Football: Comment Vincent Sierro s’est ouvert les portes de l’équipe de Suisse

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FootballComment Vincent Sierro s’est ouvert les portes de l’équipe de Suisse

Décevant lors de ses premiers mois, le milieu de terrain valaisan a fini par faire son trou à Toulouse, où il est capitaine. Le voici désormais en sélection nationale.

Brice Cheneval
par
Brice Cheneval
Capitaine et taulier du milieu de terrain, à Toulouse, Vincent Sierro donne enfin la pleine mesure de son talent.

Capitaine et taulier du milieu de terrain, à Toulouse, Vincent Sierro donne enfin la pleine mesure de son talent.

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Vincent Sierro convoqué en équipe de Suisse, il fallait oser le prédire le 1er octobre dernier. Ce jour-là, le milieu de terrain valaisan de Toulouse débute sur le banc lors de la réception de Metz. Lorsqu’il entre sur le terrain, après l’heure de jeu, il est reçu sous les sifflets de son propre public. Point d’orgue d’un début de saison décevant sur le plan personnel. «À ce moment-là, beaucoup à sa place auraient plongé», spécule Jean-Baptiste Jammes, fondateur du site LesViolets.Com, consacré à l’actualité de son club de cœur, et accessoirement animateur sur Fun Radio. Sierro, lui, s’en est relevé. En étant fidèle à lui-même: travailleur, persévérant, discret.

Depuis le mois de janvier, l’ancien joueur de Sion, Saint-Gall et Young Boys est devenu incontournable. Porteur du brassard de capitaine, il ne sort quasiment plus du onze de base (13 titularisations sur les 14 derniers matches toutes compétitions confondues, dont 8 disputés dans leur intégralité) et fait preuve d’une efficacité statistique inattendue (5 buts et 3 passes décisives). Un bilan agrémenté de quelques performances majuscules, notamment contre Benfica en 16e de finale retour de Ligue Europa. «Par moments, il prend les commandes de l’équipe, note Jean-Baptiste Jammes. Sa présence rejaillit sur les autres: on presse plus haut, il délivre d’excellents ballons et on a découvert un bon tireur de coups de pied arrêtés. Il a complètement renversé l’opinion publique, à tel point qu’il n’est pas rare de voir le stade scander son nom.»

Soutenu par son entraîneur

Sa rédemption a atteint un nouveau cap la semaine dernière avec sa première convocation en équipe de Suisse, à 28 ans. «On est très fier de lui», a réagi son entraîneur à Toulouse, Carles Martinez Novell, lequel a régulièrement encensé son milieu de terrain suisse. «Depuis le premier jour, Vincent est un exemple pour nous, a-t-il déclaré le mois dernier. Il a parfois souffert, il voulait être meilleur, montrer les qualités qu’on pouvait voir aux entraînements. Mais parfois, pour différentes raisons, ce n’était pas le cas. [...] Maintenant, il est excellent.»

«Depuis le premier jour, Vincent est un exemple pour nous»

Carles Martinez Novell, entraîneur du Toulouse FC
Carles Martinez Novell.

Carles Martinez Novell.

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Derrière ces mots se cache un peu de soulagement. Celui du pari enfin réussi. Car jusqu’à l’automne dernier, l’aventure de Vincent Sierro au Téfécé prenait la forme d’un flop retentissant. À son arrivée en janvier 2023, en provenance de YB, le Valaisan se heurte à une forte concurrence. Son secteur est alors tenu par trois cadres: Brecht Dejaegere, Branco van den Boomen et Stijn Spierings. Contraint à un temps de jeu restreint, Sierro peine à s’illustrer. «Son potentiel ne nous a pas tout de suite sauté aux yeux, son impact était très faible», raconte Jean-Baptiste Jammes. 

Contesté par les supporters

Les cartes sont redistribuées à l’intersaison avec le départ des trois susnommés (Spierings reviendra en prêt après la clôture du mercato estival). Sierro se voit offrir une place de titulaire et, plus significatif encore, le capitanat. «Il est l’un des rares joueurs d’expérience au sein d’un effectif jeune (ndlr: 24,2 ans de moyenne d’âge selon Wyscout, la plus basse de Ligue 1), évolue à un poste central, parle plusieurs langues et est apprécié pour ses qualités humaines. Son nom s’est imposé naturellement», justifie Jean-Baptiste Jammes.

Pourtant, la greffe ne prend toujours pas. Dans le sillage d’un collectif en difficulté, le Valaisan traverse les matches tel un fantôme. «Il était très critiqué en début de saison, poursuit notre interlocuteur. Peu de supporters pensaient qu’il avait les épaules pour assumer ce qu’on attendait de lui, à savoir devenir le patron de l’entrejeu. Parce qu’il avait été désigné comme la tête de proue de ce Téfécé. On en est venu à se demander pourquoi il avait hérité du brassard de capitaine.»

Au cœur de l’automne, le No 8 des Violets est même relégué sur le banc, laissant entrevoir un déclassement. Mais aux yeux de Carlos Martinez Novell, son crédit est resté intact. «Ma confiance a toujours été maximale avec lui, il le savait, a récemment indiqué le technicien catalan. Quand il a été remplaçant, ce n’était pas une punition, mais pour lui dire: “Repose-toi et reviens avec encore plus d’énergie”.»

Une progression saisissante

Le message a semble-t-il été entendu. Fin 2023, un début de bascule s’opère. De retour à temps plein dans le onze de départ, Vincent Sierro affiche des progrès encourageants et commence à rayonner. Battu à Toulouse début novembre en phase de groupe de la Ligue Europa (3-2), Liverpool a pu en témoigner. À partir de janvier, le curseur est rehaussé. En illustre l’évolution de ses notes individuelles. Bien que sommaire, cette donnée offre un premier indicateur de sa progression. D’août à décembre, Sierro était crédité d’une moyenne par match, en Ligue 1, de 4,9 par L’Équipe et 6,41 par le site d’analyse WhoScored. Depuis janvier, la marque est passée à 5,4 et 7,21. Ce mieux se confirme aussi dans les statistiques avancées (voir ci-dessous).

En plus de sa propre émancipation, le Suisse bénéficie du changement de système opéré par Carles Martinez Novell. Exit le 4-3-3 dysfonctionnel de la première moitié de saison, place à un 3-5-2 où Sierro forme un double pivot avec Spierings au milieu de terrain et voit ses responsabilités accrues.

«Il a complètement renversé l’opinion publique, à tel point qu’il n’est pas rare de voir le stade scander son nom»

Jean-Baptiste Jammes, fondateur du site LesViolets.Com

Peut-il maintenir son niveau actuel sur la durée? C’est toute la question du côté de la ville rose. «Tout cela est assez frais, on a besoin de certitudes, lâche Jean-Baptiste Jammes. Jusqu’à présent, Sierro a manqué de régularité, il a réalisé quelques matches énormes mais est aussi passé au travers parfois. J’ai encore quelques doutes à l’imaginer en leader du Téfécé pour les prochaines années. Une chose est certaine: on avait une idée en le faisant venir et on commence à en récolter les fruits.»

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