JuraBayron, le chien policier de l’année, a attaqué un enfant
Tout récemment distingué et vanté comme câlin, un berger a par le passé mordu un bambin. La société qui a remis le prix au limier ignorait tout et déplore que la policière maître ait accepté le prix.
- par
- Sébastien Anex
«Câlin, très gentil et protecteur»: les qualificatifs élogieux ne manquaient pas à l’égard de Bayron, un chien policier, dans un communiqué de la police cantonale jurassienne en date du 26 juin. C’était en effet non sans fierté que la maréchaussée annonçait que son berger belge malinois s’était vu honoré du titre de Chien de l’année par la Société cynologique suisse (SCS). Bayron et sa maîtresse, la caporale-cheffe Patricia Freudenberger, s’étaient en effet illustrés lors du sauvetage nocturne d’une personne perdue en forêt l’automne dernier.
Ce que ne précisait pas la communication, c’est que Bayron n’avait pas que le flair aiguisé, mais également les crocs bien acérés. Selon des informations obtenues par lematin.ch, Bayron a violemment attaqué et mordu un enfant au thorax en juin 2021. Contactée, Patricia Freudenberger, indique ne pas pouvoir commenter notre renseignement.
Rapidement, la police confirme toutefois: «Bayron a effectivement été l’auteur d’une blessure occasionnée à un enfant. Les faits se sont produits au domicile de la conductrice lors d’une visite privée, donc hors du contexte policier», indique le porte-parole Daniel Affolter. «Comme il s’agit d’un chien de la police, la conductrice a très rapidement informé sa hiérarchie de cet événement malheureux. Nous avons sollicité le Service de la consommation et des affaires vétérinaires jurassien (SCAV). L’expertise a établi que ce chien pouvait être engagé comme chien de police.»
Du sauvetage à la menace en un instant
Le SCAV détaille que le chien était surmené au moment de l’attaque et a diligenté une évaluation comportementale. «En conclusion, il y a surtout eu des recommandations de vigilance. Le port de la laisse et de la muselière est imposé dans les moments qui l’exigent», rapporte le vétérinaire cantonal Flavien Beuchat. Il expose que «la sensibilité de Bayron, qui peut être une force pour la police, peut aussi être un point de préoccupation à côté du travail. Il peut contribuer à sauver la vie d’un enfant un jour et représenter un risque le lendemain dans d’autres circonstances. C’est un problème connu pour ces animaux. La conductrice a suivi des cours spécifiques à cette problématique et mon service a pu s’assurer que les mesures imposées à l’époque sont bien respectées.»
Le vétérinaire rapporte que pour la famille de l’enfant attaqué, l’événement est très stressant. «Je comprends que les personnes concernées par cette morsure soient déçues et même choquées qu’on remette un prix à ce chien. Mais ce sont deux choses différentes. On ne lui donne pas un prix pour avoir mordu, on l’honore pour avoir sauvé une vie. À mes yeux, cela n’en fait pas un héros et ne remet pas en cause les mesures préventives exigées.»
«Je regrette d’avoir remis ce prix»
Le président de la Société cynologique suisse, Hansueli Beer, tombe des nues lorsque nous lui apprenons l’agression: «Nous voulions récompenser un chien policier. Bayron a été recommandé par la Fédération suisse des conducteurs de chiens de police. Si je ne peux malheureusement plus retirer ce prix, je regrette naturellement de l’avoir remis. Je vais demander des explications, mais à la place de la policière, je n’aurais pas accepté cette distinction.»
Dans son communiqué du 26 juin, la police jurassienne relevait que Bayron avait été présenté à des bambins lors du Passeport vacances ou de sorties scolaires. Hansueli Beer, lui-même conducteur de chien, réagit: «Vu le contexte, je n’aurais pas fait ça avec ce chien.» La police qui déclarait d’abord que «les enfants de la région l’ayant rencontré confirmeront le côté câlin» de la bête relate aujourd’hui que «Bayron est en permanence sans contact proche avec les tiers et en laisse» lors de visites.