LangueLes anglicismes sont mal vus dans le Jura
Le Conseil de la langue française voit des questions linguistiques agiter la population jurassienne.
- par
- Vincent Donzé
C’est une prise de position qui fleure bon Roland Béguelin, le père spirituel du canton du Jura: le Conseil de la langue française a diffusé une communication sur l’usage du français qui condamne les anglicismes dans l’hôtellerie et la restauration.
Le Conseil de la langue française a été institué le 5 septembre 2011 en application de la loi concernant l’usage de la langue française adoptée par le Parlement jurassien le 17 novembre 2010. Il sert d’organe consultatif de l’État jurassien pour les questions linguistiques et fournit «soutien et outils» à l’administration et aux collectivités publiques «en vue de développer une réflexion de qualité sur le français et les questions de langue en général».
Déposée en 1985
La loi sur l’usage de la langue française fait suite à une motion déposée en 1985 par le député et père de l’indépendance Roland Béguelin, dans le but de promouvoir la langue française. À ce titre, le Conseil de la langue française «a perçu que des questions linguistiques occupaient et agitaient la population jurassienne ces dernières semaines».
Le Conseil de la langue française estime que sa propre existence témoigne d’un attachement «particulier» à la langue française. Il en veut pour preuve «les réactions face à l’utilisation de termes anglophones lorsque l’on a rebaptisé certains établissements, notamment dans le domaine de l’hôtellerie-restauration».
«Potentiel touristique»
Attention: le Conseil se réjouit «bien évidemment» que des investisseurs «croient au potentiel touristique de notre belle région» et «souhaitent développer l’offre ainsi que les infrastructures». Mais selon la loi concernant l’usage de la langue française, «l’usage du français doit être favorisé sur le territoire cantonal».
L’État jurassien promeut l’usage du français et soutient l’usage du français «par toute personne dans la sphère publique», dans le respect de la liberté économique.
Il va donc de soi que le Conseil de la langue n’a pas à intervenir et à se positionner dans la dénomination d’un bâtiment privé, mais il souhaite «inviter et encourager les personnes venant de l’extérieur du canton et qui souhaitent investir chez nous à être attentives à l’attachement des Jurassiens à la langue française» et à prendre en compte cet état de fait lorsqu’il s’agit de nommer ou renommer un lieu.
Importance considérable
«La langue française est consubstantielle à l’histoire et à l’identité du peuple jurassien et de ce fait, la dénomination des lieux en français revêt une importance considérable pour celui-ci», indique Valery Rion, président et membre du Conseil de la langue française.
À St-Ursanne, le nouveau propriétaire de l’Hôtel du Bœuf a provoqué un tollé l’été dernier en communiquant en anglais. Au Bœuf, le personnel parle français, mais il est écrit «Medieval Lodge» sur une oriflamme violet plutôt que «Loge médiévale».
Combat pour l’indépendance
«Peanut Medieval Lodge» plutôt que «Loge médiévale de cacahuète»? Sur la façade, l’inscription originale est intacte, mais dans le Registre du commerce, le groupe hôtelier valaisan «Definitely Different Group» a remplacé l’Hôtel de Bœuf par Peanutlodge.
La défense de la langue française est un moteur du combat pour l’indépendance. «Le Jura parle français», c’est un slogan qui figure sur un autocollant vendu deux francs encore aujourd’hui par le Mouvement autonomiste jurassien. Il s’agissait initialement de s’opposer au suisse allemand, mais en 2022, ce sont les anglicismes qui dérangent.