MœursRarissime: le TF annule l’acquittement d’un violeur présumé
Le Tribunal fédéral (TF) désavoue la justice valaisanne. Et renvoie sa copie à l’autorité cantonale pour rejuger cette affaire.
- par
- Evelyne Emeri
Acquitté une fois, deux fois, mais pas trois. La parole libérée et, partant, la notion du consentement des victimes font leur chemin et ont clairement été entendues par les juges du Tribunal fédéral (TF). Ce dernier vient d’admettre le recours de la plaignante et de renvoyer l’affaire en jugement. Dans son arrêt, la Cour suprême insiste sur l’appréciation arbitraire des faits par le Tribunal cantonal valaisan, alors que des vidéos des relations complètes entre les deux partenaires ont été filmées. Pour le TF, leur retranscription «ne prête nullement à équivoque quant à la perception de l’intéressée, qui avait alors clairement et distinctement exprimé, par ses paroles, son opposition à se soumettre à des actes d’ordre sexuel».
Vidéos accablantes
En novembre 2018, le Tribunal des districts de Martigny et de St-Maurice avait libéré l’abuseur présumé des chefs d’accusation de séquestration, de contrainte, de viol et de contrainte sexuelle. Et l’avait condamné à 15 mois ferme pour lésions corporelles simples, dommages à la propriété, injures, conduite sans autorisation ainsi que pour infractions à la loi fédérale sur les armes et à la loi fédérale sur les stupéfiants. Une peine ferme que le Tribunal cantonal valaisan avait réduite en février 2021 à 10 mois avec sursis, balayant également toutes les infractions liées aux abus sexuels. La victime valaisanne (33 ans aujourd’hui) avait alors recouru au TF contre le nouvel acquittement de son ex-compagnon (52 ans) en deuxième instance.
Les faits – ainsi que retenus par la Cour cantonale elle-même – remontent à janvier 2016. Ils se sont déroulés au domicile du prévenu à Martigny. Dans cette affaire, il y a davantage que la parole de l’un contre la parole de l’autre. Il y a ces films qui ont été tournés par l’accusé contre le gré de la plaignante. La Valaisanne y tient des propos qui laissent peu de place au doute. Notamment: «T’es vraiment un malade… Tu sais ce que ça s’appelle ça? C’est du viol… T’es grave, tu te rends compte que c’est du viol?» Lui: «Non je te viole pas». Elle: «A peine ouais. J’te viole pas. Séquestrée». Son conjoint l’a ensuite enfermée dans son logement et a quitté les lieux. La victime a essayé de s’échapper par une fenêtre à laquelle elle est restée suspendue. Alertés par ses cris, des voisins ont alors alerté la police. Le Valaisan a été détenu provisoirement du 25 janvier 2016 au 4 mars 2016.
Absence de consentement
Le Tribunal fédéral affirme «qu’au regard des propos clairs énoncés par la recourante au moment des faits, la cour cantonale ne pouvait pas, sauf à verser dans l’arbitraire, retenir que son opposition n’avait pas été perceptible par l’intimé. De même, dans la mesure où il est établi qu’elle avait exprimé son absence de consentement de manière suffisamment reconnaissable par ses paroles, il ne pouvait pas lui être opposé de ne pas s’être débattue ou encore de ne pas s’être manifestée par des cris ou des pleurs pendant les actes, le renoncement de la recourante à une opposition physique s’expliquant par la peur ressentie en raison des réactions potentiellement violentes de l’intimé lorsqu’il était contrarié.»
Pas de jeu sexuel
Enfin, la Cour suprême considère «qu’aucun élément ne permet de supposer que les propos de la recourante étaient intervenus dans le cadre d’un jeu sexuel qui aurait été pratiqué par les protagonistes, l’intimé ne s’en étant en tout cas pas prévalu». Pour les juges fédéraux, l’auteur présumé «devait être également condamné pour contrainte sexuelle et viol, les agissements en cause portant également sur une contrainte à subir l’acte sexuel». Le dossier est renvoyé au Tribunal cantonal à Sion qui va devoir rejuger le Valaisan en tenant compte des considérants de l’arrêt du TF.