TennisHumeur: le Masters s’est tiré une balle dans le pied
La plus belle affiche de la semaine, Medvedev – Sinner (21h), se jouera pour beurre à cause d’une règle inique. Le Masters de Turin n’avait pas besoin d’un tel autogoal.
- par
- Mathieu Aeschmann
Pour sa première édition du Masters, Turin est en train de faire tout faux en matière de programmation; bien aidé par l’ATP, gardienne de la règle la plus inique de son tournoi phare. On s’explique. Ce jeudi soir aurait dû avoir lieu le «match pop-corn» de la semaine: un Medvedev – Sinner qui aurait enflammé le Pala Alpitur et réuni tous les amateurs de tennis de la planète devant leur petit écran. Ce duel entre le vainqueur de l’US Open et celui à qui l’on promet une moisson de titres du Grand Chelem promettait énormément. Du talent, de l’intensité et une place en demi-finale face à Djokovic en jeu pour le prodige italien… Sauf que non, Jannik Sinner (ATP 11) entrera sur le court éliminé. Alors qu’il n’a pas perdu le moindre set!
Comment une telle absurdité est-elle possible? Pour rappel, Jannik Sinner est entré dans ce Masters lors de la deuxième journée, en remplacement de son compatriote Matteo Berrettini, blessé. Un état de faits contre lequel l’organisation ne peut rien. C’est donc ensuite que les choses sont devenues grotesques. Dans une forme éblouissante, Jannik Sinner profita de l’aubaine, mardi, pour corriger Hubert Hurkacz (6-2, 6-2) et s’offrir ainsi une chance de qualification pour les demi-finales en cas de deuxième victoire, jeudi, face à Medvedev… Enfin, c’est ce qui aurait dû arriver.
En remportant son troisième match jeudi après-midi, toujours face à Hurkacz (6-2, 6-4), Alexander Zverev s’est en effet assuré la deuxième place du groupe (derrière Medvedev); éliminant ainsi un Sinner invaincu. Au final, Jannik Sinner peut donc battre Medvedev ce soir (même 6-0, 6-0), il possédera le même nombre de victoires que l’Allemand et un plus grand nombre de sets gagnés mais restera derrière lui. Par quelle astuce réglementaire? Au Masters, en cas d’égalité de victoires entre deux joueurs, c’est le nombre de matches joués qui l’emporte sur le nombre de sets et de jeux remportés. En résumé, un joueur invaincu avec deux victoires doit laisser sa place à celui qui a gagné deux matches et perdu le troisième. Drôle d’équité sportive.
Après avoir laissé ses joueurs dans un flou douteux avec son classement rétroactif, l’ATP prouve ici qu’il a du pain sur la planche en termes d’équité. Mais le pire, c’est que cet autogoal aurait pu être évité avec un peu de bon sens programmatique. En inversant les parties du jour, premier et deuxième match (Zverev – Hurkacz) auraient eu à coup sûr un enjeu sportif (le Polonais étant encore en situation de se qualifier). Sauf que pour des raisons faciles à deviner, l’organisation a accédé au souhait des télévisions en programmant le match phare en prime time… au risque de faire un double flop.
Déjà privé de Federer, de Nadal, de Thiem, mais aussi des animateurs de la fin de saison (Sinner, au départ, Alcaraz, Murray), décapité de Berrettini et Tsitsipás en cours de route, ce Masters de transition ne méritait pas pareille mascarade. Les organisateurs ne pourront s’en prendre qu’à eux-mêmes si le public choisit de regarder ailleurs en attendant les demi-finales de samedi.