Guerre en Ukraine : Bakhmout, la petite ville où les troupes russes avancent encore 

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Guerre en UkraineBakhmout, la petite ville où les troupes russes avancent encore

Sur le front est de l’Ukraine, Bakhmout est l’une des dernières villes où les forces russes, ailleurs en repli, progressent encore. 

Des barrières antitank à Bakhmout, dans la région de Donetsk, le 12 octobre 2022.

Des barrières antitank à Bakhmout, dans la région de Donetsk, le 12 octobre 2022. 

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La petite ville de Bakhmout (70'000 habitants avant la guerre) réverbère depuis toutes les collines autour, le bruit régulier des obus, des frappes entrantes et sortantes. Alors que partout l’armée russe est sur un mouvement de repli, Bakhmout est devenue, selon le président ukrainien Zelensky, le point le «plus difficile» pour les forces ukrainiennes, qui restent sur ce secteur en position défensive.

«Zone grise» 

Les soldats ukrainiens contrôlent toujours la moitié ouest et nord de la ville, ont constaté samedi des journalistes de l’AFP. Dans le centre, une ligne de démarcation, marquée par des croisillons de fer et des blocs de béton, a été érigée. A partir de là, c’est le «point zéro», la ligne de front ukrainienne et plus personne ne passe. Derrière, dans le reste de l’agglomération et à sa sortie, c’est la «zone grise», où les combattants russes ou leurs soutiens mènent l’offensive.

Les forces séparatistes de la région de Donetsk, soutenues par la Russie et à la manœuvre dans cette bataille, ont fait un bond à l’est et au sud, profitant de la proximité de leur base arrière avec la ville de Donetsk à 100 km. Jeudi, elles ont annoncé avoir pris les deux faubourgs voisins, Opytine et Ivangrad. 

Face à face rapproché

Depuis, les craintes d’une infiltration des forces russes dans la partie est de la ville, y compris de mercenaires du groupe paramilitaire Wagner, selon une note du renseignement britannique, sont renforcées. Et la bataille, selon les combattants ukrainiens interrogés par l’AFP, a viré en face à face rapproché avec ces milices supplétives.

Ça « commence quand il fait sombre. Vers 18h ils envoient des premiers commandos de reconnaissance», explique Anton, dit «Poliak», soldat ukrainien de 50 ans de la 93e brigade, de retour du front après une blessure légère et un état d’épuisement. Mais ces soldats, qu’il appelle avec amertume «à usage unique», sont des recrues sans expérience, assure-t-il, «qu’ils envoient sous nos balles» pour «faire diversion», pendant que les commandos de sabotage russes, décrits comme plus expérimentés, manœuvrent plus loin. 

Tension et fatigue

«D’ici 5h du matin, on a sept ou huit attaques (de diversion) comme celles-là», explique-t-il. Après quatre nuit et quatre jours, sans dormir, «Poliak», chauffeur de poids-lourd dans sa vie d’avant, reconnaît avec la tension et la fatigue avoir eu des «hallucinations».

Une nuit, son unité a ouvert le feu, croyant déceler un commando russe dans la lunette de vision nocturne. Au petit matin, ils ont compris qu’ils avaient tiré sur des bûches de bois. Depuis, le groupe parti dans la tranchée à 13 hommes, et revenu à 11, dont 5 blessés, a été mis au repos. 

Défier les bombardements

Dans le centre encore sous contrôle ukrainien, après deux mois de combats actifs, chaque bâtiment, quand il tient encore debout, porte un stigmate: des vitres cassées, une toiture arrachée par une explosion. Les civils vivent dans leurs caves, défient les bombardements pour se procurer de quoi manger, boire, se chauffer, charger un téléphone sur un générateur collectif ou s’aérer quelques minutes.

Dans Bakhmout, il n’y a plus d’eau ni de gaz et l’électricité a été coupée il y a dix jours pour de bon. Le réseau téléphonique, par miracle, tient encore. Un marché, avec quelques denrées disposées sur des planches de bois, permet aussi de s’approvisionner. 

«On ne peut même plus enterrer les gens!»

Une vieille femme de 80 ans, tenant un tuyau pour bricoler son poêle à bois, est postée dans la rue en état de choc. «On ne peut même plus enterrer les gens!», se lamente-t-elle. «Ma sœur est sous les débris (après une frappe) depuis la nuit du 12 au 13 octobre. Personne ne peut venir la récupérer. J’erre. Je ne sais pas où aller», explique cette ancienne apicultrice.

«Mes abeilles sont quelque part dans la forêt, livrées à elles-mêmes. Nous aussi nous sommes livrées à nous-mêmes», conclue-t-elle en explosant en sanglots.

(AFP)

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