Débat sur le prix de l’essence«Croyez-vous vraiment que crier sur vos collègues va les convaincre?»
Le Conseil national a refusé la proposition de l’UDC de réduire les taxes sur l’essence, malgré l’énergie déployée lors des débats qui ont été vigoureux.
- par
- Yannick Weber
Comment faire pour que, quand les prix augmentent et que les salaires stagnent, la population puisse toujours consommer autant? C’est la question à laquelle l’UDC a soumis le Conseil national jeudi, après avoir fait chou blanc face au Conseil des États lundi. La session a donné lieu à une belle foire d’empoigne.
Fougueux, Benjamin Giezendanner (UDC/AG) s’est lancé dans un plaidoyer pour la baisse des taxes sur l’essence. «Quand on arrive à la station-service et qu’on voit les prix, c’est l’horreur», a-t-il dit. Il a été énergique et virulent à tel point que Philippe Nantermod (PLR/VS) a demandé la parole pour une question: «Est-ce que vous croyez vraiment que crier sur vos collègues va les convaincre?» «Ne rien faire aujourd’hui n’est pas une option. Vous avez la possibilité de montrer à la population que vous en avez quelque chose à faire», a insisté l’Argovien.
L’UDC a souvent eu les yeux tournés vers l’étranger. «Nos pays voisins ont déjà réagi, eux…», a critiqué Walter Wobmann (UDC/SO). Michael Töngi (Vert/LU) a tenté la relativisation: quand on voit les bouchons au Gothard, on se demande si c’est à ce point l’horreur pour les automobilistes, a-t-il suggéré, ce à quoi Thomas Aeschi (UDC/ZG) a rétorqué que nombre de ceux qui y étaient coincés venaient de l’étranger… là où l’essence est moins chère.
Ne pas aller trop vite en besogne
Le Centre a été pris à partie. «Vous êtes un parti gouvernemental, c’est quoi, vos propositions concrètes? On ne les a pas entendues», a sèchement demandé Magdalena Martullo-Blocher (UDC/GR). «Madame, il ne faut pas surréagir. Actuellement, l’inflation globale est estimée à 2%. On appelle ça une stabilité des prix. Vos propositions ne sont pas bonnes», a répondu Léo Müller (LC/LU).
«Dans la tempête, le capitaine doit rester calme. Les prix fluctuent et l’État n’a pas toujours à intervenir, en tout cas pas à la hâte», a aussi exprimé Damien Cottier (PLR/NE), qui a rappelé que l’inflation suisse est plus basse qu’ailleurs.
Loyers et primes pires que les carburants
La gauche a aussi pris la parole. «Il y a une inflation dont vous ne parlez pas, et elle ne date pas d’il y a deux mois, c’est celle des loyers et des primes!» a tonné Samira Marti (PS/BL), accusant l’UDC de voter systématiquement contre les mesures destinées à soulager la classe moyenne pour laquelle elle se présentait aujourd’hui en sauveuse.
Samuel Bendahan (PS/VD), lui, a critiqué les sociétés pétrolières et la baisse des taxes. «Partout où les prix de l’essence augmentent, ce sont aussi les marges de ces entreprises qui augmentent. Votre mesure, c’est un chèque à Esso, Shell, Total et Tamoil. C’est exactement ce qui se passe en Allemagne, qui a baissé les taxes sur l’essence et où les marges augmentent», a-t-il dit.
Un peu d’histoire
Quant à Beat Flach (Vert’lib/AG), interrogé au sujet des personnes qui n’ont pas le choix de prendre leur voiture pour aller travailler, il s’est replongé dans le passé et a appelé les employeurs à une participation, pourquoi pas financière. «Dans les années 1970, lors de la crise pétrolière, je me souviens que l’entreprise de ma mère affrétait un bus qui allait chercher les employés afin qu’ils n’aient pas à prendre leur voiture», a-t-il raconté.
Toutes les propositions de l’UDC ont donc été refusées. Celle sur la baisse des taxes sur l’essence l’a été par 132 voix contre et 53 pour. Les partis ont voté en bloc, sauf quatre électrons libres, dont trois Romands. Les deux centristes valaisans Sidney Kamerzin et Benjamin Roduit ont voté pour. Il en a été de même pour le tout nouvel arrivé vaudois, le PLR Daniel Ruch, qui a soutenu la proposition.