Ils ont su faire de la naissance de Spotify une bonne série

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NetflixIls ont su faire de la naissance de Spotify une bonne série

«The playlist» tourne une page de l’histoire récente des technologies numériques. Avec une touche de virtuosité.

Jean-Charles Canet
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Jean-Charles Canet

Faire une fiction (série ou film) captivante sur l’histoire d’une percée numérique, David Fincher y était parvenu avec «The Social Network», soit la naissance de Facebook. Une équipe suédoise vient de réitérer l’exploit avec «The Playlist», mini-série en 6 épisodes qui s’attache à la naissance de Spotify. C’est sur Netflix que cela se passe, depuis le 13 octobre dernier.

Entré dans le premier épisode en traînant des pieds, on en est ressorti avec une seule idée en tête: enchaîner sur la suite. Car Spotify, rien à battre, pensait-on. Les biopics aussi, soit dit en passant. On avait oublié qu’au début des années 2000 nous étions tous devenus de méchants pirates qui préféraient télécharger notre musique sur des sites de partage illégaux (genre Pirate Bay) plutôt que de dépenser plusieurs dizaines de francs pour acheter un CD. On avait oublié que l’industrie de la musique était au bord du gouffre et semblait mener une bataille désespérée pour survivre, notamment devant des tribunaux impuissants. Sans parler des artistes coincés entre le marteau et l’enclume. On avait donc oublié que Spotify était au cœur d’une révolution et que, bien traitée, cette histoire méritait d’être contée.

Quatre raisons

La réussite de «The Playlist» est quadruple: l’histoire est mal connue, elle est passionnante. Les acteurs qui l’incarnent sont excellents, tous, sans exceptions. La mise en image déborde d’inventivité (et il en faut pour filmer des gens le nez penché sur un clavier). Et, enfin la construction est exceptionnellement inventive.

Chacun des six épisodes est centré sur un personnage clé. À tout seigneur, tout honneur, le premier est consacré à Daniel Ek, fondateur de Spotify. Un nerd suédois sans diplômes, doué mais mal employé, rejeté par Google chez qui il a postulé et à la recherche d’une idée qui lui permettrait de prendre sa revanche. Ce sera un lecteur de musique gratuite mais légale, exhaustif, ultra-fiable, ultrarapide. Un truc qui doit se faire sur le dos d’une industrie de la musique dépassé et arc-boutée sur ses privilèges et aussi sur celui de «Pirate Bay», car ainsi en a décidé le très têtu et pas forcément aimable Daniel Ek.

Droit dans les yeux

À la fin de l’épisode, surprise. Un personnage secondaire prend la parole en nous regardant droit dans les yeux: «En réalité, ça ne s’est pas tout à fait passé comme ça» assure-t-il. Écran noir. L’épisode est terminé. Le suivant commence et sera consacré à sa version, à son point de vue. Il en sera ainsi pour un représentant clé de l’industrie musicale, la juriste de Spotify, le codeur de génie, le financier entrepreneur et enfin l’artiste (ici incarnée par une talentueuse chanteuse), l’éternel dindon d’une farce qui ne peut pas s’achever sur un point final, car l’histoire est toujours en train de s’écrire en 2022.

Voilà, c’est suédois, c’est sec comme un coup de trique, nerveux comme un flipper vintage, racé comme un labrador et très, très, très malin. Oui mais sans pour autant nous jeter la crème fouettée de l’intelligence à la figure. Si avec ça on ne vous donne pas envie de construire votre «Playlist»…

«The Playlist», mini-série en six épisodes créée par Christian Spurrier et réalisée par Per-Olav Sørensen et Hallgrim Haug. Sur Netflix.

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