoire de rendre hommage à Goran Bezina. Le Valaisan de 42 ans qui a disputé en 15 saisons 738 matches avec le maillot grenat, dont dix ans comme capitaine, a été honoré de la plus belle des manières pour un hockeyeur à la carrière exceptionnelle. 407 points, 283 passes décisives, 942 minutes de pénalité: personne n’a fait mieux que lui dans l’histoire de ce club qui lui a tout donné.
GE Servette a en effet retiré définitivement le numéro 57 de l’ancien défenseur des Genevois pour le hisser proche du plafond comme on l’avait fait pour Fritz Naef, Daniel Clerc, Eric Conne, Jean-François Regali, Philippe Bozon et Igor Fedulov avant lui. C’est une tradition venue d’Amérique du Nord qu’on réserve aux joueurs d’exception, qui ont marqué un club durant une période. Le 57, qui n’avait jamais été porté avant qu’il ne débarque à Genève en 2004, ne sera désormais plus jamais dans le dos d’un Servettien.
C’est forcément très ému et touché, en compagnie de sa compagne, de ses trois enfants, sa famille, ses nombreux amis et quelques anciens joueurs - qui ont eu l’honneur de jouer avec lui - que «Gogo» a vécu cette belle cérémonie à guichets fermés. «Quand je suis arrivé dans le tunnel qui mène à la glace, au début je n’étais pas loin des larmes, avoue cet homme sensible. J’ai dû me retenir pour ne pas m’effondrer mais une fois que j’ai pris le micro, tout allait mieux. Avec toute cette émotion, de revoir cette patinoire comble, mon numéro 57 partout, c’était magnifique et je remercie le club, le public, tout le monde. Je n’ai que de bons souvenirs ici et je leur en serai toujours reconnaissant.»
Hasard du calendrier, l’adversaire des Genevois, ce vendredi soir, était la dernière équipe contre laquelle Goran Bezina avait joué en grenat, le 21 mars 2019, jour de son 39e anniversaire; une partie qui avait duré 118 minutes pour se terminer sur un but d’Arcobello à 0 h 54 sur une amère défaite lors de ce 6e acte des quarts de finale de play-off. «C’est une équipe où il y a toujours eu une grande histoire avec Genève», sourit le jeune retraité, qui avait convié tous ses anciens coéquipiers du GSHC, enfin une bonne partie d’entre eux. «Mais, s’excuse-t-il, ils ne sont pas tous là sinon ils auraient été 120 avec moi!»
On a même croisé (forcément) Chris McSorley, lui qui avait fait venir le Valaisan aux Vernets et qui travaille avec lui au HC Sierre pour le projet de la nouvelle patinoire. Mais dans une loge. Pas sur la glace où aurait été sa place. Les dirigeants de GE Servette, qui sont toujours en procès avec l’Ontarien, ne l’ont pas voulu ainsi, ils ne l’auraient pas supporté. Dommage. Qu’à cela ne tienne, l’ex-entraîneur a pu retrouver son capitaine et une bonne partie de ses anciens joueurs plus tard dans ce pub qui a longtemps porté son nom.
C’était après que GE Servette ne s’incline face à cette formation bernoise venue gâcher la fête des Grenat. «J’aime énormément cette équipe de Genève cette saison, elle a le potentiel pour aller jusqu’au bout, estime cet éternel grenat. À part ce soir, Omark et ses copains arrivent souvent à tourner un match en quelques minutes, c’est fou!» Fou, comme ce vendredi pas comme les autres où on retiendra surtout l’hommage mérité à un homme que personne ne va oublier de sitôt. Surtout ceux qui l’ont côtoyé.
Portier du CP Berne, Daniel Manzato, élu meilleur joueur de son équipe vendredi soir, ne tarit pas d’éloges. «J’étais super content de faire partie de cette soirée-là et d’être titularisé dans la cage, a apprécié le Vaudois. Avec Goran, j’ai quand même une relation particulière puisqu’il a été mon camarade de chambre en équipe nationale durant plusieurs championnats du monde. C’est toujours un plaisir de le revoir. Quand il m’a remis mon prix après le match, il m’a dit qu’il fallait qu’on profite de ce moment-là car c’était certainement la dernière photo sur la glace ensemble. Goran c’était la joie de vivre, un grand monsieur. J’ai bien aimé ce qu’il a dit dans son discours. À savoir qu’en bout de ligne, il y a des victoires et des défaites, mais que le plus important ce sont des amitiés comme celle-ci qui resteront toujours.» Joli témoignage d’un gardien qui côté cœur ressemble beaucoup au Valaisan.
Tandis que Tristan Scherwey en a aussi eu «des frissons» et «énormément de respect pour lui» après la cérémonie, Romain Loeffel, qui l’a côtoyé durant quatre saisons et demie aux Vernets, a eu énormément de plaisir à vivre ce moment aussi magnifique. «Ç’a toujours été un bon gars qui a tout donné sur la glace et en dehors une très belle personne avec laquelle je m’entendais très bien, renchérit le Neuchâtelois de la PostFinance Arena. Il peut être fier de sa carrière et c’est pleinement mérité qu’on lui retire son maillot pour tout ce qu’il a fait pour ce club. Chapeau à Gogo. Peut-être qu’on leur a gâché la soirée en nous imposant mais on n’était pas venus pour leur faire plaisir…»
Peu importe finalement, l’essentiel était ailleurs.