Bilan annuel«Les puissants savent toujours profiter d’une bonne crise»
Pour l’Union syndicale suisse, les bas et moyens revenus ont été les plus touchés par la crise du Covid. Elle demande qu’au lieu de baisser les impôts des hauts revenus, l’État soulage les travailleurs en baissant les primes maladie notamment.
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Pierre-Yves Maillard s’en est pris vertement aux milieux de droite.
VQHLa crise du Covid a engendré une perte du pouvoir d’achat qui a surtout touché les ménages aux revenus faibles ou moyens. Il faut donc impérativement les soulager, a exigé mardi l’Union syndicale suisse dans sa conférence de presse annuelle à Berne. Pour le coup, en 2022 l’USS va se battre contre l’appauvrissement de la classe moyenne via toute une série d’initiatives. Elle va lutter aussi contre les baisses d’impôts que souhaitent accorder aux plus riches le Conseil fédéral et le parlement.
«La lutte contre la pandémie laisse derrière elle de considérables dégâts sociaux et économiques», a relevé le président de l’USS, Pierre-Yves Maillard. Elle laisse aussi une ardoise considérable de plusieurs dizaines de milliards de francs pour la collectivité. «Naïvement, certains ont pensé que cette crise rendrait nos sociétés plus solidaires. C’était une illusion ou un mensonge. Les puissants savent toujours profiter d’une bonne crise», a-t-il critiqué.
«Une recette néolibérale vieille de 30 ans»
Le Vaudois a fustigé la droite, qui veut accorder des baisses d’impôts aux actionnaires et aux grandes entreprises via la suppression du droit de timbre soumis au vote des Suisses le 13 février, mais aussi l’abolition de l’impôt anticipé. Des cadeaux fiscaux qui s’élèvent à près de 3 milliards de francs, a-t-il relevé. Cela alors que le Conseil et le Conseil fédéral prévoient des réductions de prestations dans l’AVS et des baisses de rentes dans le 2e pilier. «C’est une recette néolibérale vieille de 30 ans qui refait surface: moins les gens aisés sont taxés, mieux la société se porte», a critiqué Pierre-Yves Maillard. «Au début de la législature, on avait l’impression qu’il y avait moyen de faire des compromis en vue d’un progrès social, mais depuis le milieu de la législature on sent que ce n’est plus possible», a-t-il déploré.
Daniel Lampart, économiste en chef et premier secrétaire de l’USS, a relevé que la crise a laissé des traces essentiellement auprès des bas revenus, des jeunes et des seniors. «Pour les plus de 60 ans, le taux de chômage reste plus élevé qu’avant le Covid, et les 15-24 ans sont 25’000 de moins à exercer une activité lucrative», a-t-il souligné. Autre constat inquiétant: le nombre d’emplois peu sûrs, soit le travail temporaire, a augmenté de 10% l’an dernier.
Salaires à la traîne et primes toujours plus lourdes
Pour beaucoup de gens, il est de plus en plus difficile de nouer les deux bouts. Les salaires n’ont augmenté que de 0,2% en termes réels entre 2016 et 2022. Un salarié sur six ne touche pas de 13e salaire. Et la charge que représentent les primes des caisses maladie pour les bas et moyens revenus s’est encore alourdie et est devenue insupportable pour beaucoup, a souligné Daniel Lampart.
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En 20 ans, les hauts salaires ont profité de baisses d’impôts (sur le revenu et anticipé), alors que la charge des ménages à bas ou moyen revenu s’est alourdie, avant tout à cause des primes individuelles des caisses-maladie.
USSCette année, le système suisse des trois piliers de la prévoyance vieillesse fête ses 50 ans. À la base, il devait permettre de maintenir le niveau de vie à la retraite. «Mais nous nous éloignons toujours plus de cet objectif constitutionnel. L’AVS n’assure plus le minimum vital et les rentes du 2e pilier ne cessent de baisser. Les futurs retraités auront donc toujours moins pour vivre», a déploré Gabriela Medici, première secrétaire adjointe de l’USS, en fustigeant la «virulence» des attaques contre le 1er et le 2e pilier.
Et de s’en prendre aux employeurs et à la droite accusée de vouloir relever l’âge de la retraite à 67 ans pour tout le monde. «En réalité, c’est «Faites ce je dis, pas ce je fais», car les personnes qui peuvent se le permettre prennent, elles, leur retraite plus tôt», a-t-elle critiqué. «Il est piquant de constater que la branche du crédit et des assurances affiche un taux de retraite anticipée de 50% plus élevé que la moyenne générale en Suisse», a-t-elle relevé.
2022, année de la démocratie directe
L’USS estime dès lors qu’il est urgent que les quelque 3 milliards de francs de baisses d’impôts prévus pour les plus riches soient utilisés plutôt à réduire les primes maladie. Il faut aussi mieux aider les plus de 60 ans à retrouver un emploi via les ORP. La faîtière des syndicats exige aussi une augmentation générale des salaires ainsi qu’un 13e salaire pour tous, sans oublier des conventions de travail qui fixeront des salaires minimums décents.
«Cette année 2022 sera celle de la démocratie directe et de la mobilisation, affirme Pierre-Yves Maillard. C’est la seule réponse possible face à ce qui se déroule devant nous. Nous essaierons, avec les Suisses, de redonner du bon sens au parlement et d’amener les partis de droite à négocier et à chercher des solutions équilibrées.»