Pays basquePercée électorale pour les héritiers de l’ETA politique
Le parti séparatiste de gauche EH Bildu a réalisé dimanche une percée électorale historique, lors d’un scrutin régional au Pays basque.
Considéré comme l’héritier de la branche politique d’ETA, le parti séparatiste de gauche EH Bildu a réalisé dimanche une percée électorale historique lors d’un scrutin régional au Pays basque (nord de l’Espagne), sans toutefois parvenir à se hisser en tête comme le prédisaient les sondages.
Cette formation est ainsi passée de 21 à 27 sièges sur 75 au sein du parlement régional et détient donc le même nombre de députés que le Parti nationaliste basque (PNV), parti conservateur qui domine la vie politique régionale depuis des décennies.
Le PNV, qui perd quatre sièges mais a recueilli près de 30’000 voix de plus, est toutefois assuré de conserver le pouvoir dans cette riche région industrielle, peuplée de 2,2 millions d’habitants et dotée d’énormes compétences (santé, éducation, police, prisons…).
Selon les analystes, la coalition actuellement au pouvoir dans la région entre le PNV et les socialistes du premier ministre espagnol Pedro Sánchez, arrivés troisièmes du scrutin, devrait en effet être reconduite. «Le PNV a gagné les élections» et va «donc prendre la responsabilité de former le gouvernement» régional, a déclaré son président Andoni Ortuzar.
Stratégie gagnante
Six ans après la dissolution en 2018 d’ETA, tenue pour responsable de la mort de plus de 850 personnes en quatre décennies de violences, EH Bildu a mené une stratégie électorale gagnante, en mettant au deuxième plan ses revendications indépendantistes pour se focaliser sur les questions sociales, l’écologie, le féminisme…
Ce parti, toujours dirigé par un ancien membre d’ETA, Arnaldo Otegi, a bénéficié en particulier d’un fort soutien parmi les plus jeunes, qui ont peu ou pas vécu dans une société basque meurtrie par la violence d’ETA.
Bildu «parle de changement climatique, de féminisme, de logement et est en phase avec les inquiétudes des plus jeunes, une génération qui commence à voter et n’a pas connu le terrorisme» d’ETA, juge Eva Silvan, politologue à la tête du cabinet de conseil Silvan&Miracle au Pays basque.
«Pas de géant»
«Aujourd’hui, nous avons fait un pas de géant. Nous entrons dans une nouvelle ère» au Pays basque, a déclaré dimanche soir Pello Otxandiano, le candidat aux régionales de la formation qui espère un jour parvenir à se hisser au pouvoir dans la région. «Nous allons continuer à travailler humblement, comme toujours, pour ce peuple», a dit pour sa part Arnaldo Otegi.
En dépit de la volonté de Bildu de ne pas parler du passé, ETA est revenu cette semaine au centre de la campagne lorsque Pello Otxandiano, a refusé de qualifier l’organisation séparatiste armée de groupe «terroriste». Face aux condamnations unanimes de la classe politique espagnole, il a fini par demander «pardon» mais sans toutefois changer de position sur le fond.
«Dette»
Ce scrutin régional, très suivi dans le pays, plaçait le Parti socialiste de Pedro Sánchez dans une position inconfortable d’arbitre entre le PNV et Bildu, qui sont deux alliés indispensables de son gouvernement minoritaire au Parlement à Madrid.
Les socialistes avaient toutefois, dès le début de la campagne, fermé la porte à une alliance avec Bildu si jamais ce dernier remportait le scrutin. EH Bildu «a une dette envers la société basque et tant que (ce parti) ne condamnera pas le terrorisme», les socialistes «ne signeront aucun type d’accord» avec lui au Pays basque, avait assuré le candidat socialiste aux régionales, Eneko Andueza.
L’alliance au Parlement espagnol entre Pedro Sánchez et Bildu lui vaut déjà les attaques incessantes de l’opposition de droite et d’extrême droite qui l’accuse de «blanchir» les «héritiers d’ETA». En décembre, l’aide apportée par les socialistes à EH Bildu dans sa prise de contrôle de la mairie de Pampelune, capitale de la Navarre (nord), avait fait particulièrement enrager l’opposition.