SénégalLes tensions ont déjà fait 15 morts depuis jeudi
Samedi, le bilan des heurts au Sénégal a encore pris l’ascenseur, après la condamnation de l’opposant Ousmane Sonko.
Le Sénégal reste samedi sous tension au lendemain d’affrontements qui ont fait six nouveaux morts, portant à 15 le nombre de décès depuis jeudi et la condamnation à deux ans de prison ferme de l’opposant Ousmane Sonko. «On a enregistré dans la journée du 2 juin six décès, dont quatre dans la région de Dakar et deux dans la région de Ziguinchor», a indiqué à l’AFP le porte-parole du ministre de l’Intérieur.
Des heurts ont opposé vendredi soir de petits groupes de jeunes manifestants très mobiles aux forces de l’ordre à Dakar, dans la banlieue de la capitale et dans le sud du pays. Aucun incident n’avait été signalé par le ministère de l’Intérieur samedi en début d’après-midi.
De nombreux biens publics et privés ont été saccagés, notamment des banques et des magasins Auchan dans la banlieue de Dakar. Des pneus brulés et cailloux jonchaient la chaussée de plusieurs rues samedi matin. Plusieurs réseaux sociaux, comme Facebook, WhatsApp ou Twitter, sont coupés, une mesure du gouvernement pour faire cesser selon lui «la diffusion de messages haineux et subversifs». L’armée s’est déployée, comme la veille, autour de points stratégiques. Policiers et gendarmes sont également présents en grand nombre dans la capitale.
«Résistance»
Les Sénégalais retiennent leur souffle dans la crainte d’une arrestation de l’opposant Ousmane Sonko, candidat déclaré pour la présidentielle de 2024, et condamné jeudi à deux ans de prison ferme pour avoir poussé à la «débauche» une jeune femme de moins de 21 ans.
Cette décision le rend pour l’heure inéligible. Ousmane Sonko crie depuis le début de l’affaire à un complot du président Macky Sall pour l’éliminer politiquement. Il se dit «séquestré» dans sa résidence de Dakar par des forces de sécurité qui empêchent quiconque d’approcher.
Ousmane Sonko peut désormais être arrêté «à tout moment», a dit le ministre de la Justice Ismaïla Madior Fall. Son parti, le Pastef, a appelé «à amplifier et intensifier la résistance (…) jusqu’au départ du président Macky Sall», dont il accuse le régime «de dérives sanglantes et dictatoriales» vendredi dans un communiqué.
Pour le porte-parole du gouvernement, les événements depuis jeudi ne sont pas «une manifestation populaire avec des revendications politiques», mais plutôt «des actes de vandalisme et de banditisme». «Nous sommes face à des casseurs recrutés pour entretenir une tension artificielle. Ils vont continuer à exécuter leur besogne mais le temps joue en faveur du rétablissement total et du maintien de l’ordre public», a-t-il dit au journal «L’Observateur».
Peur
«J’ai vraiment peur parce qu’on ne sait pas comment tout ça va finir. Mais c’était bien prévisible, et il fallait peut-être qu’on passe par là pour que les choses bougent, pour que les politiques arrêtent de se jouer du peuple», a déclaré à l’AFP Fatou Ba, une commerçante de 46 ans dans le quartier populaire de Dalifort, à Dakar.
«S’ils veulent la paix (les autorités), ils n’iront pas chercher Sonko», espère-t-elle. «Personne n’est en sécurité dans ce pays actuellement. Si les manifestations continuent, la vie va être encore plus difficile», dit Matar Thione, conducteur de moto de 32 ans.
Dans ce quartier, les quelques stations-services ouvertes sont prises d’assaut de crainte d’une pénurie d’essence. Dakar, habituellement grouillante, est vidée et de nombreux commerces sont fermés. Vendredi, la communauté internationale, des représentants d’associations et des stars de foot comme l’attaquant vedette Sadio Mané ont appelé à la retenue et à cesser les violences dans ce pays réputé être un rare îlot de stabilité en Afrique de l’Ouest.