StreamingNetflix veut nous plonger dans les coulisses de ses films
Le géant du streaming sort un commentaire audio du film «Glass Onion» et multiplie les bonus, mais manque encore d’audace.
- par
- Christophe Pinol
De plus en plus, face à la prolifération des plateformes de streaming, les cinéphiles doivent se résoudre à voir les supports physiques, DVD et Blu-ray, se réduire comme peau de chagrin. Si la version dématérialisée d’un film offre effectivement quelques avantages (prix, encombrement…), on y perd en tout cas l’un des atouts majeurs de ces bonnes vieilles galettes: les bonus vidéo.
Adieu les suppléments – pléthoriques pour certains titres – qui nous permettaient de plonger dans les coulisses d’un film, prolonger le plaisir éprouvé et assouvir notre soif de curiosité. À peu d’exceptions près, les plateformes n’ont jamais voulu emprunter cette voie. Du moins jusqu’ici…
Car Netflix est gentiment en train de poser des jalons dans le domaine. Pour l’instant encore timidement mais ses efforts sont prometteurs.
Le réalisateur s’explique
La semaine passée, la plateforme avait justement annoncé sur Twitter l’arrivée d’un commentaire audio du réalisateur Rian Johnson pour son film «Glass Onion: une histoire à couteaux tirés», avec Daniel Craig dans le rôle du détective Benoit Blanc. Histoire de fêter, deux mois après sa mise en ligne initiale, le succès du film, devenu le 4e le plus regardé de l’histoire de la plateforme. Rappelons que le premier volet, «A couteau tirés», était sorti en salles en 2019 et que Netflix a déjà commandé l’écriture d’un troisième opus.
Ce bonus, Netflix n’ayant pas pris la peine de préciser, sur son Tweet, où il serait exactement disponible, tout le monde avait imaginé le retrouver dans les options audio et sous-titrage du long métrage… Or, le jour dit, c’est en réalité via un podcast, disponible sur Spotify ou sur le site Netflix, que le supplément avait été mis en ligne, en catimini, provoquant ainsi l’irritation de ceux qui le cherchaient désespérément sur la plateforme, et la déception des non anglophones qui avaient espéré pouvoir trouver sur celle-ci des sous-titres dans leur langue.
Manque de panache
Pourtant, niveau contenu, le commentaire audio remplit parfaitement son office… On regrette de ne pas trouver Daniel Craig aux côtés du réalisateur mais on y apprend bon nombre d’anecdotes amusantes sur les coulisses du film: le pourquoi du caméo surprise d’Ethan Hawke, la problématique de la reproduction des peintures, notamment celle de La Joconde, ou encore l’inspiration vestimentaire qu’Edward Norton est allé chercher du côté du personnage campé par Tom Cruise dans «Magnolia». Non, ce qui nous chagrine, c’est bien l’aspect «bricolage» de cette mise en ligne. Il faut d’abord télécharger le fichier, puis le lancer, par exemple sur son smartphone, et au moment où le réalisateur nous fait signe – d’un claquement de doigts –, enclencher alors la lecture du film sur Netflix… Était-ce vraiment si compliqué d’inclure une piste audio distincte sur la plateforme?!
En fin de compte, on se demande surtout si l’entreprise au N rouge n’a tout simplement pas cédé aux caprices d’un réalisateur clairement obnubilé par les commentaires audio. Parce que Rian Johnson n’en est pas à son coup d’essai, dans le genre. Pour trois de ses précédents films (dont le premier «A couteaux tirés»), il avait même déjà proposé ce type de bonus alors que ses longs métrages étaient encore exploités en salles. Sur le même principe, les spectateurs pouvaient télécharger un fichier podcast et l’écouter ensuite au casque au cinéma, en revoyant le film.
Dès l’arrivée de «Glass Onion» sur Netflix, le cinéaste avait d’ailleurs promis à ses fans de sortir un commentaire audio dédié. «Même si c’est juste moi qui enregistre mon propre truc, je vais trouver un moyen de le diffuser», avait-il annoncé au site TheWrap. Et aujourd’hui, le géant du streaming se contente de le prendre au mot, sans panache…
Visite virtuelle au top
Pourtant, la plateforme venait de démontrer qu’elle savait aussi mettre les petits plats dans les grands, question bonus. Pour accompagner la sortie du film de Rian Johnson, elle a en effet publié une impressionnante carte 3D interactive de l’île privée, perdue en pleine mer Égée, où sont rassemblés tous les protagonistes. On y retrouve les lieux emblématiques de la propriété du milliardaire Miles Bron dans le cadre d’une visite virtuelle très complète donnant accès à une quantité d’interviews, making-of et autres anecdotes pour dévoiler l’envers du décor. Daniel Craig nous y apprend notamment que le costume arboré par son personnage quand il débarque sur l’île est inspiré de celui de Jacques Tati dans «Les vacances de Monsieur Hulot».
Alors ne nous leurrons pas: l’attention toute particulière portée à «Glass Onion» n’est pas innocente. Le premier film est une production Lionsgate, Netflix avait allongé la somme colossale de 450 millions de dollars pour en racheter les droits après son succès en salles et entend maintenant bien exploiter le filon. Mais ce n’est pour autant pas la seule fiction à bénéficier de ce type de bonus.
Making of en pagaille
En témoignent les making-of récemment mis en ligne, cette fois directement sur la plateforme, d’«Athena» (qui revient sur les sidérants plans-séquences du long métrage de Romain Gavras), du film de guerre «A l’ouest rien de nouveau», couronné de sept Bafta le mois passé, ou encore des séries «1899» et «Mercredi». Et celui consacré au «Pinocchio» de Guillermo Del Toro est une petite merveille qui nous permet de réaliser l’ampleur phénoménale du travail d’animation effectué avec les marionnettes et les décors.
En complément, on pourra même faire un saut sur la chaîne YouTube de Netflix France pour découvrir son émission dédiée au cinéma, «Netflix Club», animée par les humoristes Jonathan Lambert et Morgane Cadignan, ainsi que la youtubeuse Clara Runaway. La dernière en date est justement consacrée au long métrage de Guillermo Del Toro. L’équipe y avait reçu Georgina Hayns, responsable des marionnettes du film, qui revient en détail sur tous les aspects de son travail. Un éclairage vraiment intéressant, loin du simple exercice promo.
La firme de Reed Hastings multiplie donc les sujets pour offrir aux fans un éclairage particulier sur ses contenus les plus porteurs. De manière encore trop sporadique, comme on le soulignait plus haut, mais les exemples sont bien là. Reste maintenant à espérer que le phénomène prenne de l’ampleur, et s’étende notamment à d’autres plateformes… Prime Video et Disney+ ont d’ailleurs déjà pris le train en marche, le premier en proposant notamment un making-of des «Anneaux du pouvoir» et le second, en option au «Nightmare Alley» de l’incontournable Guillermo Del Toro, une version alternative en noir et blanc.