BD - Le plus félin des détectives est enfin de retour

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BDLe plus félin des détectives est enfin de retour

Après 8 ans d’absence, Blacksad ressort du tunnel, mais pour mieux pénétrer dans ceux de New York pour une enquête comme toujours palpitante. Indispensable!

Michel Pralong
par
Michel Pralong

La bande-annonce du nouveau Blacksad

Dargaud/YouTube

Né en 2000, Blacksad est devenu en très peu d’albums un grand classique de la BD. Les aventures de ce chat détective privé réunissent l’excellence des scénarios dignes des meilleures polars des années 1950 à la virtuosité du dessin, surtout dans un univers zoomorphique, où tous les personnages sont des animaux. Mais depuis 2013, plus de nouvelles de ce grand dur au cœur tendre. Ouf, il est enfin de retour, avec «Alors, tout tombe» qui, pour la première fois, sera une histoire en deux parties.

Blacksad revient à New York après deux aventures en Louisiane et sur la route 66. Il va se retrouver au milieu d’un conflit entre les partisans du «tout pour l’automobile» et les supporters du métro. D’un côté, les personnages qui sont au sommet de la ville, incarnés par des oiseaux et ceux qui travaillent dans les tunnels, taupes et rats. Blacksad est engagé pour protéger celui qui fait le lien entre les deux, le chef du syndicat du métro, représenté judicieusement sous les traits d’une… chauve-souris. Il y a du Shakespeare, au propre comme au figuré dans cette aventure débordant de personnages extraordinaires. Un vrai régal comme toujours qui nous rappelle combien Blacksad nous avait manqué. Le dessinateur Juanjo Guarnido nous explique ce long silence et le plaisir qu’il a eu en retrouvant son héros chat.

«Avec Juan Díaz Canales, le scénariste, nous n’avons jamais eu envie d’arrêter Blacksad. Mais s’il a été aussi longtemps absent, c’est que nous nous sommes toujours permis de faire d’autres choses entre deux. Et cette fois, nos projets ont pris beaucoup plus de temps que prévu. La création et réalisation d’un clip musical des Freak Kitchen ainsi que l’album «Les Indes fourbes» (formidable!, ndlr) de mon côté. Et pour Juan la reprise de Corto Maltese, notamment. Mais il y a trois ans, il est revenu vers moi avec le scénario du nouveau Blacksad».

Weekly prend du galon

C’est donc le temps qu’il a fallu pour réaliser ce 6e tome et notamment changer pas mal de choses dans l’idée de base. «Il y avait beaucoup de situations qui ne me convenaient pas dans l’histoire. Juan me disait qu’il n’était pas forcément d’accord avec moi mais qu’il allait changer «parce que c’est toi qui vas la dessiner». Il a raison, il faut que le dessinateur adhère pleinement au récit qu’il met images. Ainsi, le journaliste Weekly joue un rôle bien plus important que prévu, c’est lui qui va suivre Solomon, le bâtisseur du pont, alors que c’est Blacksad qui le faisait dans la première version».

Qui choisit quel animal sera tel ou tel personnage? «C’est Juan essentiellement. Mais il peut aussi donner juste des indications dans son scénario, comme pour la foule de journalistes sur le pont, il a écrit «Animaux bruyants», donc j’ai fait un perroquet et un singe, notamment. Pour le personnage de la veuve de l’ancien chef du syndicat, cela devait être une souris dans la première version, genre Brisby dans le dessin animé de Don Bluth. C’est devenu une alpaga. J’ai eu un vrai modèle puisque j’avais pu photographier et dessiner au Pérou un alpaga du nom de Monica. Alors quand il a fallu imaginer Irina, j’ai tout de su que je l’avais déjà».

Donner des traits animaliers aux personnages amplifie leurs caractéristiques et leurs émotions. Les femmes de Guarnido sont émouvantes comme jamais, parce que si elles sont félines ou ont des yeux de biche, c’est parce qu’elles sont précisément des chattes ou des biches. Et il y a ce souci des costumes, comme le jeans et la Chemise à carreaux portés par Rachel et qui rappelle les films américains des années 1950, mais lesquels? «En fait, vous avez peut-être vu une femme habillée ainsi dans une publicité. Parce que je ne collectionne pas des planches de BD mais des illustrations des magazines de la première moitié du XXe siècle, qui me servent beaucoup dans mes récits».

New York comme personnage

Guarnido a éprouvé un plaisir fou à revenir à Blacksad, mais également de redessiner New York. «La ville est un personnage essentiel du récit, surtout celle-ci avec sa verticalité. Il est normal que les oiseaux y représentent les hommes de pouvoir. Solomon veut y construire un pont pour les voitures, parce qu’à l’époque elles sont le symbole de la liberté individuelle alors que ses adversaires ont une vision plus sociale de la ville et protègent donc les transports publics te le métro. Il y a cet épisode dans un salon de l’auto, avec des voitures très «science-fiction», débordant de chrome. C’est très agréable à dessiner».

Le récit est formidable, finissant sur une image hallucinante qui ne donne qu’une envie, connaître la suite. Mais il faudra attendre un an demi. «Nous avons pour la première fois choisi de raconter une histoire sur deux albums, parce que cela nous permet d’enrichir l’intrigue et de faire intervenir une foule de personnages. Je ne sais pas combien de nouveaux il y a dans ce tome, mais je pense que je n’en ai jamais créé autant. Alors bien sûr, il y a une frustration chez le lecteur de ne pas connaître la suite, mais d’un autre côté, cela nous pousse à la sortir le plus vite possible, S’il ne s’est jamais passé autant de temps entre les tomes 5 et 6, il n’y en aura jamais eu aussi peu entre le 6 et le7. Mais c’est nous qui décidons du rythme de parution car avec Juan nous voulons rester maîtres de Blacksad pour qu’il reste le personnage que nous aimons. Car c’est aussi celui que le public veut».

«Blacksad: Alors, tout tombe», Tome 6, de Díaz Canales et Guarnido, Éd. Dargaud, 60 pages.

«Blacksad: Alors, tout tombe», Tome 6, de Díaz Canales et Guarnido, Éd. Dargaud, 60 pages.

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