AfriqueBurkina et Mali solidaires du Niger face à la menace militaire
Le Burkina et le Mali dirigés par des militaires ont mis en garde lundi contre toute intervention militaire au Niger pour rétablir Mohamed Bazoum, président renversé par un putsch.
Cette mise en garde survient au lendemain de la menace d’usage de «la force» proférée par les dirigeants ouest-africains, soutenus par leurs partenaires occidentaux, dont la France, ex-puissance coloniale dans la région, accusée par les militaires qui ont pris le pouvoir au Niger de vouloir «intervenir militairement».
Dans un communiqué commun, les gouvernements du Burkina Faso et du Mali «avertissent que toute intervention militaire contre le Niger serait considérée comme une déclaration de guerre contre le Burkina Faso et le Mali». Ils «préviennent que toute intervention militaire contre le Niger entraînerait un retrait du Burkina Faso et du Mali de la Cédéao (Communauté économique des États d’Afrique de l’Ouest), ainsi que l’adoption de mesures de légitime défense en soutien aux forces armées et au peuple du Niger». Ils ajoutent qu’ils «refusent d’appliquer» les «sanctions illégales, illégitimes et inhumaines contre le peuple et les autorités nigériennes» décidées à Abuja.
Dimanche, les dirigeants de la Cédéao ont fixé un ultimatum d’une semaine à la junte militaire au Niger pour un «retour complet à l’ordre constitutionnel», affirmant ne pas exclure un «recours à la force» si ce n’était pas le cas. Ils ont également décidé de «suspendre toutes les transactions commerciales et financières» entre ses États membres et le Niger, et de geler les avoirs des responsables militaires impliqués dans le coup d’État.
Pressions
Dans un communiqué séparé, la Guinée dont le gouvernent est également issu d’un coup d’État, «exprime son désaccord concernant les sanctions préconisées par la Cédéao, y compris une intervention militaire» et «a décidé de ne pas appliquer ces sanctions qu’elle considère illégitimes et inhumaines». Conakry «enjoint la Cédéao à reconsidérer sa position».
Les pressions pour pousser les auteurs du coup d’État du 26 juillet à rétablir rapidement «l’ordre constitutionnel» s’accumulent, venant de l’ensemble des partenaires occidentaux et africains du Niger, pays jugé essentiel dans la lutte contre les groupes djihadistes qui ravagent certaines parties des pays du Sahel depuis des années. La France et les États-Unis, notamment, y déploient respectivement 1500 et 1100 soldats qui participent à la lutte anti-jihadiste.
Accusations contre Paris
La France, soutien indéfectible du président Bazoum, apparaît comme la cible privilégiée des militaires qui l’ont renversé. Ils l’ont accusée lundi de vouloir «intervenir militairement», ce qu’a démenti la cheffe de la diplomatie française, Catherine Colonna. «C’est faux», a-t-elle déclaré sur la chaîne BFMTV. «Il faut démonter les intox et ne pas tomber dans le panneau», a-t-elle également déclaré à propos des slogans anti-français qui ont notamment fleuri lors d’une manifestation devant l’ambassade de France à Niamey dimanche. Des milliers de manifestants favorables au putsch militaire ont voulu entrer dans l’ambassade, avant d’être dispersés par des tirs de grenades lacrymogènes.
Les putschistes nigériens ont affirmé que les tirs de gaz lacrymogène avaient fait «six blessés, pris en charge par les hôpitaux» de la capitale.
Dans un communiqué conjoint, les ministères français des Affaires étrangères et de la Défense ont démenti toute utilisation de «moyen létal», en réponse à certains responsables nigériens qui ont évoqué auprès de la presse des tirs français à balles réelles sur les manifestants.
Le président français Emmanuel Macron avait menacé dimanche de répliquer «de manière immédiate et intraitable» à toute attaque contre les ressortissants de la France et ses intérêts au Niger. La France a salué «les décisions prises par les chefs d’État» de la Cédéao rassemblés à Abuja, une réunion à laquelle a également participé le dirigeant tchadien Mahamat Idriss Déby Itno, dont le pays n’est pas membre de l’organisation ouest-africaine.
«Arrestations abusives»
Il s’est ensuite rendu à Niamey où il s’est entretenu avec Mohamed Bazoum, retenu depuis le 26 juillet dans sa résidence présidentielle, et avec le général Abdourahamane Tiani, le chef de la junte.
L’Union européenne (UE) a prévenu qu’elle tiendrait les putschistes responsables «de toute attaque à l’encontre de civils, et de personnel ou installation diplomatiques» et «appuiera rapidement et résolument» les décisions de la Cédéao. L’Allemagne et l’Espagne ont annoncé suspendre leur aide au Niger.
La Russie de son côté, dont le drapeau a été agité par des manifestants pro-junte à Niamey, a appelé «à un rétablissement au plus vite de la légalité dans le pays» et «à la retenue».
Le Parti nigérien pour la démocratie et le socialisme (PNDS, au pouvoir), a dénoncé les «arrestations abusives» de quatre ministres – Intérieur, Pétrole, Mines et Transports -, d’un ancien ministre et du chef du parti, dans un communiqué transmis lundi à l’AFP. Des sources proches de la présidence ont également fait part de l’arrestation du ministre de l’Enseignement supérieur.
Le Niger est l’un des pays les plus pauvres du monde, en dépit de ses ressources en uranium. Miné par les attaques de groupes liés à l’État islamique et à Al-Qaïda, il est le troisième pays de la région à subir un coup d’État depuis 2020 après le Mali et le Burkina Faso.
L’UE condamne l’arrestation de plusieurs ministres par les putschistes
L’Union européenne a condamné lundi l’arrestation par la nouvelle junte nigérienne de ministres du gouvernement déchu et a exigé leur libération immédiate. «L’UE dénonce la poursuite des arrestations de ministres et de hauts fonctionnaires du gouvernement du président Mohamed Bazoum par les putschistes au Niger», a déclaré Josep Borrell, chef de la diplomatie de l’UE, sur Twitter, rebaptisé X. «Nous appelons à leur libération immédiate», a-t-il ajouté.